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Retour en cuisine

17 février 2013, 07:20

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C ’était censé être un quick win politique. L’objectif était clair : redorer le blason du gouvernement auprès d’une frange de Mauriciens défavorisés et de plus en plus hostiles au pouvoir. C’est bien pourquoi le projet a été lancé, à la rentrée 2013, à grand renfort de présence ministérielle devant les caméras et objectifs de la presse. Sur le papier, tout indiquait que la distribution de 9200 repas chauds quotidiens aux élèves des écoles situées en zone d’éducation prioritaire ( ZEP) allait être un coup politique majeur pour le ministre des Finances, Xavier Duval, et par extension pour le gouvernement. Mais à peine quelques semaines après son lancement, le programme s’avère déjà être un lamentable échec.

Pour la raison la plus évidente d’abord. Il y a dix jours, une centaine d’enfants a été victime d’intoxication alimentaire après qu’un des nombreux petits entrepreneurs chargés de la préparation des repas a pris quelques libertés avec l’hygiène dans sa cuisine. Mais la responsabilité de ce petit entrepreneur, qui a eu le malheur de contaminer une centaine d’enfants d’un seul coup – et donc d’attirer l’attention sur sa seule personne - ne saurait occulter celle des personnes qui sont coupables d’un fait grave : avoir mis en oeuvre le Primary School Supplementary Feeding Project ( PSSFP) à la va vite.

Et ainsi permis qu’un tel incident se produise. Le ministère de l’Education semble avoir compris cela. Une sage décision a ainsi été prise car d’autres intoxications alimentaires allaient sans doute être répertoriées dans d’autres écoles du pays. Car les mêmes causes auraient invariablement produit les mêmes effets. Dans un communiqué hier, l’administration de Vasant Bunwaree annonce donc l’arrêt immédiat de la PSSFP et sa reprise « éventuelle » en attendant que chaque petit fournisseur de repas obtienne des certifications sanitaires et procède à la mise aux normes de ses équipements. Ce processus prendra néanmoins du temps.

C’est justement le temps alloué à l’élaboration et la mise en oeuvre du projet qui semble avoir fait défaut. En effet, nous le remarquions au lendemain de la présentation du discours du budget en novembre dernier : un programme aussi ambitieux, au coût annuel de Rs 130 millions, donnait étrangement l’impression d’avoir été élaboré à la va- vite. Histoire d’offrir une mesure- phare à une clientèle politique précise à la faveur de l’implantation prochaine d’un important acteur économique qui, à l’époque, semblait être en mesure de mettre en oeuvre cet ambitieux projet.

Or, pour une raison ou une autre, l’implantation de cet acteur économique a été retardée ou complètement compromise. Plaçant le gouvernement devant un dilemme : attendre qu’une occasion de ce type se représente, ou foncer tête baissée en improvisant la mise en oeuvre du PSSFP. C’est la deuxième option qui a été privilégiée. Sur papier, elle comportait des avantages. De petits entrepreneurs allaient pouvoir profiter d’un nouveau marché en fournissant quelques centaines de repas chauds par semaine à des écoles avoisinantes. Non seulement la mesure allait être mise en oeuvre… mais allait même pouvoir être enrobée d’un glaçage de démocratisation de l’économie.

Sauf que dans ce cas, le raisonnement économique pur l’emporte sur toutes les autres considérations politiques. Le premier élément crucial qui a semblé échapper au gouvernement est la valeur totale de l’investissement que la myriade de petits entrepreneurs aurait dû consentir pour produire et acheminer les repas chauds aux écoles dans les conditions d’hygiène et de sécurité optimales.

En théorie, produire 9200 repas chauds par jour aurait nécessité un investissement ( en équipement et en normes d’hygiène) total largement supérieur à la valeur annuelle des repas produits. Or, il est impensable que chaque petit entrepreneur consente, à son échelle, à de très importants sacrifices financiers. Tout comme il semble improbable que des petits restaurateurs se regroupent en coopératives afin de fournir collectivement plusieurs écoles ZEP à la fois en repas chauds. Peu de banques se risqueraient probablement à soutenir ce type de projets.

La question est donc celle- ci : combien parmi les actuels fournisseurs consentiront- ils à tous les sacrifices financiers afin que les repas qu’ils serviront « éventuellement » ne souffrent d’aucun soupçon de manque d’hygiène. Sans doute quelques- uns. En tout cas insuffisamment pour remettre sur les rails le PSSFP de sitôt. Cela laissera alors suffisamment de temps pour permettre à certains de nos décideurs de réaliser que certaines décisions prises à la hâte, pour des raisons politiciennes, peuvent conduire nos enfants à l’hôpital.