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Statistiques : Incontournables mais imparfaites

5 juillet 2013, 19:10

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Les statistiques ont de tout temps fait polémique. Déjà, au 19e siècle, à New York, il y avait une impitoyable guerre des chiffres sur la prostitution (alors considérée comme «The Social Evil») qui avait captivé l’attention de toute une génération. Les opposants au bouillant système politique new-yorkais, après un laborieux et périlleux exercice de comptabilisation, affirmaient qu’il y avait 10 000 prostituées, soit un dixième de la population féminine. Ceux qui brandissaient ces chiffres, alors une approche novatrice en termes de revendication sociale, voulaient provoquer un sursaut des autorités, en partie sujettes aux diktats des réseaux mafieux. Face au chiffre de 10 000, effectivement les policiers ont promptement réagi… en produisant leurs propres statistiques pour prouver qu’ils faisaient bien leur boulot; leurs chiffres indiquaient qu’il y avait seulement 1 200 personnes qui se livraient à la prostitution. Chaque camp devait alors commencer à critiquer les chiffres de l’autre, dans un interminable chassé-croisé mathématique.

 

À la même période, dans d’autres parties du monde, les statistiques alimentaient de plus en plus les discussions politiques. On discourait sur les limites de l’estimation par les méthodes de la statistique alors qu’on calculait la taille des populations, la durée de vie, les récoltes agricoles, le nombre de soldats, etc. Les mathématiciens soulignaient souvent les difficultés conceptuelles et pratiques tant au niveau de la collecte des données que de l’interprétation des résultats produits, qui variait d’une société à une autre, d’un statisticien à un autre.

 

Aujourd’hui encore, les sondeurs – puisque c’est devenu un métier qui rapporte gros pour certains géants comme Gallup – s’accordent à dire que les sondages politiques ou autres n’ont pas forcément une réelle valeur prédictive. Cela ne signifie pas qu’ils sont bidons ou insignifiants pour autant. Un sondage est une photographie d’un instant. Il faut en faire plusieurs pour pouvoir dégager des tendances. Mais souvent, ceux qui consomment les chiffres n’ont pas les clés pour en cerner les limites, encore moins la méthodologie d’interrogation (face à face, téléphone, ou Web, avec ou sans gratification). Et comme la science statistique elle-même dépend de quelques hypothèses et que chacun a sa propre grille d’analyse, c’est normal que les chiffres et leur interprétation alimentent les polémiques. D’ailleurs, on a eu la preuve récente avec notre exercice d’évaluation des ministres, qui n’était pas un sondage représentatif mais une évaluation subjective qui a soulevé, à la mi-juin, un tollé parmi les membres du Cabinet. Les ministres n’ont pas aimé les notes que leur ont décernées notre centaine de journalistes. Par conséquent, nous avons été traités d’animaux ! Tout cela fait, qu’on le veuille ou non, partie du jeu démocratique, entre un pouvoir et un contre-pouvoir.

 

À lire la presse, y compris la nôtre (voir le sondage trimestriel de l'express dimanche du 7 juillet), on ne peut pas occulter l’importance grandissante des sondages dans la vie politique. Les sondages sont devenus incontournables. D’où ce besoin de rappeler les différents biais qui peuvent exister dans un exercice que certains, à tort, ont tendance à confondre avec un vote électoral, ou un référendum. C’est pourquoi il faut toujours encourager une transparence dans la méthodologie, l’échantillonnage et les calculs afin de démythifier le sondage comme des données reposant certes sur des bases scientifiques mais qui laissent une large place au contexte du jour, à l’expérience du sondeur, à l’intuition du sondé, à l’analyse des données brutes, et à l’honnêteté intellectuelle et à l’objectivité de tout un chacun…

 

 

En attendant la réforme électorale longtemps promise, la proposition du Dr. Rama Sithanen d’avoir des ministres non-élus est valable dans le sens où cela permettra au Premier ministre, élu au suffrage universel pour diriger le pays, de s’entourer de gens compétents mais qui seraient mal nés selon la realpolitik mauricienne et ses circonscriptions savamment personnalisées. Mais il faut rester prudent car cela pourrait aussi ouvrir la porte aux dérives. Au final, c’est le leadership premier ministériel qui sera déterminant. Comme toujours. A moins qu'une autre alliance se profile déjà...