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Les voisins du karo kann

19 août 2012, 11:05

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Amis de la verdure, vous êtes servis ! Les revirements successifs qui ont marqué les négociations autour de notre industrie cannière ont tenu le pays en haleine cette semaine. Mais au-delà de la bataille autour des champs de canne et de ceux qui y travaillent, un autre match – plus discret celui-là – se joue. Y participent, ceux qui ne veulent pas retourner dan karo kann, ceux qui souhaitent désespérément en sortir, mais aussi ceux qui, auréolés de leurs derniers exploits, peuvent prétendre ne plus s’y rendre.

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Ayant effectué un long séjour dan karo kann entre décembre 1995 et septembre 2000, sir Anerood Jugnauth semble avoir développé une certaine aversion pour la chose. Mais le sacrifice, ça le connaît. Aussi, pour le bien de la nation, consentirait-il à s’y exiler une nouvelle fois plutôt que de refaire alliance avec Navin Ramgoolam. C’est ce qu’a expliqué SAJ ce mercredi lors d’un congrès à Petit-Raffray.

Mais l’allusion champêtre de SAJ revêt un air de « déjà entendu ». Retour en arrière pour s’en assurer. Nous sommes le 2 avril 2010, à la veille des élections générales opposant le MMM au bloc PTr/MSM/PMSD. SAJ, alors président, prévient : « Il vaut mieux être dan karo kann que d’aller travailler avec le MMM et Bérenger. » Un autre Anerood – Gujadhur celui-là –, le mythique et désopilant leader du PPM, disait, philosophe, s’être résigné à être envoyé « dan karo kann » à chaque élection. SAJ, lui, a trouvé l’astuce pour éviter cela : feindre de perdre la mémoire.

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La Voice of Hindu (VOH) y est, par contre, depuis un moment… dan karo kann. Et manoeuvre laborieusement pour en sortir. Du coup, comme beaucoup de mouvements en perte de vitesse, la VOH a choisi un coup d’éclat pour revenir sur le devant d’une scène socioculturelle désormais monopolisée par Somduth Dulthummun et Balraj Naroo. Sauf que la bravade… s’avère risible.

Proposer de « bannir » Facebook pour endiguer les commentaires racistes révèle non seulement la méconnaissance de la VOH du fonctionnement de ce réseau social, mais également l’hypocrisie du mouvement par rapport à sa propre présence sur le site. Le groupe « Voice of Hindu » sur Facebook compte en effet pas moins de 4000 membres. Hier soir, la plateforme était toujours active… et surtout commodément fermée aux non-membres. Qui ne peuvent en aucun cas avoir accès à ce qui y est posté. Un drôle de fonctionnement de la part d’un mouvement qui prône aussi la modération systématique des propos postés sur Facebook. Avec une attitude aussi rétrograde, la VOH pourrait garder pendant encore longtemps la place de choix qu’elle s’est trouvée dan karo kann.

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Shakeel Mohamed et Ashok Subron ne font sans doute pas partie de ceux qui pourraient retourner de sitôt dan karo kann. Si le premier, un brin opportuniste, a tardivement saisi l’utilité de se montrer intransigeant, voire hostile envers les patrons du secteur cannier, le second s’est démarqué une nouvelle fois comme étant le dernier syndicaliste de sa génération à s’inscrire résolument dans une logique de lutte des classes visant à amener les travailleurs à réclamer et obtenir leur dû face à « la classe capitale ».

Mohamed enregistre, en effet, des bénéfices nets au lendemain de l’accord trouvé entre la Mauritius Sugar Producers’ Association et le Joint Negociating Panel. Très réaliste dans ses prises de position, le ministre du Travail a réussi la prouesse de donner aux patrons l’impression qu’il était initialement proche de leurs préoccupations, pour finir par se ranger à temps du côté des travailleurs.

Du coup, Mohamed se rapproche de plus en plus d’une position fort enviable… être au PTr ce que Reza Uteem est au MMM. Un atout souhaitable quand une autre personnalité rouge – Rashid Beebeejaun – finira par se retrouver dan karo kann.

Ashok Subron n’est paradoxalement pas si loin des préoccupations politiques. Principal animateur du mouvement Rezistans ek Alternativ, il est également l’un des rares « jeunes » syndicalistes de la place à conserver une certaine crédibilité dans ses actions politiques, syndicales et citoyennes. Ainsi, pendant que d’autres pseudo-leaders de mouvements politiques se ridiculisent à travers leurs gesticulations sans envergure, Subron accumule des actions concrètes.

Il n’est pas dit que, fort de ces réalisations, Subron finira par remporter un succès électoral face à la puissante machinerie, notamment financière, des partis politiques installés. Mais il est toutefois certain que Subron incarnera – pour une part plus importante de Mauriciens – une alternative à l’offre politique existante. Elle ne sera pas tout à fait crédible tant que Subron prônera une approche résolument hostile à un modèle économique auquel les Mauriciens sont finalement plus attachés qu’on le croit. Au bout de quelques séjours en lisière du karo kann, Subron finira peut-être par s’en rendre compte !