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Les marchands ambulants et nous

8 décembre 2008, 10:27

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J’ai tourné la question dans tous les sens. Je n’ai pas trouvé de solution.

Après des années de décisions prises puis reportées, d’incertitudes et de postures empreintes de pusillanimité, les autorités, locales et centrales, semblent être décidées à prendre le taureau par les cornes. Du moins à la rue sir Seewoosagur Ramgoolam, plus connue comme la rue Desforges, à Port-Louis. Ils veulent évacuer des marchands ambulants.

Après s’être exonérées de cette responsabilité, ces autorités ne craignent même plus la confrontation. Les marchands ambulants ripostent évidemment. Le résultat, on le connaît, c’est le capharnaüm qui s’installe dans certaines rues de la capitale. Ainsi ce 6 décembre, les marchands ambulants de l’une des principales artères de la capitale sont confrontés à un ordre de la police leur intimant de débarrasser les lieux. Leur réponse: ils occupent la chaussée. Comment en arrive-t-on là?

Il fut un temps où les marchands ambulants fonctionnaient comme des arrière-boutiques des magasins. C’était nos magasins des accessoires. Ils récupéraient à des prix abordables et rendaient accessibles des produits de qualité inférieure. Graduellement, le marché s’est agrandi. De nouveaux opérateurs se sont installés. Une économie parallèle s’est mise en place. Pour une île qui ne s’embarrassait pas trop des questions de contrefaçon, le marché souterrain proliférait et prenait des ramifications inquiétantes.

Jouant des lobbies politiques, ces marchands se multipliaient insidieusement à travers l’île. Mais le gros du problème se trouve dans les capitales et, surtout, à Port-Louis. On raconte que certains ont fait fortune. On laisse entendre que des fonctionnaires en ont fait leur deuxième profession, qui serait d’ailleurs plus profitable que leurs emplois officiels. La figure du marchand ambulant devient graduellement un fantasme, un mythe. Les propriétaires des magasins, pour leur part, demeuraient impuissants face au phénomène.

Enfin, comme on est à Maurice, il ne faut pas oublier la dimension ethnique que prend le débat. A Port-Louis notamment, les marchands, pour la plupart, font partie de la communauté musulmane. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles, les élus de la région n’ont jamais pu les déloger. Ce sont des électeurs qui peuvent faire pencher la balance dans un camp ou dans l’autre. Aujourd’hui, ces marchands crient à la persécution. D’autant plus que, après de nombreuses années, la capitale a un Lord maire hindou. Cela ne pourrait être qu’une coïncidence. Il n’empêche cependant qu’on ne pourra faire taire les mauvaises langues.

Pour ma part, je n’y crois pas. Je pense que les enjeux sont plus profonds. Et si toute cette agitation autour des marchands ambulants, occupant une rue de la capitale, n’était qu’un signal voire un symbole. Aucun pouvoir ne prendra le risque de compromettre son rapport avec un électorat précis. Aujourd’hui, pour dire les choses comme elles sont, certains n’hésiteront pas à crier à la stigmatisation d’une communauté donnée. D’autres se lanceront dans des attaques sectaires et perfides. Enfin quelques-uns sortiront l’antienne que c’est un problème humanitaire qu’il faudra résoudre humainement…

La question de fond est évidemment celle de la place qu’on veut bien faire à la communauté des marchands ambulants à Maurice. Le précédent gouvernement avait tenté de construire des structures pour les caser. Rien n’y a fait. Ils préfèrent occuper les trottoirs. Essentiellement, c’est un marché parallèle. C’est le propre des économies en mutation. Il faut ramener dans le circuit ces personnes. Or, le circuit légal ne garantit pas autant de profits et présente des contraintes qui n’arrangent pas les affaires de nos marchands ambulants. Ils n’aiment pas remplir des formulaires!

Avons-nous encore besoin des marchands ambulants? Faut-il les récupérer dans un système plus sain et transparent? Je l’avoue. Je n’ai pas de réponse. Mais je sais qu’il faut changer les choses. A ceux qui ont prétendu pouvoir nous gouverner efficacement de trouver la réponse adéquate.