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Parlons chiffon

1 septembre 2013, 11:13

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- Ayo vouzotte… non, vraiment…
- Allez, en la matière, on plaidera sans doute qu’il n’y a pas d’objectivité, que les élégances sont arbitraires et que nul ne demande aux journalistes de s’en improviser arbitres.
- OK ! Mais quand même !
- Quoi quand même ? Les goûts et les couleurs ne se discutent pas.
- Certes, certes… mais ce n’est plus seulement une question de goût, cela tient aux tendances des marchés porteurs, à l’imaginaire contemporain, sans doute… c’est futile, c’est vain, le grand escalier du palais des festivals à Cannes, mais les tenues qu’on y porte une seule soirée font davantage rêver à travers le monde que toutes les garde-robes accumulées par l’organisation de Miss Mauritius depuis quarante ans.

 

Il y a, aujourd’hui, une foule de jeunes Mauriciennes et Mauriciens exerçant comme créateurs de vêtements et accessoires, journalistes de mode, blogueurs. Plutôt qu’un chroniqueur plus habitué à détailler les ridicules des politiques que les coquetteries du Champ de Mars un jour de Maiden, sans doute aurait-il fallu, ici, du talent d’un de ces jeunes pour décrire les tenues que portera Nathalie Lesage au concours Miss World 2013, à Jakarta. Eux auraient su, avec les mots qu’il faut et la justesse qu’on leur accorde, nous dire pourquoi, par exemple, les proportions de la robe bleue, sous certains angles, épaississent la taille et les hanches de la Miss. Alors que l’évasement des volants lui donne, la pauvre, un air d’Ariel – vous savez, la petite sirène – se rendant au bal sous l’océan. Nos professionnels du goût auraient aussi pu nous dire pourquoi ils auraient préféré, là, moins de couches de tissu, ou plus de lisibilité ici. Ils nous auraient expliqué l’atout de séduction et d’élégance d’une petite robe, à la coupe épurée, près du corps, d’une indémodable beauté. Ou alors, ils auraient fait valoir le kitch de cet ajout d’enluminures argentées sur un orangé déjà soyeux et brillant. Par charité, on n’invitera personne à commenter l’effet de cette sorte de chasuble déstructurée dont on peut se demander si notre représentante l’enfi lera à sa sortie de la douche ou après sa séance de cardio.

 

Bien ! C’est dit ! Mais il ne suffit pas de dire, d’exorciser comme on peut un moment de tristesse, de se contenter de sourire d’un shooting bouffon. La vraie question n’est pas de savoir si Mlle Lesage sera à son avantage dans la capitale indonésienne, ou si elle sera grotesque dans sa tenue de Papageno pour une mise en scène postapocalyptique de La Flûte enchantée. Le véritable enjeu est le suivant : le secteur du textile et du vêtement pour l’exportation a un chiffre d’affaires annuel de Rs 25 milliards, contribue à 50 % au total des exportations, à 3,5 % du PIB, et soutient 175 000 emplois directs et indirects. Et pourtant, cette puissante industrie de l’habillement n’est pas encore arrivée à imposer ne serait-ce qu’une marque sur le marché international. Même si rien n’est gagné d’avance, même s’il faut y investir des tonnes d’inventivité, de créativité et de goût, après avoir ramassé d’autres tonnes de mémoire visuelle, d’histoire de l’art, de connaissance des mouvements culturels, des théories plastiques, un concours Miss World pourrait être l’occasion pour un créateur talentueux, ou un groupe de professionnels réunis, de marquer le coup. Quitte, après Jakarta, à faire comme Psy et Gangnam Style pour envahir le monde sur YouTube…

 

Par ailleurs, le monde vient à nous. Plutôt que du Hugo Boss, Mango ou Esprit, imaginez que nous disposions, entre autres, aux magasins hors taxe du nouvel aérogare, de l’inédit et de l’original de Maurice, cela soutenu par quelques smart brands. Histoire d’offrir ce que, disons, Dubayy n’aurait pas.