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Le paradoxe du string

9 septembre 2012, 09:31

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Donner l’impression de tout dévoiler tout en cachant l’essentiel. Plusieurs événements de la semaine écoulée semblent illustrer ce qu’on pourrait appeler le paradoxe du string. A commencer par le séjour du Premier ministre à Londres. Les apparitions publiques de Navin Ramgoolam se sont raréfiées depuis un mois. Jusqu’à ce qu’on apprenne officiellement vendredi qu’il a passé « une série de tests médicaux » en Angleterre. Suivant les conseils de ses médecins, il a également subi une intervention chirurgicale « mineure ». A priori, on ne peut qu’apprécier la volonté de transparence du Prime Minister’s Office (PMO).

Mais on peut aussi noter qu’aucun autre détail de l’état de santé de Navin Ramgoolam – actuellement en « convalescence » en Angleterre pour une durée indéterminée – n’a été rendu public. La question s’impose donc : l’état de santé de celui qui dirige la destinée d’une nation de 1,3 million de personnes est-il d’intérêt public ? Deux grandes écoles de pensée s’affrontent à ce sujet. L’une affirme que la santé d’une personne – quidam ou haute personnalité – doit invariablement relever de la vie privée. Tandis que le camp d’en face prône la transparence totale autour du dossier médical des hauts responsables publics ou, le cas échéant, l’impératif de le rendre public en cas de maladie grave ou incapacitante. La santé des chefs d’Etat et de gouvernement est un sujet tabou dans de nombreux pays. Il n’est en rien irrespectueux de constater que le peu d’informations communiquées par le PMO au sujet de l’état de santé de Ramgoolam ne permet pas aux Mauriciens de se faire une idée précise de sa capacité à assurer pleinement ses fonctions dans les jours et années à venir.

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L’avenir, pense-t-on, s’annonce brillant avec la brèche ouverte par Rezistans ek Alternativ devant le Human Rights Committee (HRC) des Nations unies. Si certains, peu attentifs à la formulation de la décision, y décèlent la fin programmée du Best Loser System, d’autres y voient de toutes autres possibilités. Il y a d’abord celle du statu quo. On pourrait en effet cyniquement arguer qu’un blâme d’une commission de l’Onu n’est que peu de chose. Quand on sait que les résolutions 2066 et 1514 de l’organisation n’ont nullement empêché l’excision de   Diego Garcia par l’Angleterre.

Ce que cache la « victoire » de Rezistans ek Alternativ, c’est l’effrayante porte de sortie qu’offre l’Onu à l’Etat : il suffit de refaire un recensement répertoriant les catégorisations religieuses et ethniques de l’exercice de 1972 pour que le Best Loser System retrouve grâce aux yeux du HRC. Si certaines personnalités politiques, comme Shakeel Mohamed, disent vouloir « se battre » pour cela, il n’est pas dit que son patron convalescent l’entende ainsi.

Un nouveau recensement, et les considérations pratiques dans son sillage, pourraient en fait changer drastiquement la sociologie politique locale. D’une part, il faudra déterminer le nombre de catégories « religioso-ethniques » à identifier. La catégorisation hindoue devra-t-elle, par exemple, être déclinée en hindi speaking, tamil, telegu et marathi afin de mieux coller aux « réalités » locales? Par ailleurs, des évolutions démographiques insuffisamment étudiées sont-elles en mesure de dessiner une nouvelle « population majoritaire »… différente de celle de 1972 ?

De puissantes forces conservatrices se sont illustrées, il y a deux ans, en prévenant que le pays serait « à feu et à sang » si certaines archives de nos ancêtres étaient rendues publiques. Il est évident que ces mêmes obscurantistes se manifesteront demain dès l’évocation d’un nouveau recensement communautaire. Il y a fort à parier qu’ils trouveront alors une oreille attentive là où ils le voudront. A bien y voir, la « victoire » de Rezistans ek Alternativ ne peut avoir que deux conséquences possibles : le maintien à l’identique de l’actuel système BLS. Ou sa suppression pure et simple.

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La voie du milieu ne semble pas non plus privilégiée par les marchands ambulants qui tiennent la mairie de Port-Louis en otage depuis bientôt deux semaines. Là encore, les solutions de surface – qu’il faut encore trouver – ne feront que dissimuler les vrais problèmes de fond. Face aux marchands de la rue Farquhar qui exigent d’y rester, les responsables politiques semblent avoir trouvé la solution miracle : les reloger.

Mais permettre aux marchands ambulants d’aller vendre leurs pastilles Valda, lacets de soulier, tubes de colle forte ou vieux romans de Barbara Cartland trois rues plus loin ne résoudra en rien le problème de fond. En effet, pourquoi les marchands ambulants devraient ils échapper à toute tentative de régularisation et de « mainstreaming » ? Tandis que d’autres commerçants consentent à des efforts financiers pour maintenir leur fonds de commerce tout en restant en règle avec les administrations régionales et le fisc. Les marchands ambulants répondront qu’ils sont en droit d’obtenir ces privilèges en tant qu’électeurs de politiques qui veulent désespérément se sédentariser au Parlement ou au conseil municipal.