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Sauver l’empire

25 septembre 2011, 07:20

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Le machiavélisme a changé de camp. Dans sa bataille pour la reconquête du pouvoir, Paul Bérenger est passé à l’étape supérieure. N’ayant pas convaincu Navin Ramgoolam qu’une alliance MSM- MMM est du domaine du possible, se sentant trahi sur la question de la réforme électorale, agacé que sa propagande sur l’illégitimité politique du Parti travailliste ne morde pas, le leader de l’opposition a cherché de plus gros arguments. En franchissant les portes du Réduit, il les a trouvés.

Bien entendu, on ne va pas reprocher à Bérenger d’avoir poussé au dérapage le chef d’État. Juste replacer les choses en contexte. La stratégie que le MMM continue à déployer face au Parti travailliste ( PTr) – encerclement et déstabilisation – a rencontré la peur du patriarche de voir son empire s’effondrer. Bérenger doit bien savoir que la grande préoccupation de sir Anerood Jugnauth ( SAJ) à son âge est que son oeuvre lui survive. Il a frappé dans le mille. L’homme de rigueur et de brutalité, qui ne tolère pas qu’on lui marche sur les pieds, a réagi. Si ce n’était pas calculé, c’est bien joué. Il a réveillé la bête et son pouvoir de nuisance.

Cette stratégie va- t- elle payer ? Le PTr risque- t- il d’être ébranlé par un retour de SAJ sur le terrain au point de réfl échir à des élections anticipées ? Les rumeurs ont été un peu plus persistantes cette semaine. Ramgoolam peut craindre une opposition coriace, comme sait la faire le MMM, renforcée non seulement par un ex- partenaire bien au fait des points sensibles des dossiers et des faiblesses du cabinet mais aussi par un adversaire de terrain redoutable en la personne de SAJ. Celui- ci saurait exploiter les premières usures d’un gouvernement à son deuxième mandat, utiliser sa connaissance de ce que l’on cache dans les arcanes du pouvoir, tirer parti des soutiens que quarante- cinq années de politique lui ont valus. Devant cette perspective, Ramgoolam pourrait bien être tenté de dissoudre le Parlement, d’empêcher ce rapprochement, d’aller aux urnes avec les mauves et d’envisager 2015 avec sérénité, avec un deal à l’israélienne.

Ce ne semble pourtant pas le choix du leader du PTr. Il en a donné une claire indication : il résistera. Il prend des risques, sa gouvernance étant fortement soupçonnée d’ingérences dans les institutions et d’abus. Il n’est pas sûr que son comportement soit assez irréprochable pour tenir l’assaut. Il ne peut pas non plus avoir oublié qu’en 1997, lorsque le MMM a rejoint l’opposition et qu’il s’est retrouvé seul, il a dirigé non sans mal. L’opposition ne l’a pas épargné ; bien des scandales ont surgi. Et le MMM et le MSM ont eu amplement le temps de penser ensemble leur reconquête du pouvoir. Ils l’ont repris aux élections de 2000.

Mais Ramgoolam a des projets. Il mise donc sur ses atouts.

Lesquels ? D’abord, une équipe qu’il peut tenir malgré quelques incidents isolés. Elle se dit plus sereine, plus unie depuis le départ du MSM. Il ne suffi t certes pas de partager les mêmes objectifs pour réussir, mais elle veut faire ses preuves, mettre enfi• son programme en route, après un an de retard. Ensuite, il l’a bel et bien, la majorité parlementaire. Cette même année 1997, c’est avec 35 députés qu’il a gouverné, et trois années durant. Il peut. D’autant plus que sa plus grande force reste la faiblesse de ses adversaires.

L’ambition et la rancune n’ont jamais fait un programme gouvernemental.

C’est ce à quoi pourtant se réduirait une alliance MSM- MMM, une équipe instable par excellence. Ces alliances rafi stolées qui ne tiennent sur rien d’autre que l’obsession du pouvoir, la population en a par- dessus la tête. Elle ne va pas encore se laisser avoir par un même scénario, dix mois plus tard. En outre, ces partenaires- là sont fort controversables. SAJ est vieillissant : la sympathie populaire qui a permis son retour en 2000, s’appuyait sur la nostalgie de son bilan qui était encore dans les esprits et qui contrastait avec les laisser- aller du régime travailliste d’alors. C’est bien loin tout ça.

Quant à Bérenger, l’opinion ne comprend toujours pas comment il peut chercher à se mettre avec un parti qu’il vient de décrédibiliser.

Face à ces fragilités, Ramgoolam reste le leader le plus rassurant. Il peut compter sur le fait que, dans leur grande majorité, les Mauriciens ne ressentent aucunement le besoin d’aller aux urnes.

Ils veulent que cessent ces remue- ménage, et que l’opposition fasse de l’opposition raisonnable.

Le MSM, tout particulièrement, devrait avoir autre chose en tête que le pouvoir. Son leader a du travail, il est au plus bas dans l’opinion : un chef qui ne maîtrise pas les procédures ni ne sait imposer des principes à ses troupes, marqué par une forte image d’impunité, dont l’ambition dévorante l’a empêché de voir que son partenaire rouge ne cherchait qu’à l’utiliser, avec une gestion des affaires guère reluisante, un homme qui se fait lâcher sans trop de mal par ses soldats, qui n’a pas beaucoup l’esprit d’équipe... Pourtant, Pravind Jugnauth n’est pas fi ni. Le confl it d’intérêts dont il est accusé n’est pas un acte de corruption. Son crime à ce stade est un crime d’honneur, une question de déontologie, pas un enrichissement personnel en volant de manière sournoise l’argent public. Il peut s’en relever. Et ce refus de divulguer les « Cabinet proceedings » que lui opposent les autorités n’est pas net, l’ Offi cial Secrets Act autorisant, elle- même, la diffusion dans certains cas. Il a donc aussi ses atouts. Il peut sauver l’empire Jugnauth.

Mais il devrait avoir une attitude modérée, respectueuse de la justice. S’il choisit d’adopter la posture voyou en braillant dans la rue avec des manifestants encagoulés, il fi nira comme Valayden.