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Une question de rigueur

15 août 2010, 09:12

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Aide-toi et l’Etat t’aidera. C’est quelque part, le message essentiel à retenir du plan  d’action économique présenté par le ministre des Finances vendredi dernier. L’analyse de Pravind Jugnauth est juste. L’Etat ne peut en effet continuer à injecter des milliards dans l’économie afin d’aider des entreprises qui refusent de se réinventer… en s’obstinant à ne fonctionner qu’avec des logiques de profits maximums à court terme. Le diagnostic, dans l’ensemble, paraît donc bon. Mais le traitement préconisé, dans quelques cas spécifiques, semble manquer de rigueur. Les mesures concernant les débiteurs de la Development Bank of Mauritius (DBM) peuvent être ainsi décrites.

Le ministre des Finances a donc annoncé que la DBM proposera un plan de soutien aux petites et moyennes entreprises (PME) ayant contracté des prêts auprès d’elle. L’on sait que 5 000 emprunteurs sont concernés. A raison de Rs 10 000 de créance minimum, la DBM s’apprête donc à rééchelonner, annuler les intérêts… voire rayer un porte-feuille d’emprunts d’au moins Rs 50 millions. Ce qui est même certain, c’est que la DBM va carrément annuler les créances de 1 140 PME endettées jusqu’à Rs 10 000 chacune. Celles devant entre Rs 10 000 et Rs 75 000 à cette banque, pourront également se désendetter totalement en prononçant le mot magique : « Hardship ». Les débiteurs qui diront « extreme hardship » pourront même faire effacer leur ardoise de Rs 200 000 !

Le document essaie tant bien que mal de définir les « difficultés » spécifiques permettant aux emprunteurs de bénéficier de la magnanimité de la DBM : maladie, vieillesse, handicap et absence de biens immobiliers notamment. Mais ces critères ne sont pas précisément défi nis. Tout comme on ne sait pas encore clairement quel panel d’experts sera chargé d’évaluer le bien-fondé de chaque demande d’annulation de dette.

Un passé pas très lointain nous a fourni amplement d’exemples de ce que le mélange « fl ou » et « banque d’Etat » peut donner. La défunte Mauritius Cooperative Central Bank s’était ainsi illustrée en accumulant un volume astronomique de créances douteuses. Elle avait en effet prêté d’importantes sommes d’argent à des protégés politiques. Qui ont ensuite pu discrètement faire annuler leurs dettes. Parfois en prétextant qu’ils se trouvaient dans des situations de « hardship » !

Il faut tirer les leçons de ce passé-là. « Hardship » ou pas « hardship » seuls les PME et patrons d’entreprises méritants devront pouvoir bénéficier des mesures annoncées. Cela implique que ce plan soit exécuté dans la plus grande transparence. L’on doit en effet attendre de la direction de la DBM qu’elle fournisse au Parlement – à travers le ministre des Finances – ou directement au public, la liste des personnes ayant bénéficié d’une annulation de dettes. Tout en n’omettant pas d’en préciser les raisons exactes.

Pravind Jugnauth a placé la responsabilité budgétaire au centre de la question du financement de son Economic Restructuring and Competitiveness Programme. On peut donc raisonnablement attendre de lui et de son administration qu’ils consentent des avantages aux seuls individus et PME méritants afi n de ne pas dépenser indûment les deniers de l’Etat. Mais il est évident que depuis vendredi, des centaines de débiteurs de la DBM sont dans les starting-blocks. S’apprêtant à approcher le ministre des Finances et la direction de la DBM. En faisant valoir le fait qu’ils sont des fidèles du parti, des proches de tel ministre ou cousin de tel autre. Et à ce titre, les bénéficiaires légitimes d’un « geste » généreux de la DBM.

Nous attendons de Pravind Jugnauth qu’il prouve son sérieux en appliquant le plan de soutien de la DBM avec la plus grande rigueur. En sachant que les largesses des banques publiques ne restent jamais très longtemps cachées. Car si des petits copains finissent par bénéficier d’avantages auxquels ils n’avaient pas droit, cela finira par se savoir. Cela, le ministre des Finances a intérêt à le savoir…

Rabin BHUJUN