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Semaine de l’hémophilie: Juanito, petit homme qui fait preuve d’un grand courage

10 avril 2016, 08:50

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Semaine de l’hémophilie: Juanito, petit homme qui fait preuve d’un grand courage

 

Juanito Barbe couve des yeux le Happy Meal acheté pour lui par l’Hemophilia Association of Mauritius. Tout en ne perdant pas une miette de la conversation se déroulant entre sa mère, Priscilla Merville, et nous. Son genou droit est recouvert d’un épais bandage. Le garçonnet ne se souvient pas être tombé ou s’être cogné. Selon sa mère, cela arrive de temps à autre qu’il se réveille et qu’un de ses membres inférieurs soit enflé. Elle redouble alors de vigilance, l’inspectant sous toutes les coutures à chaque fois qu’il rentre de l’école, pour s’assurer qu’il ne soit pas en train de faire une hémorragie interne spontanée.

Comme tout enfant, Juanito est turbulent. À sept ans, il se coupe la main avec une feuille de tôle et saigne abondamment. Priscilla Merville doit l’emmener à l’hôpital A.G. Jeetoo. Plus tard, un morceau de bois se fiche dans son pied et il faut à nouveau l’hospitaliser tant il saigne. Mais c’est aux alentours de neuf ans que sa mère finit par se rendre à l’évidence : il a une complication sanguine grave. Elle fait alors le lien entre celle-ci et la disparition de ses deux frères qui, eux aussi, saignaient spontanément.

En ce jour fatidique, Juanito joue avec sa soeur. À un moment donné, les enfants se télescopent. L’oeil de Juanito enfle tellement qu’elle doit l’emmener à l’hôpital de Moka. Le médecin le réfère alors à l’hôpital A.G Jeetoo. C’est là que l’on diagnostique l’hémophilie. Juanito a une déficience du facteur 8 dans son sang, ce qui rend la coagulation si difficile. Il faut lui en donner sur une base hebdomadaire, par transfusion, pour prévenir tout saignement dû à un coup ou à une blessure.

La vie de l’enfant change alors drastiquement. Deux fois par semaine, il doit quitter l’école à 13 heures pour se rendre à l’hôpital où il reçoit son facteur 8 manquant. Le responsable de l’école primaire, ainsi que ses instituteurs sont informés de son état. Sa mère l’empêche de jouer, que ce soit à l’école ou à la maison avec ses frères et soeurs. Il doit rester assis bien sagement et ne pas bouger. «Bizin pran li simp. Bizin aksepté linn vinn kousma. Pa kapav fer nanyé», confie Priscilla Merville. La seule distraction de Juanito, ce sont les dessins animés.

Si généralement, il accepte son sort, l’enfant est parfois agacé d’être aussi statique. Et lorsque son genou est enflé, il a du mal à s’endormir. Il tempête pour que sa fratrie vienne venir voir les «tikomik» en sa compagnie. «Ses frères et soeurs comprennent qu’il est malade et jouent le jeu. Je sais que c’est dur pour lui. Enn fet pa kapav avoy li. Okenn par li pa alé. Mo sagrin mem mé mo bizin dir li ki li oblizé swiv sa tretman-là sinon Bondié pou pran li.»

L’an dernier, Pâques a été bien triste pour Priscilla Merville et les siens car la veille, Juanito a fait une hémorragie spontanée au cerveau. Il a passé 15 jours aux soins intensifs de l’hôpital A.G Jeetoo et deux semaines supplémentaires en salle. À force de «alé-vini» à l’hôpital pour seconder sa compagne, son père, qui travaillait comme gardien, a perdu son emploi.

Depuis, la famille, qui vit dans une bicoque en tôle à Pointe-aux-Sables, tire le diable par la queue. Priscilla Merville ne peut travailler car elle doit accompagner Juanito à l’hôpital à chacun de ses rendez-vous. La famille survit grâce à la pension que le ministère de la Sécurité sociale accorde à Juanito, soit Rs 2 900, sur les 1 500 que la fille aînée de Priscilla lui apporte mensuellement et sur des colis alimentaires de Caritas. Elle est reconnaissante envers la Hemophillia Association of Mauritius qui l’aide au niveau du transport.

Si Juanito est assidu à l’école malgré son hémophilie et qu’il adore les mathématiques, depuis sa dernière hémorragie spontanée à la tête, il a des trous de mémoire. «Depi linn sorti ICU, li pa fouti rapell bann zafer. Mo tia kontan li gagn so lasanté. Dokter dir mo bisin atann ki li gagn 18 ans pou koné si li pou viv. Ki pou fer ? Bizin tant lasans ek met tou dan lamé Bondié…»

Hemophilia Week…

Dans l’optique de sensibiliser le plus grand nombre à l’hémophilie, la Hemophilia Association  of Mauritius (HAM) dédie la semaine qui vient à cette maladie. Constituée à l’origine par un groupe de parents d’enfants hémophiles en 2010, cette association compte pas mal de réalisations à son actif depuis.

Présidée par Asraf Caunhye, elle a d’abord mis sur pied un registre national pour recenser les Mauriciens atteints. Registre qui sera bientôt informatisé. Si en 2010, ils étaient 22, aujourd’hui, ils sont 90. Mais en se basant sur les statistiques de l’Organisation mondiale de la santé, qui estime qu’une personne sur 10 000 est hémophile dans le monde, Asraf Caunhye pense que l’on doit compter 150 hémophiles à Maurice. La HAM a conclu un partenariat avec la South African Hemophilia Foundation et a adhéré au World Association of Hemophilia. Ce qui lui a permis de bénéficier de l’expertise d’hématologues qui ont formé les professionnels de santé. La HAM  a aussi été aidée pour qu’elle développe un plan stratégique visant, entre autres, à effectuer des levées de fonds.

En 2013, la HAM a développé un protocole de traitement écrit pour les cinq hôpitaux régionaux et remis un bracelet à chaque hémophile. Objet qui indique la déficience de facteur sanguin de chacun d’entre eux et ceci pour une prise en charge rapide en cas d’urgence. D’autres experts sont venus former 25 infirmières et un hématologue étranger a formé une cinquantaine de médecins pour que des équipes pluridisciplinaires prennent en charge les hémophiles venant à l’hôpital.

Samedi 9 avril, la HAM a organisé un check-up général pour tous les hémophiles au siège de l’association à Vacoas et le mercredi 13 avril, cette association sera présente à la mairie de Quatre-Bornes pour donner plus de visibilité à la maladie. Ameenah Gurib-Fakim, la présidente de la République, et Anil Gayan, le ministre de la Santé, assisteront à cette fonction.

Si la HAM est reconnaissante envers le gouvernement qui fournit gratuitement le facteur déficient aux hémophiles, l’association veut améliorer la prise en charge parentale. «À la Réunion, ils pratiquent la Home based therapy. Les parents sont formés pour transfuser leurs enfants avec le facteur manquant et ce n’est que tous les six mois que l’hémophile fait son check-up à l’hôpital. Notre objectif est d’arriver à en faire de même», précise le président de la HAM.