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Le facteur i

22 août 2010, 04:25

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Du neuf ou du réchauffé. Inspiré ou parfaitement inutile. Trop « longtermiste » ou pas assez « courtermiste ». Les qualificatifs ne manquent pas pour décrire l’« Economic Restructuring and Competitiveness Package » (ERCP) du ministre des Finances. Ces considérations paraissent toutefois  secondaires. En effet, le succès du plan Jugnauth sera déterminé par la qualité de sa mise en oeuvre. Mais déjà, de sérieuses réserves sont émises sur la capacité réelle de nos institutions à appliquer ce package de Rs 12 milliards.

Percy Mistry, observateur avisé de notre économie, se livre, cette semaine, à une analyse sévère de l’ERCP dans le « Mauritius Times ». « Pour que Maurice devienne compétitive, il faut que son gouvernement et sa fonction publique le soient également. L’ERCP ne dit rien sur cela », explique l’économiste en dénonçant un gouvernement « prenant trop de place, coûtant trop cher, gaspilleur et inefficient… » Nous sommes au coeur du problème. L’Etat demande aux autres acteurs de l’économie de repenser leur mode de fonctionnement. Tout en évitant de s’astreindre à la même obligation…

Le facteur institutionnel n’est pas anodin dans la performance économique d’un pays. Il est même déterminant. Un document du Centre de Développement de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques, sous-titré « Le rôle des facteurs politiques dans la croissance économique1 », le démontre amplement. Les auteurs y citent notamment une étude portant sur 25 pays de la région Asie Pacifique et  d’Amérique latine qui conclut « que l’efficacité de l’Etat explique approximativement les deux tiers des écarts nationaux de croissance économique. »

La question est donc posée. Sur quelle courbe de croissance nous  trouverions-nous si l’Etat mauricien était plus efficient ? L’on nous rétorquera que l’Etat est très « business-friendly » depuis la « Business Facilitation Act » de 2006. Tout en affirmant que l’administration et les institutions, comme le « Board of Investment », s’efforcent à fournir un bon service aux entrepreneurs souhaitant démarrer des activités – ou les étendre – à Maurice.

Ce type d’argument serait teinté de mauvaise foi. Car il suffit de feuilleter le rapport de l’audit pour découvrir les innombrables lacunes existantes de notre administration. La plus éclatante demeure son incapacité maladive – faute de moyens humains et techniques – à gérer ses budgets  d’investissements. Ce qui se traduit invariablement par des  dépassements budgétaires inacceptables. Et que dire des patrons de ces administrations, dont l’indécision chronique coûte à l’Etat des milliards ? Dernier exemple en date, le retour du métro léger à l’agenda gouvernemental. Si les travaux avaient débuté en 2005, le projet aurait coûté Rs 8 milliards. Initier ce chantier national en 2010 nécessitera au minimum Rs 2 milliards de plus.

L’Etat vit à crédit depuis de nombreuses années, finançant une grande partie de ses  projets de développement à partir de prêts de bailleurs de fonds. Or les auteurs de l’étude de l’OCDE expliquent justement que seules des institutions efficientes arrivent à allouer efficacement les ressources rares (dans notre cas, c’est le financement) à des projets d’investissement, de recherche ou de développement. Tout en assurant l’exécution dans les meilleures conditions.

Depuis quelques années, l’Etat semble avoir bien identifié les projets d’investissement prioritaires pour le développement économique du pays. L’ERCP de Pravind Jugnauth reste sur la voie tracée en confirmant l’exécution de 13 chantiers nationaux sur les dix prochaines années, au coût pharaonique de Rs 250 milliards. C’est ce qui est prévu. Mais ce n’est pas ce qui se passera si la même inertie continue à exister dans nos   administrations et nos entreprises parapubliques.

Deux dangers nous guettent si le fonctionnement de nos institutions ne change pas radicalement…et vite. Premièrement, les 13 projets identifiés prendront probablement plus de 10 ans pour être tous concrétisés. Dans le même temps, à cause de toutes les inefficiences de l’Etat, leur coût aura vraisemblablement dépassé allègrement les Rs 250 milliards prévus. Il appartient désormais au gouvernement de faire en sorte que le pays brave les deux dangers.

1http://claude.rochet.pagesperso-orange.fr/cours/Docspilostra/Leffiienceinstitutionnelle.pdf