Publicité

Veda Baloomoody : «Les éléments troublants de l’affaire Anand Kumar Ramdhany…»

21 novembre 2011, 13:47

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Pour l’avocat et député du Mouvement militant mauricien, la Commission des droits de l’homme ne dispose pas des moyens nécessaires pour mener une enquête sérieuse autour du suicide de cet homme en cellule policière.

 

? Pourquoi vous intéressez-vous au dossier concernant la mort en cellule policière d’Anand Kumar Ramdhany ?

Depuis toujours, les affaires de brutalité policière et de morts en cellule m’interpellent. Elles me fatiguent et je ne peux rester tranquille.

? Ce genre de cas n’a-t-il pas connu une nette diminution ?

Il y a eu une baisse depuis le démantèlement de la Major Crime Investigation Team, mais on ne peut parler de nette diminution. Le problème repose davantage sur l’absence de confiance du public dans nos institutions. Une victime de brutalité policière doit, pour espérer que justice soit faite, se tourner vers le Police Complaints Bureau ou la Commission des droits de l’homme. Or, dans le premier cas, c’est la police qui enquête sur la police, ce qui n’est pas normal. Dans le deuxième cas, la Commission ne fonctionne pas et n’est pas équipée pour mener de telles enquêtes.

? Vous doutez donc de la conclusion de la Commission des droits de l’homme, qui estime qu’Anand Kumar Ramdhany s’est suicidé en cellule, comme l’a déclaré le Premier ministre à l’Assemblée ?

Comme je l’ai dit, selon moi, cette Commission ne dispose pas des moyens nécessaires pour mener une enquête sérieuse. Maintenant, considérons les faits : aucun individu indépendant de la police ne s’est rendu sur les lieux du drame, le SAMU n’a pas été appelé pour constater le décès, le cadavre a été retrouvé sur le sol alors que la police affirme qu’il y a eu pendaison et, enfin, il n’y a pas d’endroit, dans une cellule, où accrocher une corde et se donner la mort.

D’autres d’éléments autour de l’arrestation d’Anand Kumar Ramdhany me troublent également. Les événements se sont déroulés ainsi : une femme rapporte le vol de sa montre le 17 juillet dernier au poste de police de Plaine-des-Papayes. Le 25 juillet à 9 heures, le mari de la plaignante est arrêté. Il avoue le vol et affirme qu’il a vendu la montre à Anand Kumar Ramdhany. Quelques heures après, ce dernier est arrêté, mais nie avoir acheté la montre. Une fouille de son domicile, effectuée le même jour, n’aboutit à rien. Et la police attend le lendemain pour l’emmener en cour.

? En quoi est-ce un problème s’il n’est présenté en cour que le lendemain de son arrestation ?

Selon nos textes de loi, dès qu’une personne est arrêtée, elle doit être présentée en cour à la première occasion. La justice siégeait le jour de l’arrestation d’Anand Kumar Ramdhany. Mais c’est le 26 juillet qu’une accusation provisoire est logée contre lui. Autre détail important : dans l’acte d’accusation provisoire, on note que le vol a eu lieu en mai 2011. Or, cela contredit la déclaration de la plaignante qui avait affirmé que le vol avait eu lieu le 17 juillet entre 6 h 30 et 17 h 30.

? Une contradiction qui crée le doute…

Bien sûr. Autre chose me chiffonne. Selon la réponse du Premier ministre, rien n’a été trouvé chez Anand Kumar Ramdhany qui pourrait l’incriminer. De ce fait, je trouve cela bizarre que la police ait objecté à sa libération sous caution. La cour décide alors de le maintenir en détention jusqu’au 2 août. Le 30 juillet, on apprendra sa mort au poste de police de Rivière-du-Rempart.

? Vous évoquiez à l’assemblée le non-respect des procédures par la police…

Je me demande si la famille Ramdhany a été informée de ses droits quand la police lui a appris la mort d’Anand Kumar Ramdhany en cellule. Il faut également noter que les standing orders de la police stipulent qu’à toute heure, un policier doit vérifier les cellules et doit le signaler dans le registre du poste de police. Je me demande aussi pourquoi la police n’a pris aucune déclaration du suspect, alors que ce dernier a passé quatre jours en cellule… Pour en revenir à la déclaration faite à la police concernant le vol de la montre, je trouve particulièrement étranges les précisions apportées par la plaignante. Dans un premier temps, elle affirme que le vol s’est passé le 17 juillet entre 6 h 30 et 17 h 30. Soit une déclaration très précise. Or, selon la déclaration du Premier ministre à l’Assemblée nationale, la police s’est rendue chez la plaignante deux jours après la mort d’Anand Kumar Ramdhany et la femme a alors affirmé qu’il était possible que le vol se soit déroulé en mai.

? Que suggérez-vous pour tirer cette affaire au clair ?

Qu’une enquête soit menée par une personne indépendante et compétente.

 

Propos recueillis par Abdoollah EARALLY