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Sinohydro : le péril jaune qui menace Maurice ? (Ire partie)

6 juillet 2013, 11:25

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Dans une île Maurice pourtant acclimatée aux scandales des contrats mirobolants, il n’est pas permis, à entendre l’opposition et la caisse de résonance de nos rédactions sérieuses, de trouver pis que la performance de Sinohydro Corporation Ltd (Sinohydro), une compagnie de construction chinoise qui entreprend une demi-douzaine de chantiers de la Road Development Authority (RDA) et de la Water Resources Unit (WRU) en ce moment. 

 

La séance parlementaire du 5 juin 2012 en donne un bon aperçu. Le Dr Sorefan a ouvert le bal en demandant au Speaker s’il était conscient que Sinohyro est «un monument de corruption dans plusieurs pays telle la Malaisie» et que cette corporation chinoise a été «blacklisted» en Ethiopie, Zambie, Mali, Tanzanie, Inde et au Pakistan. L’honorable Jugnauth a, pour sa part, critiqué le gouvernement de n’avoir pas institué une «due diligence» pour filtrer un constructeur avec une si mauvaise réputation. L’honorable Uteem a, lui, suggéré que dorénavent, vu l’épisode de Sinohydro, «a clause be inserted that someone who has been involved in corruption in Mauritius or outside Mauritius be blacklisted and disqualified from submitting a bid». L’honorable Ganoo a déclaré avoir en sa possession des informations qui démontrent que Sinohydro a eu de gros problèmes en Malaisie avec la livraison d’un barrage hydroélectrique. Un an plus tard, lors de la Private Notice Question (PNQ) du 28 mai de cette année-ci, le leader de l’opposition a réclamé que Sinohydro ne soit plus autorisée à prendre part à des exercices d’appel d’offres et qu’aucun contrat ne lui soit alloué. Un membre de l’opposition a, de plus, suggéré qu’il y a, parmi les travailleurs de cette compagnie, des prisonniers chinois de droit commun. 

 

Devant un tel acte d’accusation, reflété au sein de nos meilleurs journaux jour après jour une année durant, il n’est pas possible que le public mauricien ne soit aujourd’hui convaincu du bien-fondé de tant de têtes pensantes qui considèrent le péril jaune de Sinohydro comme un fléau pour notre pauvre petit pays. Le Premier ministre (PM) a été la première victime de cette vague de désinformation quand il a, en plein Parlement, pâli d’effroi à l’idée que Sinohydro allait construire un gymnase dans sa circonscription ! 

 

Nous allons essayer de démontrer que ces informations sont erronées. Nous sommes, en effet, intimement convaincus que l’absence de Sinohydro des appels d’offres dans un secteur qui brasse des dizaines de milliards des deniers de l’Etat, se fera au détriment de la concurrence et se paiera donc très très cher. Il est une évidence même que la seule présence de cette enterprise parmi les «bidders» agit comme un frein aux aspirations déraisonnables des autres grosses entreprises. Et comme l’État c’est nous, il nous est permis, correctement informés, d’insister que la seule entreprise qui pousse le prix des gros contrats routiers vers le bas, continue à exercer cette traction vis-à-vis des prétentions excessives qui les côtoient. 

 

Ce survol passera en revue les chantiers de construction où Sinohydro est censée illustrer les vices déplorés par nos élus. Il est intéressant de noter que ce constructeur numéro un de barrage hydraulique mondial qui brasse, en chiffre d’affaires, presque le double du Produit intérieur brut mauricien soit jugé inexpérimenté pour des travaux chez le tigre de l’océan Indien. La méthode que nous adopterons est donc de juxtaposer les contrats et chantiers obtenus par Sinohydro et les évaluer sous plusieurs critères. 

