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Un métier qui rapporte

12 septembre 2010, 05:00

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La scène est grotesque. Somduth Dulthumun, le leader autoproclamé des hindous du  pays, craque une allumette. Sous les applaudissements des membres du Front commun hindou, il met le feu à la couverture de l’express dimanche. Mais la flamme meurt après quelques secondes. Dulthumun s’y remet méticuleusement pendant que crépitent les flashs des photographes. Ouf, le feu a pris ce coup-ci. Le show a bien eu lieu ! Si le côté ridicule des facéties de Dulthumun prête à sourire, les raisons qui motivent son action sont bien trop graves pour être prises à la légère.

La séquence des événements depuis le retour au pays du Premier ministre, dimanche dernier, est intéressante à décrypter. Ce jour-là,  Navin Ramgoolam fait volte-face. Alors qu’il s’était totalement désolidarisé des propos de son ministre Mookhesswur Choonee,il explique désormais que la polémique est une invention de la presse. De fossoyeur des principes républicains, voilà que Choonee devient victime en puissance des médias.
La presse remplace Choonee dans le box des accusés. Les organisations sectaires du pays semblaient n’attendre qu’un signal clair du « patron » pour sonner la charge. Dirigée, bien évidemment contre le meilleur ennemi de Ramgoolam : le groupe La Sentinelle.

La cible toute trouvée est l’express dimanche. Nous sommes accusés de « balkaniser la communauté hindoue » et de mettre le pays « à feu et à sang ». Notre faute ? Avoir appelé un chat un chat dans notre dernier numéro en titrant en Une « Le vrai pouvoir des castes ». Selon Dulthumun et ses pairs, tout le dossier est bidon. Les castes n’existent pas à Maurice. Le mensonge est éhonté. Les dizaines de SMS, appels, mails et commentaires reçus de nos lecteurs indiquent qu’ils ont vu au travers du bluff. Même Nita Deerpalsing, si prompte à défendre son leader Navin Ramgoolam, a préféré ne pas se couvrir de  ridicule dans l’entretien qu’elle accorde cette semaine à Mauritius Times. En effet, elle ne remet pas en doute l’existence des castes dans la communauté hindoue. Se contentant de descendre notre dossier en se demandant : « What did it bring other than say these things exist in parts of our society ? »

Si Nita Deerpalsing a des raisons objectives de défendre son leader et de pourfendre le meilleur ennemi dès que son patron lui en intime l’ordre, on comprend moins bien pourquoi Dulthumun et consorts se sentent à ce point obligés de régler leurs discours sur celui de Ramgoolam et d’appeler, comme lui au boycott de l’express. La lecture de notre dossier de la semaine dernière fournit, selon nous, quelques pistes de réponse.

« Certains leaders familiaux profi tent … pour nouer des liens avec le candidat. On ne sait jamais où cette proximité … peut mener : une décoration de la République,une nomination au conseil d’administration d’un petit organisme parapublic… », peut-on y lire. Une situation théorique énoncée dans un article peut parfois rejoindre la réalité. En effet, Dulthumun est un nominé politique. Il est membre du conseil d’administration de la Banque de Développement. Par ailleurs, le président de la Mauritius Sanatan Dharma Temples Federation (MSDTF) a également été élevé au rang d’Officier de l’Ordre de l’Etoile et de la Clé de l’océan Indien par le gouvernement en mars 2008.

On pourrait penser que Dulthumun mérite sa décoration pour son action dans la sphère socioculturelle. On a par contre beaucoup plus de mal à comprendre comment un ancien Chief Valuation Technician au ministère des Finances devient expert en financement des PME sur le conseil  d’administration de la DBM. A moins que ces deux nominations aient à faire avec les prises de position passées et actuelles de Dulthumun. N’a-t-il pas déjà expliqué qu’en « tant que dirigeant de la communauté hindoue, j’ai le droit de donner le mot d’ordre de voter pour un candidat. Et on n’a pas le droit de m’en empêcher. » Et d’ajouter, quelques jours après l’élection de Pravind Jugnauth à la partielle de mars 2009, que c’est grâce au soutien de son association que le leader du MSM a été élu.

D’élections, il sera encore question en mai-juin 2011. Mais cette fois-ci, ce seront celles visant à remplacer l’exécutif de la MSDTF. Dulthumun serait candidat à sa propre  succession. Et si tout ce cirque n’était en fait que le début de la campagne d’un dirigeant d’association socioculturelle soucieux de se faire réélire ? Car au vu des faits, « dirigeant de la communauté hindoue », c’est un métier qui rapporte !

Rabin BHUJUN