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Pseudo-scandales, vraies affaires

4 septembre 2011, 04:19

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Faut- il s’étonner de la tournure de scandale qu’a donnée le leader du MMM à sa convocation aux Casernes pour diffusion de fausses nouvelles ? Pas vraiment. L’homme a été fi dèle à lui- même.

Bérenger, on le sait, quand il est « amerde » , ne fait pas dans la demi- mesure. Ses années de politique ne lui ont pas appris les subtilités de discours, la gestion de l’image.

Sa manière de dire « non » a gardé toute la rudesse du coaltar. Il est toujours dans l’émotion, dans le brut. Par la force des choses, il est décalé : annoncer une « grève de la faim illimitée » , inciter les militants à « descendre dans la rue » , c’était inapproprié. D’abord, la société de débat que nous sommes devenue a du mal à comprendre que l’on fasse appel à l’émotivité pour la convaincre du bien- fondé d’une cause. Ensuite, il n’y avait pas de « cause » en tant que telle. Enfi n, il est ridicule qu’un leader de l’opposition, qui a le pouvoir et le devoir de critiquer le gouvernement, recoure au moyen qu’utilisent les opprimés réduits au silence, pour attirer l’attention.

Bérenger a été égal à lui- même, d’autre part, parce que quand il connaît ses dossiers, qu’il est sûr de son point, il ne se laisse pas faire. Il a l’air convaincu que cette affaire de fausses nouvelles ne devrait pas aller très loin, que tout ce ramdam est une farce ; il n’a peut- être pas tort. Une affaire similaire, datant de 2002, clarifi e la nature de tels délits. Le Privy Council avait alors donné tort à la Cour suprême qui avait condamné Le Mauricien pour publication de fausses nouvelles. Les lords avaient indiqué que, pour qu’il y ait délit, il ne suffi t pas qu’une information soit fausse et nuisible au gouvernement. « There must be suffi cient evidence of the risk of disturbance ( of public peace and order) » , écrivaient- ils.

Bien que la nouvelle fût fausse et assez grave pour indigner la population, même si l’ambiance politique était très tendue alors, l’information en elle- même n’a pas été cause de remous.

De la même manière, aujourd’hui, l’affaire MedPoint avait déjà « disturb » la population quand Bérenger est arrivé avec son « info » sur l’implication de Ramgoolam. Celle- ci n’a pas ajouté à la colère de l’opinion, qui était dirigée vers le MSM. Elle a plutôt été traitée comme farfelue.

Il y a peut- être aussi dans le refus de se déplacer de Bérenger, que d’aucuns interprètent comme de l’arrogance ou de la défi ance par rapport aux institutions, de l’impatience.

Bérenger est un éternel pressé, obsédé par l’action et le résultat. Il s’impatiente du retard dans l’enquête MedPoint et, à ses yeux, les simagrées de Ramgoolam et de la police – même si c’est lui- même qui les a provoquées – y contribuent.

Une impatience saupoudrée d’un sursaut d’orgueil. Il est indéniable que dans ce genre de délit, la police se déplace pour « prendre une déclaration » des personnes mises en cause – nous sommes bien placés pour en témoigner. En outre, si Beebeejaun et Ramgoolam ont eu droit pour leurs dépositions, en vertu de leur statut et de leur « seniority » , à une certaine déférence de la part des offi ciers de police, Bérenger aussi y a droit. On ne peut pas savoir si le choix de convoquer le leader de l’opposition était de la provocation ou une volonté du Premier ministre de rappeler qui est le chef, mais la perception est réelle que « li fi nn okip Bérenger » . Enfi n, un autre trait de caractère de Bérenger, qui pourrait bien être à l’origine de la violence de sa réaction, est sa grande crédulité. Il fait de la politique avec une espèce de candeur qui lui joue des tours. A- t- il trop rapidement cru en la bonne foi du leader du Parti travailliste sur la réforme électorale ? A- t- il senti qu’il était utilisé ? Toujours est- il que cette convocation de la police semble avoir été, sinon un catalyseur, du moins un bon prétexte pour ventiler une colère provoquée par une certaine blessure que lui aurait infl igée Navin Ramgoolam. Depuis l’assemblée des délégués, l’on sent que les bonnes dispositions de départ se perdent, que quelque chose a balancé. Notre dossier essaie d’en savoir plus sur la nature ambiguë de leurs relations.

Comprendre Bérenger, ce n’est pas l’excuser. Le pseudo- scandale autour de son ego a détourné l’attention de vraies affaires de corruption. Pendant que nous étions entraînés dans les méandres d’une guéguerre de pouvoir, qui n’est pas la priorité, non seulement d’autres scandales ont émergé mais également de nouveaux aveux de nos moyens ineffi caces de combat. Jeudi, les télégrammes américains balancés par Wikileaks apprenaient au monde, par les bons soins de l’ancien ambassadeur Cabrera, le peu de crédibilité de l’ Independent Commission against Corruption ( ICAC), qu’il dit soumise à la volonté du pouvoir et spectatrice silencieuse de délits étouffés. La semaine dernière, c’est la loi- cadre elle- même qui montrait ses faiblesses. Alors que l’ICAC a mené et fait aboutir plusieurs affaires passées, l’on découvre maintenant que les failles de la Prevention of Corruption Act permettent aux suspects de s’en sortir. Cette fois, l’ICAC n’était pas à blâmer, la faute revenant aux législateurs, mais ceux- ci n’ont pas semblé le moindrement bouleversés.

S’il y a une cause qui mériterait une grève de la faim, c’est bien la fi abilité des moyens de lutte contre la corruption. Qui va émuler Anna Hazare ? Anil Kumar Ujodha ?