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Rajsoomer Lallah : une force de frappe, modeste !

13 juin 2012, 00:00

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S’il y a un élément où il y a l’unanimité pour ceux qui ont côtoyé Rajsoomer Lallah, c’est bien sa très grande modestie.
J’ai connu Rajsoomer Lallah, Tonton pour moi, à Genève. Il est incontestablement l’un des Mauriciens qui a représenté dignement et avec panache son pays sur l’échiquier international. Doué d’un talent et d’une capacité extraordinaires et originaux pour plaider des cas et mettre en avant des arguments solides souvent irréfutables au sein du Comité des Droits de l’Homme, il était une icône parmi les délégués. Ce n’est donc pas par hasard qu’il se faisait reconduire dans ses fonctions avec brio et sans faire campagne à chaque élection.

Gratifié d’une intelligence hors pair et maîtrisant la langue de Molière et de Shakespeare avec aisance, Rajsoomer prenait son temps pour répondre à une interrogation. Il commençait toujours ses explications avec son sourire légendaire, ses yeux pétillants d’intelligence, ses gestes de la main, absolument sûr de ses propos légaux, méthodiques dans son approche, le tout se caractérisant d’une touche d’humour bien ciblée. Il était l’un des rares orateurs à faire rire la salle, mais avec l’art de ramener son audience à l’écoute pour passer le message, comme ses arguments de mettre la Nouvelle-Zélande au pied du mur sur un point de droit et son franc-parler sur la situation des droits de l’homme à Myanmar. Il n’avait pas froid aux yeux quand il s’agissait de défendre la violation des droits de l’homme. Il était souvent en confrontation d’idées avec ses collègues américains et britanniques concernant le droit de l’homme sur la pertinence de Guantanamo et la violation des droits humains dans l’archipel des Chagos. Membre de la Commission du Droit de l’Homme, l’histoire retiendra qu’il a été un des rares qui refusa d’apposer son pouce sur un document américain pour l’octroi d’un visa pour New York. « C’est humiliant dans une société moderne et je n’irai pas à New York » disait-il et il le faisait savoir sur l’échiquier international. Lecteur assidu, il passait en revue tous les documents de la conférence. Souvent il préférait ne pas sortir le week-end pour se plonger dans sa recherche et sa rédaction. « zordi mo pou fatig mo fountain pen et pa pou kapav sorti » aimait-il dire poliment.

Passer quelques semaines au bord du lac Léman de la belle Genève internationale était pour Rajsoomer l’occasion de se plonger dans la culture du pays et ses environs. A travers les longues marches que j’ai eu le privilège de faire avec Tonton, il faisait office d’une bibliothèque mobile. Il avait une connaissance impressionnante des vignobles, de l’histoire de Genève, des us et coutumes de la Suisse. Comme un bon vivant, il me disait toujours qu’il faut savoir « goûter à tout mais avec modération ». On revenait d’une balade en sa compagnie avec plus de connaissances. C’est pourquoi lors de la pause-café, aux déjeuners et dîners et réceptions, il était entouré d’un nombre impressionnant de délégués. On venait vers lui pour des conseils, pour la rédaction des textes, la tournure des phrases, les pièges à éviter mais aussi pour son charisme.

Passer une soirée en compagnie de Tonton était un délice. A l’aise dans plusieurs langues, il avait le don d’imiter à la perfection entre compagnie restreinte un anglais, français, américain, africain, arabe, indien, chinois et bien d’autres !. Ses contes originaux, du vécu de sa carrière, faisaient rire à se tordre par terre… et pour ses histoires alléchantes couleur locale, il avait cette pointe d’humour pour certains hommes politiques « ou pas trouvé banne batiara sa ». Oui, il était allergique à la médiocrité, aux mensonges et à l’arrogance avec une aversion avérée pour le communalisme.

Jamais de connivence avec les politiciens, loyal dans ses jugements, il gardait jalousement son indépendance. C’est l’homme qui avait le profil d’un très grand diplomate, d’un juge de calibre exceptionnel, d’un homme humble avec qui il faillait surtout pas tergiverser. Ce citoyen du monde était un grand tribun qui attirait le respect. Tonton n’est plus et c’est une perte inestimable pour sa famille, son pays, la communauté internationale et ses amis. C’est avec émotion que je présente au nom de ma famille, nos très sincères condoléances à sa chère épouse et à sa fille.