La scène pourrait être inspirée d?un roman d?Edgar Allan Poe, auteur d??uvres fantastiques. Mais nous nous trouvons simplement au premier étage d?un immeuble à La-Louise, Quatre-Bornes. Là se réunissent, deux fois la semaine, à la fois dans la liesse, le recueillement et l?exaltation, des fidèles venus de partout.

Ils viennent pour entendre la parole de Dieu, mais aussi pour voir le pasteur de cette petite église. Un homme adulé et charismatique qui en a impressionné plus d?un par sa capacité pour chasser le diable qui a pris possession du corps ou de l?esprit de certains.

Assistance galvanisée

Nous avons pu assister hier à une de ces séances. Un petit groupe assure la musique de fond. Soudain, la voix du pasteur s?élève, imposante, comme un coup de tonnerre. Il prononce le nom du prince des ténèbres : «Le diable li la pou li okip nou lespri, bizin anpess li okip nou panse».

D?autres voix se font entendre dans la salle, en ch?ur. L?assistance autour du pasteur est galvanisée. Chacun attend son tour, pour cet instant de délivrance ou de guérison. Le pasteur pose sa main sur la tête du fidèle devant lui. Il prononce des formules d?exorcisme. Le fidèle tombe à la renverse. Il en est de même pour d?autres qui suivront. Le pasteur, infatigable, se montre déterminé à combattre le mal avec la seule arme dont il dispose : «Le sang de Jésus».

Le pasteur peut, immanquablement, identifier la nature des problèmes de ses brebis. Il parle d?une jeune femme devant lui : «Sa li finn dekouraze ar lavi, li na pli ena lespwar». Une imposition de main et la femme s?écroule. Comme elle, tous ceux «possédés ou malades» tombent dès l?imposition de main. Et quand ils se relèvent, ils sont tout heureux d?être enfin libérés de l?emprise du diable. Grâce à la communication de bouche à oreille, les «qualités exceptionnelles» du pasteur se propagent, attirant beaucoup de monde.

Dès le début de la cérémonie d?hier, des louanges à Dieu sont chantées, accompagnées d?un petit orchestre. La plupart des cantiques sont repris au rythme du seggae, rythmés par des claquements de mains. Les yeux fermés, certains émettent des plaintes, d?autres dansent, d?autres encore sombrent dans l?hystérie pure?

Le calme revenu, le pasteur parle. Il en étonne plus d?un en dévoilant ses dons d?extralucide : «Il y a une femme actuellement dans l?assistance qui se prépare à quitter son mari pour aller vivre avec un autre homme». Un frisson parcourt l?assistance, tandis que la musique de fond assure toujours l?ambiance surréaliste. «La demeure d'une autre personne présente, poursuit-il avec conviction, est transformée en Sodome et Gomorrhe».

A l?issue de la séance d?hier, nous interrogeons une jeune femme. Elle nous assure qu?il n?y a aucune tricherie : «Le pasteur arrive réellement à libérer des personnes des mauvais esprits qui les habitent. Il faut croire et ce sont les croyants qui viennent le voir». Elle s?empresse de relater son propre cas. «Moi-même et ma mère qui venons ici régulièrement, nous avons été sauvées, grâce au pasteur», nous dit elle, avec le sourire.

Toute cette séance nous a donnés un peu froid dans le dos hier, malgré la chaleur qui régnait dans la salle. Diable ! Notre présence n?a pas été signalée?