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Révolutions

18 juillet 2010, 04:14

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Prévisible. C’est le même cinéma auquel on assiste chaque année au lendemain de la publication du rapport du directeur de l’Audit. Quatre acteurs rejouent la même scène. Les journaux barrent leurs Unes avec les sommes astronomiques gaspillées par l’Etat. Le public s’offusque de l’incapacité du pouvoir en place à prévenir les gabegies. L’opposition crie au scandale. Tandis que le gouvernement jure que sa gestion est irréprochable. Cela devient lassant. Car on s’entête à regarder les conséquences d’un problème plutôt que de le régler à son origine.

Deux révolutions paraissent nécessaires pour que le gaspillage soit ramené à des  proportions acceptables. Car il ne faut pas non plus se voiler la face, l’objectif du zéro gaspillage est une utopie. Aucune entreprise au monde ne peut s’enorgueillir d’avoir mis en place des « process » efficaces à 100 %. On ne peut raisonnablement demander la même chose aux Etats.

On doit par contre leur demander d’évoluer afin de prévenir les abus dont on connaît les causes profondes. Il s’agit d’une part de rendre les « process » de l’Etat plus productives. D’autre part de combattre le facteur X : une certaine forme de corruption que l’on n’arrive pas à détecter ou que l’on feint d’ignorer. Car elle profite d’abord aux puissants.

Le directeur de l’Audit, avec une régularité métronomique, montre du doigt l’incapacité de l’Etat et de ses agents à gérer les projets publics. Parfois au stade de leur conception ou durant leur phase d’exécution ou d’utilisation. Les coupables sont connus : les fonctionnaires. En effet, ils ne sont pas suffisamment nombreux à s’assurer que l’argent du contribuable soit bien investi. Et quand leur nombre est adéquat, c’est la désorganisation de leur service ou leur déficit de formation, qui les amène à ne pas respecter leur objectif.

Un système d’évaluation des performances a bien souvent été présenté comme la mère de toutes les solutions. Or, nous ferions fausse route si nous pensons que cela suffi t. Non, il ne s’agit pas seulement d’accorder des points à des fonctionnaires. Ou de vérifier s’ils ont bien « deliver » ce qui était prévu.

En parallèle, la fonction publique doit enfin recruter de vrais directeurs de ressources humaines – en remplacement des « establisment officers » d’un autre âge, dont le boulot principal semble n’être que de noter les congés des fonctionnaires de leur service. Il est temps qu’on fasse d’eux de véritables professionnels chargés de veiller au bon   fonctionnement de leurs administrations. Qu’on les responsabilise afin qu’ils prennent des décisions d’envoyer des collaborateurs en formation, de demander des effectifs supplémentaires et même de muter, voire de licencier les mauvais éléments. C’est la dernière barrière à franchir. Faire sauter ce verrou aidera à faire disparaître un mythe qui veut que le fonctionnaire dispose d’une assurance tous risques lui permettant d’être payé à la fin du mois… même s’il ne fiche rien de sa journée.

Toutefois, même si la célérité et le goût du travail bien fait deviennent la culture dominante chez les fonctionnaires, il n’est nullement certain que cela sonnera le glas de l’ère du gaspillage. Pour la simple raison que la corruption et le copinage installés chez certains de nos plus hauts décideurs continueront à amener le gouvernement à prendre des décisions préjudiciables aux contribuables et à l’Etat.

Le « Central Procurement Board », que la loi érige en gardien des bonnes pratiques en matière de contrats publics, ne voit pas tout. CEB, STC, la liste est longue… Nous pensons même que des puissants – politiques et économiques – connaissent suffisamment les failles de la loi pour s’arranger afin que leur « commerce » se fasse en dehors du cadre du CPB. Ou alors qu’un « échange » d’information préalable donne à un soumissionnaire un avantage que d’autres n’ont pas.

Les deals se font et se défont ainsi, sur le dos des contribuables. Des prestataires sélectionnés pour de mauvaises raisons finissent par fournir un service ou des produits inadéquats. Ou par gonfl er leurs factures démesurément avec la bénédiction (la  complicité ? ) de l’autorité de tutelle. De telles pratiques existent et perdurent. Sans que l’« Independent Commission against Corruption » ne soit moindrement capable de les mettre au jour. La corruption et les connivences génèrent du gaspillage. Mais aucun parti politique n’a sans doute songé à mettre de l’ordre dans ce domaine. Car il y va sans doute du fi nancement de certains partis…ou de l’enrichissement personnel de quelques grands noms de la politique : tous bords compris.

C’est bien une révolution dont il est question. Les Mauriciens doivent exiger qu’elle se fasse. Et si le pouvoir s’y oppose, on comprendra bien ce qui motive son refus !

Rabin BHUJUN