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MITD : Le silence des pantoufles

6 décembre 2013, 11:20

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La semaine d’avant l’express rapportait que le Director of Public Prosecutions (DPP), dans son Newsletter de novembre 2013, soulignait la nécessité de revoir les dispositions légales pour protéger les psychologues qui dénoncent les cas de pédophilie.

 

Manifestement il répondait là à l’ampleur qu’a prise ce monstre, les cas rapportés ne représentant sans aucun doute que le bout émergé de l’iceberg. Un infime pourcentage. Mais une seule victime, c’est déjà une de trop ! Car au-delà des chiffres, dans l’ombre se tapit un drame, une innocence brisée, quelquefois à vie. L’atrocité de l’acte se trouve décuplée du fait de la nature même des victimes : des enfants sans défense ayant, très souvent, placé leur naïve confiance dans les mains de leurs sinistres bourreaux. Ceux-là mêmes qui cyniquement tenteront de les culpabiliser pour déjouer toute dénonciation.

 

Dans ce contexte, il est seyant de revenir sur un cas ayant, dans un passé lointain, défrayé la chronique en raison de ses multiples ramifications mais aussi parce qu’il est l’exemple vivant des difficultés que pourraient rencontrer les militants anti-pédophilie : celui du MITD. Résumons : l’affaire remonte à juillet 2011 mais le lièvre est levé le 17 novembre 2012 avec la PNQ du leader de l’opposition au Parlement. Deux volets y sont abordés; d’une part, le cas de pédophilie alléguée impliquant une adolescente et son enseignant de 34 ans et, d’autre part, une allégation d’emploi d’une personne ayant soumis de faux certificats. Une enquête policière est diligentée – se limitant au premier volet seulement et débouchera, au grand dam de l’opinion publique, à l’arrestation des whistle blowers qui n’auraient somme toute fait que leur travail : Mme Sudha Singh et Mme Pascale Bodet. Le syndicaliste Hemandhar Madhow sera, lui, suspendu de ses fonctions pour avoir dénoncé cette comédie tragi-comique.

 

Une couverture médiatique extensive en fera trois «héros» éphémères…tandis que leur hiérarchie se dérobe face à l’obligation légale de rapporter de tels actes au secrétaire permanent du ministère de la Protection des enfants, faisant fi de la section 11 de la Child Protection Act. Avec impunité ! Le cas n’étant pas isolé, l’indignation fut telle que six prêtres catholiques montèrent au créneau pour exprimer leur vive inquiétude face à ce qu’ils qualifiaient de «dégradation de nos institutions». Une pétition ayant recueilli plus de 10 000 signatures sera même envoyée au bureau du Premier ministre. La suite se fait toujours attendre.

 

Mais aujourd’hui, un scandale chassant l’autre, doublé du fait que nos trois mousquetaires ne disposent pas de lobby, l’oubli a vite fait de mater le sentiment de révolte et le tollé soulevé s’est vite estompé. Il en est ainsi de la nature humaine…. Mais, fort heureusement, le DPP, une grosse pointure, a sans ménagement mis les pieds dans le plat, nous renvoyant à la figure cette épaisse poussière que nous voulions commodément balayer sous la moquette. Et face à des enquêtes policières perçues, à tort ou à raison, comme étant éthiquement suspectes, le Newsletter envoie un signal fort : «The legislation needs to be relooked at again…At the same time a wholesale shift in attitudes is required throughout the legal system when dealing with child victims of sexual abuse.»Un espoir pour l’île Maurice.

 

Mais il faut le rappeler constamment : les protections légales ne sont efficaces qu’au prix d’une constante vigilance du citoyen et son insistance à faire respecter par ceux à qui le pouvoir est confié. M. Jean-Mée Desveaux, journaliste à l’express, écrivait récemment «Un océan d’indifférence» pour qualifier notre société civile. Analyse pertinente mais c’est quand il n’y a plus rien à espérer qu’il ne faut désespérer de rien. Essayons donc de provoquer un ultime sursaut chez elle avant qu’il ne soit trop tard en soumettant à sa réflexion les propos ô combien justes de l’écrivain suisse, Max Frisch:

 

«Plus que le bruit des bottes, je crains davantage le silence des pantoufles.»