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Promesses sans faim

24 février 2011, 08:18

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La Banque mondiale tire la sonnette d’alarme. Son directeur, l’Américain Robert Zoellick, demande aux dirigeants du G20 réunis la semaine dernière à Paris d’être «sensibles» à la hausse généralisée des prix des denrées alimentaires et peut-être plus encore aux «effets potentiels» sur la stabilité politique. Et de conclure par un appel : que l’alimentation soit la priorité numéro un de 2011.

En voilà de beaux discours dans l’univers feutré des dirigeants des vingt premières puissances mondiales. C’étaient les mêmes qu’on entendait au sortir de la réunion du club plus restreint du G8 à L’Aquila en 2009. La promesse généreuse d’une belle enveloppe de 20 milliards de dollars parachevait même le discours convenu et attendu après la crise alimentaire de 2008.

Soyons honnêtes, la sécurité alimentaire importe moins que les déboires de la finance internationale pour laquelle les milliards ont plu comme une mousson d’été en Inde. Par contre, côté sécurité alimentaire, on se rapproche plus du régime pluviométrique déficitaire. En 25 ans, l’aide publique au développement a délaissé l’agriculture passant de 18,1% en 1979 à 3,5% en 2004. A cela, il faut ajouter les brouilles quant aux intérêts particuliers des pays du Nord et du Sud – agriculture subventionnée aux Etats-Unis ou en Europe, biocarburants, spéculation etc.

L’agriculture maraîchère et vivrière dans les pays en développement n’a que peu de chances de décoller. Notamment parce que les bailleurs de fonds sont davantage dans les discours que dans l’action, et donc le financement. Le directeur du fonds mondial pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Jacques Diouf, essayait déjà en 2009 de faire comprendre que «le temps des paroles est révolu». Mais les paroles s’envolent...

Comprenons donc bien : la sécurité alimentaire est un des piliers de la stabilité politique, sociale et économique. Or, les cours mondiaux dopés par les craintes conjoncturelles d’opérateurs de salles de marché ou par la concurrence entre biocarburants et agriculture paysanne entre autres fragilisent de plus en plus des sociétés dans lesquelles les colères sourdes finissent par éclater.

Le lien avec la contestation puis la chute, suivant la théorie des dominos, dans le monde arabe a tant à voir avec une demande de démocratie qu’avec un coût de la vie insoutenable. Ce ne sont pas à proprement parler des émeutes de la faim comme en 2008. Mais on n’en est pas si loin.

Chez nous, une hausse globale du panier de la ménagère de 15 % ne peut que faire bondir. Et notre vulnérabilité aux cours mondiaux ne saurait tout expliquer. Les mesures locales, prises par le politique, doivent justement contenir les contrecoups de la hausse des prix, continue et généralisée.

Localement, il serait temps que la politique de diversification et de production agricole soit plus efficace (comment se fait-il qu’on importe encore des oignons ?). Plus globalement, surtout dans les pays en développement peu ou pas démocratiques, il faudra bien réussir à garantir un pain bon marché en plus des libertés. Les risques sont réels. La directrice du Programme alimentaire mondial le dit mieux que personne : «Un monde affamé est un monde dangereux.»