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Un court répit ?

19 mars 2012, 10:20

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Pour serein et « en contrôle » qu’il veuille apparaître depuis quelques jours, à travers ses interventions publiques, Navin Ramgoolam, pourtant, dissimule mal une tension intérieure évidente. Il se retrouve subitement projeté dans la posture qu’il apprécie le moins : celle d’avoir à subir et à contrecarrer les initiatives des autres. En général et préférablement, c’est lui qui dicte le cours des choses. Or, ces temps-ci, trop d’événements lui échappent.

Sur à peu près tous les plans, en effet, les choses pour lui se compliquent. Le Premier ministre a, pour l’instant, repris la main avec sa décision (inattendue et politiquement habile) de proroger le Parlement, ce qui lui permet de gagner du temps pour réaménager le jeu et pour repousser temporairement les menaces qui s’accumulaient. Toutefois, le répit pourrait bien être de courte durée.

Sur le plan politique, ses précisions sur la position du président de la République face aux perspectives de « remake de 2000 » n’ont manifestement convaincu personne (pas même ses propres élus). Elles n’ont, par ailleurs, aucunement dissipé l’excitation populaire entretenue autour d’une recomposition jugée imminente de l’alliance de l’opposition.

Bien au contraire : chacun sent désormais que le président cultive à dessein le mystère, dans l’anticipation de grandes manoeuvres politiques qui pourraient s’avérer déterminantes. Le silence de SAJ a pour effet (et sans doute pour calcul) d’aiguiser davantage la curiosité et de véhiculer la perception qu’une véritable épée de Damoclès est désormais suspendue sur la tête du régime.

Le gouvernement n’est donc pas plus avancé aujourd’hui qu’avant son interpellation publique du président. Tant que durera cette incertitude (et SAJ et Bérenger s’arrangeront sans doute pour l’entretenir longtemps), le Premier ministre ne pourra effectivement recentrer les esprits loin du théâtre abrutissant de la politique, vers la scène économique, et stabiliser le débat public.

Par ailleurs, Navin Ramgoolam crâne manifestement, en disant « souhaiter que Medpoint II se fasse », qu’il ne craint pas l’éventualité d’un retour dans l’arène de sir Anerood Jugnauth et que son option première aujourd’hui est que PTr et PMSD aillent ensemble, sans autres alliés, aux élections. En vérité, tout dans sa démarche présente consiste à prévenir une réunification MMM-MSM autour de SAJ, à forcer le président à se découvrir et à laisser ouverte au MMM la porte de la réforme électorale dans l’attente de meilleures dispositions de Bérenger.

Pour la première fois, en effet, Navin Ramgoolam concède, entre les lignes de l’interview qui suit, avoir évoqué avec Bérenger la possibilité que celui-ci puisse être son Premier ministre dans un régime de présidence exécutive (précisant néanmoins que ce dernier conteste le partage des pouvoirs proposé). Cet aveu est loin d’être innocent. Après la menace d’élections « seulement en 2015 », la perspective publiquement affichée que Bérenger pourrait être le Premier ministre d’un président Ramgoolam constitue la carotte attrayante d’une avancée politique immédiate, même si elle trahit en même temps une réelle appréhension que

Bérenger se laisse séduire par un autre scénario.

Jamais peut-être depuis son arrivée au pouvoir, en1995, Navin Ramgoolam n’aura disposé d’une marge de manœuvre gouvernementale aussi étroite. Personne n’en doute : Il se bat désormais pour sa survie.

Sur le plan économique, les perspectives ne sont pas pour lui plus réjouissantes. 2012 pourrait être « pire que 2011 ».

Les exportations industrielles sont en recul; le tourisme piétine; les défi cits se creusent. Dont celui de la balance commerciale (72 milliards) : nous importons désormais deux fois plus que nous exportons, ce qui va exercer des pressions insoutenables sur d’autres comptes publics. Seule la vigueur du secteur des services nous permet de résister. La roupie forte – conséquence prévisible de l’entêtement de la Banque centrale – affecte la croissance et réduit les recettes en roupies qui auraient permis de réinvestir, d’ajuster les rémunérations et de garder les Mauriciens en emploi. On n’a pas encore subi tous les contrecoups du repli de l’euro. Xavier Duval fait de son mieux mais il semble peu probable que Navin Ramgoolam arrivera, à l’heure du bilan, à la tête d’une économie vigoureuse qui augmenterait ses chances de convaincre.

Enfin, la scène sociale se dégrade à une cadence affolante. La poussée du communalisme, la lente désintégration du civisme, la nervosité face aux prix et face à l’incapacité du pouvoir à régler les problèmes de la vie de tous les jours dépriment la nation et alimentent la perception d’un régime qui est obsédé à scorer politiquement au lieu d’impacter vraiment sur le quotidien des citoyens. Ces derniers ont aujourd’hui le sentiment que la classe politique les a abandonnés et ne fonctionne plus que pour ses propres intérêts, dans « une lutte de places » effrénée.

Ce n’est pas en repoussant de quelques semaines la rentrée parlementaire que le Premier ministre renversera une situation chancelante. Le pays est entré dans une nouvelle phase de frénésie politique dont peu de choses pourraient le détourner.

La meilleure chance de Navin Ramgoolam de renverser le jeu et d’agir sur l’humeur populaire est de gouverner mieux en s’attaquant au concret des problèmes quotidiens au lieu de travailler en permanence, comme il le fait trop souvent, sur les perceptions et l’image.

La « magie » de SAJ, que MMM et MSM veulent aujourd’hui raviver, s’appuie sur une conviction populaire qu’avec son « no nonsense style » et sa culture de résultats, l’ancien Premier ministre pourrait effectivement faire bouger les choses. Le pays veut visiblement aujourd’hui être gouverné de manière plus résolue, plus vigoureuse, et pas seulement charmé.

La difficulté va-t-elle, dès lors, faire émerger dans les prochains mois un autre style Ramgoolam, avec d’autres priorités ?