Publicité

Leurs lacunes et les nôtres

4 décembre 2011, 00:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

 « De nombreuses lacunes ». « A tous les niveaux ». L’aveu du vice- Premier ministre Rashid Beebeejaun en dit long. Des années de gestion hasardeuse et de défaut de planification ont mis nos robinets à sec. La conjoncture climatique actuelle n’est pas la seule responsable du manque d’eau dans nos foyers. Loin de là. Les spécialistes n’ont eu de cesse de le répéter : avec une moyenne annuelle de précipitations de 2100 mm environ, l’île est suffisamment arrosée. Cela dit,
l’augmentation continuelle de la demande, voire son accelération ces dernières années, a accru la pression sur nos réservoirs souffreteux. En plus, la bétonnisation excessive de l’île, collective et individuelle, a imperméabilisé les sols. Or, la couverture forestière, qui a diminué comme peau de chagrin, facilite l’infi ltration des eaux de pluie, ce qui alimente les nappes phréatiques. L’eau qui ne s’infi ltre pas dans les sols ruisselle donc. Et c’est de l’or bleu qu’on ne récupère pas ou trop peu (quelque 20 % des précipitations sont captées par la CWA). Le résultat prend la forme d’un paradoxe : c’est une perte sèche.


En 2007 déjà, le rapport conjoint de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de la Banque africaine de développement (BAD) sur les perspectives économiques à Maurice, était alarmant. Si en trente ans les ressources en eau ont diminué de 8 %, « entre 1995 et 2003, la demande globale d’eau a augmenté de 32 %. Depuis lors, elle progresse au rythme annuel moyen de 3 %. Le nombre des abonnés augmente régulièrement, de 2,8 % ». Du coup, notre île est passée en dix ans sous le seuil de stress hydrique défi ni par le Programme des nations unies pour l’environnement fi xé à 1700 m3 d’eau par personne et par an. En 1998 on disposait de 1970 m3/pers./an et en 2007 de seulement 1083 m3/pers./an ! Et les perspectives n’augurent aucune amélioration : « Maurice devrait connaître une pénurie d’eau d’ici 2020, date à laquelle l’approvisionnement devrait s’établir à 974 m3/pers./an (sur la base d’une population projetée à 1 335 000 habitants) », note le rapport OCDE-BAD.


Serait-on en avance sur les prévisions des deux organisations internationales ? Les habitants de Ripailles, La Gaulette, ou Eau-Coulée auraient raison de le croire compte tenu du manque d’eau dont ils souffrent. Avec du retard, les autorités prennent le taureau par les cornes. Les premiers coups de pioche du Bagatelle Dam cette semaine sont « une goutte d’eau pour soulager le pays », titrait l’express jeudi dernier. Cette réserve d’eau répondra aux besoins des foyers de Port-Louis aux basses Plaines-Wilhems où la demande ne faiblira pas.


Dans le même temps, la région ouest défi citaire en pluies, pour ne s’attarder que sur un cas, risque d’avoir encore un moment les robinets à sec. Et pourtant, entre 1990 et 2010, le nombre de résidents y a cru de 176 % ! Imaginez donc ce qu’il en est pour les besoins en eau... Défaut de planifi cation évident. Alors Bagatelle Dam c’est un premier pas. Un grand, au regard de l’infrastructure. Aux autorités d’en faire d’autres, plus petits : à quand des barrages, de moindre envergure, dans les régions arrosées de Nouvelle-France, Souillac ou Ferney ? A quand celui évoqué de Chamarel ? En attendant, nous paierons (raisonnablement) plus chère une eau trop longtemps gaspillée pour arroser les chemins (comme si le bitume poussait ainsi). C’est un moyen de sensibiliser à la valeur de l’or bleu. Mieux encore, il faudrait apprendre les vertus de la récupération d’eau et de son bon usage. On est en droit d’attendre plus des autorités, d’autant qu’au sommet on admet les erreurs. Mais on est aussi en droit d’attendre plus de nousmêmes. Sinon on fi nira vraiment par crever de soif.