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L?art pour tous et tous pour l?art

15 septembre 2003, 00:00

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La démocratisation de la culture soulève, comme nous l?avons déjà vu, le problème de la vulgarisation du langage. Quiconque cherche un langage universel anticipe par-là même sur une société homogène, donc démocratique. Or, nous savons tous que notre société n?est pas encore structurée ; elle n?est pas prête à posséder un outil de communication digne de cohérence universelle. Ecrire pour le ?tout le monde?, revient donc à vouloir écrire pour ce qui n?existe pas. ?Démocratie? et ?culture? ont quelque chose de contradictoire, d?antinomique. Leur juxtaposition engendre dès le départ un langage socialement brisé et l?art pour tous et tous pour l?art devient alors une utopie.

Nos passionnés de la démocratie sont en train de jouer une comédie sociale de la culture. Ils cherchent à trouver leur compte dans le ?tout le monde? en pensant qu?il est de leur devoir, institutionnel ou ministériel, d?apporter l?art à toutes les portes. Puisqu?ils n?ont pu faire que ce qui est culturel devienne populaire, ils ont décidé que tout ce qui est populaire est forcément culturel. En d?autres mots, ils ont dégradé la vraie culture en l?adoptant au goût de leur fameux ?tout le monde?. Aujourd?hui encore, ils ignorent s?ils sont en train de faire de la culture un loisir ou du loisir une culture.

D?un côté ils réclament la démocratisation de la culture, de l?autre ils hurlent avec désespoir qu?elle se dégrade. Et ils sont incapables de comprendre que leur propre contradiction vient de ce qu?ils la conçoivent comme un bien consommable alors qu?elle est en réalité une relation entre individus, entre groupes. Pourtant, nul n?est censé ignorer que comprendre la culture revient à savoir ce qu?elle représente. Ce qui veut dire qu?on ne saurait se faire cultiver sans avoir au préalable appris à le faire. La question même de l?apprentissage suppose que le donneur et le receveur jouent du même langage. Car le contenu d?un texte qui prône la valeur intrinsèque de la culture ne provient pas d?un livre de recettes.

Celui qui écrit opère un choix de conscience, et non d?efficacité. Ecrire sur la culture obéit avant tout à l?art de penser celle-ci et non à la volonté de l?étendre de manière à atteindre une distribution populaire. Cela ne doit pas entraîner le souci automatique d?écrire pour le ?tout le monde?. Ce serait traiter le peuple en consommateur. Et la culture n?est pas un objet de distribution populaire. Elle est élévation. Ce n?est pas à elle d?effectuer une descente en pic jusqu?au peuple, c?est au peuple d?accéder à elle. Ce qu?il faut peut-être, c?est donner au peuple le moyen d?y accéder. Mais ça, c?est une mission qui relève des tâches du ministère de la Culture et des Arts. En attendant, il faut restituer au langage son exigence.