 

Les questions auxquelles le lecteur devrait pouvoir répondre à la fin de chaque chantier sont les suivantes. Q1 : Est-ce que Sinohydro a utilisé, comme on l’accuse, une stratégie de bas prix pour obtenir un contrat qui a débordé ensuite systématiquement, à travers des retards, à une majoration du prix initial jusqu’à dépasser les offres qu’elle avait précédemment battues ? Q2 : Si retard il y a, qui est contractuellement tenu à dédommager l’autre partie financièrement ? Est-ce la RDA qui doit payer Sinohydro, comme le dit l’opposition, ou est-ce des pénalités que Sinohydro doit payer à la RDA? Q3 : Existe-t-il un prima facie case d’interférence occulte, de manque de transparence ou de corruption autour de la procédure d’allocation du chantier avant, pendant ou après cette allocation à Sinohydro ? La réponse à chacune de ces questions permettra au lecteur de jauger la justesse des jugements de nos parlementaires cités plus haut. Cette lecture mécanique est fastidieuse et malheureusement indispensable pour permettre au lecteur d’avoir un coup d’oeil général et objectif sur la question. Nous nous basons sur des informations apparues dans l’express, le Mauricien, Week-End et Hansard.

 

Il est important avant de commencer cet exercice de mettre fin une fois pour toutes à une préconception créée dans l’esprit du lecteur par la récente campagne de désinformation: malgré les rumeurs, Sinohydro n’est pas blacklisted par la Banque mondiale, institution internationale qui fait le monitoring des participants aux grands travaux internationaux. (Voir tableaux).

 

Conclusion : Nous n’avons pu déceler dans aucun des contrats obtenus par Sinohydro, le mécanisme que le leader de l’opposition, l’honorable Ganoo, voulait démontrer selon lequel, pour obtenir des contrats, Sinohydro fait des offres basses, ravit le contrat et ne l’exécute pas dans les délais pour ensuite faire des réclamations supplémentaires. Nous n’avons pu trouver aucune réclamation supplémentaire mentionnée dans toute la littérature que nous avons parcourue sur Sinohydro. En fait, sur une valeur de contrat de Rs 1,6 milliard grosso modo, l’État a économisé Rs 275 millions (17 %) sur ces six chantiers, soit l’équivalent d’un gros hôpital ou d’une dizaine de collèges secondaires. L’économie est encore plus grande si le maître d’ouvrage décide d’imposer, comme il a le droit, des pénalités de retard de 5 % à 10 % sur les chantiers visés. Aucun des contrats n’a révélé le moindre indice de scandale que nous avons pu mettre au jour.

 

Et ce n’est pas étonnant car il fallait vraiment croire n’importe quoi pour gober que Sinohydro, premier constructeur de barrage mondial, mettrait en péril sa réputation internationale et son chiffre d’affaires égal au double de celui de l’État confetti mauricien et se faire blacklisted pour corruption par la Banque mondiale, dans le seul but de gagner des contrats dans ce nombril du monde qu’est Maurice.

 

Devant l’énorme disparité, donc, entre les accusations vitrioliques d’une part et les faits reflétés sur le terrain d’autre part, on est tenté de conclure que si un complot bien orchestré avait été monté visant à exploiter l’ingénuité et le manque de recherche approfondie de l’opposition par ceux qui ont intérêt à exclure Sinohydro de la ligne de départ pour le contrat du gymnase de la circonscription du PM, ils n’auraient pas pu mieux s’y prendre.

 

Le futur contrat du gymnase n’a, en effet, jamais cessé d’être un leitmotiv de l’attaque à l’encontre de Sinohydro sur le chantier d’Arnaud et de la troisième voie. Cette impression n’est que renforcée par l’intervention très honnête de l’honorable Bhagwan qui, ne sachant rien cacher, a demandé «si le moment n’était pas venu de donner un coup de pouce aux contracteurs et entrepreneurs mauriciens lors de l’octroi des contrats». On est tenté de prier cet élu, pour qui j’ai de l’estime, de modérer sa générosité avec l’argent qui ne lui appartient pas !

 

…MALGRÉ LES RUMEURS, SINOHYDRO N’EST PAS BLACKLISTED PAR LA BANQUE MONDIALE…

 

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