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Nouveau procès La Sentinelle vs l’Etat

7 mai 2013, 16:21

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Nouveau procès La Sentinelle vs l’Etat

La mauvaise foi de l’Etat peut coûter cher

 

 

Qui a dit que La Sentinelle était complaisante vis-à-vis du gouvernement ou vice-versa ? Sans doute des politiciens menteurs qui, pour haranguer leur foule de moutons, avancent n’importe quoi sans aucune maîtrise des faits du jour et des dossiers en cours – on pense, entre autres, à Rajesh Bhagwan. La vérité c’est que notre groupe continue – et continuera inlassablement - son combat contre l’Etat, commencé en 2009, pour mettre fin au boycott publicitaire discriminatoire et illégal qui continue de nous causer des préjudices humains et financiers et, encore plus grave, qui porte atteinte à la liberté de la presse. Ainsi, le 19 avril, nos hommes de loi ont déposé une nouvelle plainte contre le ministre de la Justice, représentant du bras exécutif de l’Etat, réclamant Rs 14 666 666 (soit Rs 2 millions par mois depuis le 6 septembre 2012), plus Rs 2 millions par mois à partir du 18 avril 2013 jusqu’à la date du jugement, et les intérêts au taux du jour. Ce n’est pas de gaieté de cœur que La Sentinelle en est arrivée là. Il est tellement dommage que ce soit au contribuable de payer pour une information à laquelle il a droit parce que le pouvoir se sert des moyens de l’Etat pour imposer sa politique.

 


Avec le boycott publicitaire de l’Etat qui perdure contre La Sentinelle malgré un accord – ayant valeur de jugement -, signé de bonne foi, le 6 août 2012, notre groupe de presse perd chaque mois Rs 1 million en termes de revenus directs et  Rs 1 million en termes de ‘goodwill’ puisque les lecteurs de l’express, qui demeure le journal le plus lu de Maurice, sont privés des informations contenues dans les publicités et autres avis gouvernementaux. Ces informations sont par ailleurs envoyées, avec une logique strictement politicienne (c’est-à-dire discriminatoire, revancharde, liberticide), aux autres titres de presse. Voir tableau ci-contre qui détaille la distribution inéquitable du budget publicitaire de l’Etat, un budget qui est devenu un moyen pour le pouvoir de tenter d’asphyxier ceux qui osent critiquer l’action gouvernementale et de récompenser ceux qui font dans la complaisance. 

 


De par son histoire, vieille de 50 ans, La Sentinelle entend rester un groupe de presse indépendant, autonome financièrement et libre journalistiquement. Nous avons toujours résisté aux malheureuses tentatives de déstabilisation de la presse libre, et ce n’est pas aujourd’hui que l’on va se taire, et se laisser faire. Nous avons heureusement les moyens de nous défendre et nous croyons en la justice mauricienne. Ce combat actuel pour défendre le principe de la liberté de la presse, on l’a commencé le 25 juin 2009 avec une première plainte auprès de la Cour suprême. Notre argument était le suivant : à cause du contenu éditorial de notre journal, que le gouvernement du jour considérait comme étant trop critique, celui-ci a considérablement réduit notre part légitime dans la distribution de la publicité gouvernementale. Ces manœuvres liberticides prenaient, outre la perte de revenus directs, plusieurs formes afin d’impacter négativement sur le lectorat de l’express : annulations d’abonnements dans de nombreux services gouvernementaux, dans les bibliothèques publiques, sur les avions d’Air Mauritius, etc.

 


Le 6 août 2012, dans un accord devant la Cour suprême, l’Etat est venu apposer sa signature pour reconnaître que l’express, eu égard à son taux de lectorat (inébranlable malgré tout !), avait une “legitimate expectation” d’avoir un “fair share” de la publicité gouvernementale sur une base régulière. De plus, l’accord stipule que “the use by any Government of its powers over the placement of public advertising as a means to interfere with media content would infringe the Declaration of Principles on Freedom of Expression in Africa adopted by the African Commission of Human and Peoples’ Rights in 2002.” La Sentinelle avait alors prévenu : si le gouvernement ne respectait pas sa parole, elle allait recourir à de nouveaux procès. 

 


Malgré cet accord devant la plus haute instance judiciaire de Maurice, le gouvernement a continué de nous boycotter. Le 15 novembre 2012, nos hommes de loi ont adressé une lettre à l’Attorney General lui demandant de respecter son engagement vis-à-vis de La Sentinelle, sinon nous serions obligés de saisir, à nouveau, la justice pour que nos droits soient enfin respectés. Mais cette lettre est restée morte, sans réponse. “The Defendant did not even acknowledge receipt of the aforesaid letter, and in bad faith, persisted in not implementing the Agreement.” Ce qui nous amène au ‘Notice Mise en Demeure’, servi le 5 décembre 2012, rappelant les préjudices que nous causait le non-respect de l’accord du 6 août 2012. Ici aussi, fin de non-recevoir. 

 

Ayant épuisé toutes les cartouches de bonne foi imaginables, La Sentinelle revient avec un procès contre l’Etat. Ce procès sera entendu le 6 juin prochain. Notre ligne éditoriale n’a jamais changé face au gouvernement du jour, indépendamment du régime en place : nous critiquerons ce qui est critiquable et encouragerons ce qui assure le progrès du pays.

 

Les recommandations de Geoffrey Robertson peuvent-elles voir le jour et sont-elles compatibles avec le boycott du journal référence du pays ? Comment s’étonner que le pays chute davantage dans les indices internationaux sur la liberté de la presse, à l’instar de Freedom House ? Est-il encore possible de rester un pays de presse « libre » ou sommes-nous condamnés à devenir une presse semi-libre, à l’image des dirigeants de notre pays ?