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Sur la défensive

14 octobre 2012, 10:59

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Alors que les évolutions semblaient se préciser rapidement en 2012 pour un large « rethinking » du système électoral et du futur modèle de république, un fl ou pesant se réinstalle. Les deux acteurs déterminants du jeu, le Premier ministre et le leader de l’opposition, peu à peu
se retrouvent tous deux étonnamment sur la défensive, leur capacité à entraîner leurs parties respectifs dans leurs projets compromise, leurs stratégies politiques sur ces questions mises en doute dans leurs propres camps, les tactiques adoptées pour parvenir à leurs fins discrètement questionnées, autant en interne qu’en externe. Les choses se compliquent pour Navin Ramgoolam et Paul Bérenger.

Cette situation est relativement inedited pour les deux hommes, habitués à canaliser le débat et à remporter l’argument sans grande diffi culté. Elle pourrait bien, à terme, paralyser le jeu politique. De quoi s’agit-il ?

Pour la première fois, cette semaine, Navin Ramgoolam a fait valoir les vigoureuses oppositions internes au Parti travailliste (PTr) contre ses positions personnelles, à la fois sur la représentation proportionnelle (source de suspicion depuis 1963 en milieu hindou travailliste), sur le « Best Loser System » (sujet sensible en milieu musulman) et sur le modèle de présidence exécutive proposé. Ramgoolam n’a pas pour habitude de communiquer les frustrations de son entourage. Soit il le fait aujourd’hui pour se donner devant Bérenger une justifi cation pour traîner la jambe et diluer éventuellement les réformes. Soit il veut convaincre l’opinion publique de sa détermination à imposer la modernité aux récalcitrants. Ou alors, le PM est vraiment face à un os dur à faire avaler au PTr et joue donc son autorité.

 Il y a plusieurs raisons pour lesquelles le PTr pourrait ne pas s’enthousiasmer des propositions de réforme électorale et de nouvelle république de son leader. C’est la peur (davantage que le désir de justice) qui motive le plus tout changement de comportement politique. Or, le PTr aujourd’hui n’a pas peur de l’opposition MMM. Sauf en cas de lourde défaite (mais, valeur du jour, improbable), comme en 1982 et 2000, le PTr n’a aucun intérêt direct à favoriser un Parlement élargi qui rééquilibrerait le jeu, au profi t de l’opposition. Avec les circonscriptions actuelles, le PTr se coule (comme dans un gant) dans un système électoral FPTP qui lui convient parfaitement. Il encourage donc le PM à « ne pas prendre de risques ».

Le parti est tout aussi conscient que la proposition de présidence exécutive de Ramgoolam fait peut-être l’affaire personnelle de celui-ci mais ne fait pas forcément l’affaire de l’ensemble du Parti travailliste. Président exécutif au Réduit, travaillant à sa gloire personnelle, faisant les alliances qu’il souhaiterait dans ce but, Ramgoolam échapperait peu à peu au PTr. Ses liens actuels avec celui-ci se relâcheraient. Tout le « networking » sociopolitique du régime en place serait compromis et beaucoup de parasites en souffriraient.

L’une des raisons (moins connues du grand public) qui motivent Ramgoolam dans sa quête d’un pouvoir légitimé directement par le peuple est qu’il en a plus qu’assez d’avoir à personnellement s’esquinter à 65 ans pour faire en permanence campagne aux quatre coins de l’île pour faire élire une majorité de députés rouges/bleus (souvent des nonvaleurs et des candidats médiocres avec pour seule qualifi cation leur « profi l » sociologique) sur lesquels reposera son pouvoir et dont il dépendra pour gouverner. Navin Ramgoolam se sert du parti mais le parti se sert tout autant de lui et chaque élu rouge exploite à fond l’image populaire du PM. L’idée d’un Ramgoolam président, prenant de la hauteur dans une deuxième République, cajolant en permanence Bérenger, s’éloignant par la force des choses du parti, abandonnant le BLS, exaspérant les musulmans et laissant les rouges se battre sans la locomotive Ramgoolam dans leurs régions, terrorise certains au PTr. Lesréticences pourraient donc s’amplifi er au fil des mois.

En face, Paul Bérenger est également « on the back foot ». Aux yeux d’une bonne partie de l’opinion publique, le « remake » avec un MSM qu’il accusait hier de tous les péchés de la terre, est un « non-starter ». Ses tactiques de louvoiement permanent face aux enjeux ont exaspéré. Son manque d’engagement dans des causes chères à la jeunesse et ses propositions équivoques ont largement déçu. Sa crédibilité publique n’a peut-être jamais été autant entamée. Seule la crainte qu’il inspire le sauve de sévères critiques publiques de ses propres amis. Face à la mauvaise humeur populaire, Bérenger a choisi de se faire plus discret. Mais a-t-il encore l’autorité politique susceptible d’entraîner l’ensemble de l’opinionpublique MMM dans ses calculs ?

Pour véritablement reprendre la main, et Navin Ramgoolam et Paul Bérenger ont besoin de frapper les esprits par une grande victoire électorale aux municipales. En y allant crânement, le PM tuerait dans l’oeuf toute velléité de contestation interne et établirait une
autorité sans faille lui permettant d’imposer ses propositions. Bérenger, lui, soulignerait que, malgré ses déboires, il demeure incontournable, peut se faire tout pardoner et établirait au grand jour que sa stratégie de « remake » tant critiquée est une vraie option jouable et gagnable. Peut-être est-ce là, dans l’affi rmation de nouveaux rapports de force, davantage que dans le strict respect des échéances, que le pays retrouvera ses meilleures chances d’électionsmunicipales et régionales en décembre.