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Lettre ouverte à Navin Ramgoolam

7 janvier 2010, 13:04

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Monsieur le Premier Ministre,

La communauté mauricienne s’interroge : de quoi sera fait Navin III de 2010-2015? Question légitime sur celui qui sera à la tête d’un pays négociant actuellement un tournant stratégique. Notre république a un rendezvous crucial avec son histoire.

Vous êtes sûrement conscient que rarement un dirigeant d’un pays n’a bénéficié de conditions objectives et subjectives aussi favorables que vous. Moyennant une lecture appropriée des dynamiques profondes animant notre société, suivie d’une démarche concrète avec ses initiatives correspondantes, vous pouvez initier une dynamique pour que la société mauricienne franchisse un palier crucial sur le chemin de la modernité. Une modernité fondée sur des valeurs humaines universelles telles que le décline le Pr. Amirtya Sen.

En êtes-vous conscient ? Je pense que oui. Pouvez-vous le réaliser ? Le jeu en vaut la chandelle ! En ferez-vous une priorité stratégique et y consacrerez-vous le temps et l’énergie nécessaires ? L’avenir nous le dira. Depuis 2005 vous avez fait la démonstration de votre talent en vos multiples capacités - leader d’un parti et d’une alliance, PM engageant une profonde réforme et pilotant avec un certain succès le pays dans la tempête de la crise mondiale. A l’heure du bilan 2005-2010 vous avez de quoi être fier.

Vous vous êtes forgé une image de rassembleur bien au-delà des préférences partisanes. Vous projetez l’image de quelqu’un qui est sûr de vous, confiant et serein. Sur le plan politique tout a été dit sur le fait que vous êtes le seul maître du jeu, possédant pratiquement toutes les cartes en main. Vous êtes parvenu après cinq ans au pouvoir à faire vos adversaires directs vous ménager dans l’espoir que vous voudrez bien les intégrer dans l’équation du pouvoir pour 2010-2015.

Sur le front socio-économique vous avez adopté et adapté le projet de réforme novateur de Rama Sithanen même si certaines mesures ne convenaient pas à votre électorat. L’économie a été globalement bien gérée avec une performance saluée par les instances internationales. Le concept d’« empowerment », qui demande à être approfondi, est en train de refonder l’Etat providence, pour l’adapter aux nouvelles donnes de l’environnement économique. Il y a indéniablement une nouvelle approche de la lutte contre la pauvreté. Cependant, le défi de sa réalisation concrète reste entier. Le chantier de la lutte contre la pauvreté reste un des maillons faibles du projet de réforme depuis 2005 !

Avec votre expérience au sommet de l’Etat vous mesurez les difficultés de trouver des hommes et des femmes de confiance, capables et honnêtes. On est au coeur de la problématique de la bonne gouvernance publique. Autant notre économie demande à être démocratisée, autant notre Etat demande à être modernisé, voire révolutionné ! Il faut en finir avec la conception mortifère d’un Etat prédateur pour bâtir un Etat acteur catalyseur du développement global. Cela passe par le refus d’une conception du pouvoir politique comme moyen de contrôle des leviers de l’appareil d’Etat par une clique pour se servir au lieu de servir la population.

Les affaires touchant les institutions de l’Etat et les organismes parapublics en 2009 ont dû vous interpeller sérieusement avec les sujets délicats tels le choix des hommes, la confiance et le contrôle, et la faiblesse et la bêtise humaines. Lors du troisième mandat vous aurez à relever le défi stratégique d’une rupture avec les pratiques d’un Etat ethno-clientéliste. « No one owes us a living », dites-vous avec raison. Il faut un Etat fort et performant si nous voulons « build to last » avec un nouveau modèle de développement juste et équitable.

L’option d’alliance électorale gagnante pour Maurice est celle qui permettra de construire un Etat qui répond aux multiples exigences d’un monde globalisé en pleine mutation. Elle n’est pas celle qui serait viciée par le chantage de divers lobbys d’ordre familial, clanique, castéiste, communaliste. Certains analystes, dont D.E.V dans le « Mauritius Times » trouvent qu’une alliance PTr-MMM servirait mieux l’intérêt du pays. A condition que ce ne soit pas qu’un « deal » entre élites. Le pays a besoin d’un leadership non seulement rassembleur et visionnaire mais « hands on » sur les options stratégiques pour « get things done » afin d’avancer dans la construction d’une nouvelle société. Il vous faut la meilleure équipe ! Vous savez qu’au-delà d’une profonde prise de conscience sur la question de l’environnement il faut s’engager résolument dans la voie du développement durable. Commençons par donner à MID tout son sens et toutes ses chances. La planète vit actuellement la fin de trois siècles de domination occidentale… le XXIe siècle sera asiatique. Votre présence régulière et active sur la scène diplomatique témoigne d’un souci de mieux positionner Maurice sur la nouvelle carte mondiale marquée par la dynamique asiatique montante. De par votre personnalité, votre itinéraire personnel et votre parcours politique, vous avez des atouts pour opérer dans le « Global World ».

SSR a eu une vie politique longue d’un demi-siècle. De l’auteur de l’article « Sons of immigrants » dans l’« Indian Centenary Book » en 1935 au Premier ministre qu’il deviendra en 1968, au moment de l’indépendance, son ascension a été constante. A suivi la période difficile de 1968 à 1982. SSR a marqué profondément le XXe siècle mauricien. Et voilà que l’histoire offre à vous, le fils, l’opportunité d’être l’architecte de la modernité mauricienne en ce début du XXIe siècle.

L’histoire est généreuse, monsieur le Premier ministre. Maintenant, à vous de jouer…

Avec mes salutations respectueuses et mes meilleurs voeux pour 2010.

Malenn OODIAH

Malenn Oodiah