Publicité

Presse: s’agit-il bien de réguler ?

11 octobre 2010, 09:19

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Lorsqu’ils suggèrent une forme quelconque de régulation de la presse, nos politiques savent-ils vraiment de quoi ils parlent ? A en juger par la tonalité de certains discours, par les velléités répressives et punitives qui s’en dégagent, il y a lieu de craindre qu’une volonté d’affi rmer la prééminence du pouvoir élu n’en vienne à compromettre une avancée démocratique sur le point d’aboutir.

La régulation de la presse et le type de recours proposé aux citoyens relèvent d’un thème susceptible de démontrer la puissance de la propagande. Les pouvoirs publics et leurs journaux de complaisance n’ont pas arrêté, ces quelque vingt dernières années, de faire croire qu’«une certaine section de la presse» – formule aux sous-entendus que trop bruyants – était opposée à toute forme de régulation. Faux !

C’est sous la présidence de Jean-Claude de l’Estrac au Media Trust que fut commandité le rapport Morgan, ce dernier préconisant une forme de régulation proche de celle pratiquée en Grande-Bretagne. Au sein du groupe de presse qu’il dirigeait alors, en l’occurrence La Sentinelle, le même de l’Estrac contribua à l’adoption d’un code de pratiques professionnelles. Cela fut accompagné de l’institution d’un comité d’évaluation des doléances composé d’une spécialiste en communication, Roukaya Kasenally, d’un des pères fondateurs du journalisme moderne à Maurice, le Dr Philippe Forget, leurs travaux présidés par un ancien juge.

A l’initiative du directeur de Business Magazine, Lindsay Rivière, a été fondée, voici quelque cinq ans, la Newspapers’ Editors and Publishers’ Association (NEPA), ouverte à tous les responsables d’entreprise de presse et de rédaction de Maurice.

Alors que la vice-présidence de la NEPA était assurée par le rédacteur en chef du Matinal, Kiran Ramsahaye, poste qu’il occupe toujours, son comité a recherché le consensus et fi nalement adopté un code de pratiques. Publié récemment dans plusieurs journaux, ce texte est largement inspiré du code britannique, le document de référence de la British Press Complaints Commission. Refl étant bien l’industrie, le comité qui a adopté ce code de la presse mauricienne comprenait des représentants de Impact, du Journal du Samedi, des groupes Business Publications, Le Défi , Le Mauricien Ltd et La Sentinelle.

Les deux initiatives ci-dessus sont fondées sur quelques principes assez largement acceptés là où existent des systèmes user friendly d’autorégulation de la presse : 1) il n’est pas productif de soumettre les journalistes à des règles assorties de conséquences pénales, les tribunaux existant déjà pour cela ; 2) il est plus facile d’amener des journalistes à respecter un code si ce dernier a été rédigé par leur profession elle-même ; 3) l’existence d’un code considéré normatif tant par les journalistes que par les citoyens susceptibles d’être victimes d’abus rend possible d’envisager un processus de règlement convivial, peu coûteux et rapide des litiges ; 4) le processus ne prévoit pas de pénalités ; il ne vise qu’à rétablir une personne, le plus vite possible, dans ses droits, principalement son droit à une réputation non ternie ; 5) une
personne qui obtient gain de cause dans une affaire de ce type se dispense par la suite de saisir les tribunaux.

Le code de la NEPA est, à peu de choses près, le même que ceux adoptés par les presses nationales des grandes démocraties. Si, disons, un spécialiste tel que l’avocat australo-britannique Geoffrey Robertson était appelé par le gouvernement à faire des propositions pour la régulation de la presse mauricienne, on veut croire qu’il entendrait les personnes concernées et qu’il serait susceptible de prendre connaissance des codes existant déjà.

Connu pour ses positions ouvertes en matière de liberté d’expression, Me Robertson est néanmoins susceptible de ne pas approuver certaines pratiques de notre presse mais, plutôt que de donner le sentiment que la presse est monolithique, sans doute faut-il noter que ces pratiques sont également réprouvées par des journalistes mauriciens.

On pourrait rapidement énumérer ces pratiques qui ne font pas honneur aux meilleures traditions de cette profession à Maurice. Mais cela n’est que marginal. Pour la plus large part, pour l’essentiel, notre presse est digne, respectueuse des droits des citoyens ; elle ne monnaie pas ses articles, ses journalistes ne se livrent pas au chantage et à l’extorsion. Ce qui est, hélas, assez souvent la réalité dans bon nombre de pays, dont certains assez rapprochés. Maurice est exempte de ces pratiques. Devraient se le redire plus souvent ceux qui ne cessent de dénigrer la presse mauricienne, dont parfois un establishment obtus.

Dernière observation : la mise en place d’un système d’autorégulation et de règlement des litiges sera au service des citoyens. De ceux qu’on souhaite dispenser des frais requis pour saisir la justice. Ce ne sont pas les politiques qu’il s’agit de protéger. Et encore moins leurs lectures de l’histoire.

 

 

Par Gilbert Ahnee