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Monde déchiré

24 mai 2017, 07:48

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Les services secrets britanniques sont parmi les meilleurs au monde. En budget et en capital humain. Leurs équipes de renseignements - les fameux MI5 (actifs sur le plan domestique) et MI6 (actifs en déploiement externe) et la police sont intégrées au niveau opérationnel. La coopération au niveau européen, elle, fonctionne depuis 15 ans et tend à s’intensifier après chaque attentat, dont ceux de New York, Londres, Madrid, Paris. Mais, Manchester vient prouver encore une fois que malgré tout, le risque zéro, ou l’infaillibilité, n’existe pas en matière de lutte anti-terrorisme.

Manchester est un puissant symbole de musique multiculturelle et de football international. Plusieurs talents sont partis de là en maximisant la diversité d’une ville à forte immigration. Mais, comme au Bataclan, le 13 novembre 2015, à Paris, l’attaque terroriste revendiquée par l’État islamique a voulu frapper l’esprit ou l’imaginaire en ciblant ceux qui viennent se divertir, en toute liberté.

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Le terrorisme, il ne faut pas faire d’amalgame, revêt plusieurs formes. Des attentats, comme celui de Manchester, se produisent quasi quotidiennement au Moyen-Orient. Ce n’est pas une raison pour minimiser l’attaque de Manchester, mais il s’agit de relativiser. Si au «Proche» et «Moyen» Orient, les attentats interviennent dans une situation de conflit quasi-permanent, en Europe le choc est total à chaque attaque qui frappe, comme si le monde s’arrêtait de tourner à chaque détonation. C’est peut-être dû au fait que, malgré tous les discours et ressources sophistiqués, tels que le dernier speech de Donald Trump en Arabie Saoudite, il devient de plus en plus difficile d’anticiper de tels actes quand les terroristes habitent déjà sur le territoire attaqué, et quand ils agissent seuls, ou avec l’aide d’une clique souvent familiale, hermétique, et ayant ainsi leur propre réseau social. Bref qui évoluent à l’abri des radars des autorités et des agents du MI5.

Les formes de terrorisme sont devenues nombreuses et nécessitent donc des approches différenciées. Mais puisque le réseau est mondialisé, la riposte ne peut donc pas être que nationale, d’où la coopération mondiale (avec des acteurs aussi divergents que les States de Trump, la Russie de Poutine, la Syrie d’al-Assad, la Turquie d’Erdogan, l’Iran, la Chine, etc) qui se met laborieusement en place.

Ce qui se passe à Manchester nous touche directement, en raison du monde interconnecté dans lequel nous vivons désormais. Notre économie, dont le tourisme, en dépend.

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Autre phénomène global : le transfert de fonds et de capitaux avec des visées stratégiques. Vishnu Lutchmeenaraidoo n’a sans doute pas bien mesuré la rivalité mondiale entre la Chine et l’Inde. Sinon il aurait, peut-être, brandi un sourire bien moins exubérant que celui qui figure dans la photo que nous a envoyée son service de presse, il y a une dizaine de jours, à l’occasion du sommet de Pékin.

Ce sommet s’est tenu pour lancer la nouvelle route de la soie chinoise. Une soixantaine de pays, dont Maurice, participaient au dévoilement de l’ensemble d’infrastructures et de routes (ferroviaires et maritimes) qui facilitera le transport de marchandises et d’hydrocarbures entre l’Europe, le Moyen-Orient et la Chine. Une soixantaine de pays...sauf l’Inde. Celle-là même qui nous finance à coups de milliards. Et qui vient de permettre au gouvernement de désamorcer, à la dernière minute, une bombe sociale, allumée au jardin de la Compagnie.

Mother India, concurrent régional de la Chine, a choisi de montrer son désaccord par rapport au tracé de la route de la soie, en boycottant tout bonnement le sommet chinois. Et quand, en fin de semaine, Pravind Jugnauth ira quémander des milliards pour boucher le trou de l’ex-BAI à Narendra Modi, il se pourrait que celui-ci fasse, diplomatiquement, allusion à la route de la soie et à la présence mauricienne…

On le sait : la Grande péninsule nous aide pour divers projets à la hauteur de quelque Rs 17,6 milliards : financement d’achat d’hélicoptère et d’un Coastal Radar Surveillance System, construction d’une jetée et d’une piste d’atterrissage à Agalega, subvention pour l’ex-Heritage City (projet enterré qui a surtout enrichi les consultants de Stree Consulting et leurs lobbyistes), Grant pour le Metro Express (ex-métro-léger tant décrié par le MSM en décembre 2014), construction d’une nouvelle Cour suprême, distribution de tablettes pour le Nine-Year Schooling, éventuellement une seconde Cybercité, etc...

Ce que l’on ne sait pas, en revanche, c’est ce que l’Inde attend en retour sur cet investissement à Maurice. Comme l’a courageusement rappelé Arvin Boolell, dans l’express d’hier, l’Inde n’est pas une organisation charitable. Elle a elle-même plusieurs urgences sociales et infrastructurelles à régler sur son vaste territoire.

À ce jour, l’on ne sait toujours pas si le remboursement des clients de SCBGBAM prendra la forme d’un don ou d’un emprunt (dans ce second cas, quels en seront les termes ?)

Un fidèle lecteur attirait notre attention sur le fait que ces «prêts déguisés» (qu’ils proviennent de la Chine ou de l’Inde) sont sujets aux dispositions des lois du pays, entre autres, la Constitution et le «Finance and Audit Act». Et il est peu probable que le gouvernement Lepep puisse négocier un emprunt autre que pour des projets de développement. S’agissant des dons, il n’y a pas a priori de problème au niveau des textes de loi puisque cela relève des prérogatives des gouvernements étrangers... aussi longtemps qu’il n’y a pas de ficelles attachées à ce genre d’aide ! Par exemple, je te donne quelques milliards, tu me laisses gérer Agalega… comme les Anglais gèrent les Chagos, ou les Américains la base de Diego Garcia, ou encore les Français à Tromelin...