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La malédiction du pharaon

12 mai 2013, 11:56

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La malédiction du pharaon

La légende est née au début du siècle dernier. Elle raconte qu’une trentaine de personnes qui avaient participé à l’exhumation de la momie du pharaon Toutankhamon, en Egypte, périrent toutes dans des conditions étranges. Un siècle plus tard, une autre malédiction semble, cette fois-ci, frapper Maurice. La malédiction du MITD.

 



Sinon, comment expliquer la série d’ennuis judiciaires et disciplinaires dont semblent être victimes une demi-douzaine de personnes ? Elles ont toutes un point commun : leur volonté d’établir qu’une élève mineure du Mauritius Institute of Training and Development (MITD) a eu des relations sexuelles avec l’un de ses enseignants. Depuis l’éclatement de l’affaire, tous les dénonciateurs et témoins à charge ont en effet été foudroyés, les uns après les autres.

 



Commençons par la femme du présumé agresseur. La parole et les récits antérieurs de celle-ci avaient été jugés crédibles, au point de se voir accorder une Protection Order à l’encontre de son mari. Le non-respect de la décision de justice avait d’ailleurs conduit à l’arrestation de l’époux. Toutefois, quand la conjointe a entrepris de dénoncer la relation qu’elle estime être inappropriée entre son mari et l’une de ses élèves, son témoignage ainsi que les éléments qu’elle avait présentés ont soudain perdu toute valeur.

 



La deuxième victime de la malédiction, Pravind Jugnauth, a connu un sort beaucoup plus médiatique. Démagogique, le leader du MSM avait dénoncé un « gouvernement pédophile » qui n’agissait pas sur l’affaire MITD. Ce qui a failli l’amener à passer les festivités du Nouvel an en compagnie des officiers de la Central Criminal Investigation Department. Le témoignage de Pravind Jugnauth n’a pas été pris au sérieux. Malgré son affirmation quant à l’existence d’enregistrement d’appels et de transcriptions de messages SMS tendant à démontrer la nature inappropriée des relations entre le professeur et son élève.

 



Même fin de non recevoir pour des enseignants du MITD. Notamment pour celle qui avait choisi de dénoncer son collègue devant le Fact-finding Committee (FFC) chargé de conduire une « comprehensive inquiry into this case of alleged abuse ». Non seulement son témoignage n’a pas été jugé crédible, mais elle a également été licenciée pour avoir « terni la réputation du MITD ». Son collègue syndicaliste Hemant Madhow, qui avait pointé du doigt les « ingérences politiques » dans cette affaire, a réintégré son poste, in extremis, fin avril. Après avoir été sous la menace d’un licenciement depuis fin janvier.

 



La malédiction n’étant pas levée, une nouvelle victime a été répertoriée cette semaine. A la stupéfaction de ses confrères, la psychologue Pascale Bodet a été arrêtée vendredi. Sa faute : avoir alerté sa hiérarchie sur ce qu’elle estime être un cas de pédophilie après avoir écouté l’adolescente et être, semble-t-il, à l’origine de fuites. Déjà suspendue de ses fonctions, elle est désormais accusée d’usage de faux et de complot. Une nouvelle qui a de quoi consterner tous les « whistleblowers » en puissance du pays. Le « précédent Tuyau » semble en effet en formation : quand une personne raisonnable tire la sonnette d’alarme sur la base d’informations recueillies de bonne foi, elle s’expose désormais à des procédures disciplinaires et judiciaires !

 



C’est probablement à cause de l’impression que la justice a été rendue dans cette affaire que la malédiction ne s’estompe pas. Or, de toute évidence, ceux qui veulent enterrer l’affaire MITD font une lecture restrictive et étriquée des conclusions du FFC présidé par la magistrate Veronique Kwok Yin Siong Yen. Si le FFC conclut qu’aucun des 28 témoins n’a été en mesure de dire qu’il a vu le professeur et son élève dans une position compromettante, cela ne veut pas dire que ce type de comportement n’a pas eu lieu à l’abri des regards. Il est quand même entendu que les agresseurs sexuels ne commettent pas leur forfait au vu et au su de tout le monde !

 



La magistrate conclut également – comme l’a affirmé Vasant Bunwaree au Parlement, le 9 avril – que se basant sur les conclusions d’un examen médico-légal, la jeune fille ne pouvait avoir eu « any sexual intercourse » avec l’enseignant étant donné qu’elle est vierge. Mais les relations sexuelles entre deux personnes ne se limitent pas à l’acte de pénétration. Ce que semble avoir ignoré le FFC et le ministre de l’Education.

 



Reste la parole de l’enfant elle-même. Si Pascale Bodet affirme que la présumée victime lui a confié avoir eu des relations sexuelles avec son enseignant, la jeune fille et ses parents nient cela. Si l’on suit la logique limitative « pas de plainte = pas de poursuites », il semble évident qu’on ne peut que conclure que l’affaire n’en a jamais été une. Néanmoins, les psychologues insistent sur le fait que la parole de l’enfant, si elle se libère à un moment, peut également se bloquer par la suite, pour des raisons diverses, notamment suite à des pressions sociales – perçues ou réelles.

 



La réalité pour l’heure, c’est que la vérité n’a été que partiellement révélée. Mais conformément à l’adage Satyamev Jayate, la vérité finit toujours par triompher. Qui sait, peut être que lors du dénouement de l’affaire MITD, on apprendra en bonus pourquoi on a crié si vite au « complot ». On découvrira peut-être également ce que cherchent à cacher ceux qui dénoncent à longueur de journée les « palabres » dont ils sont « victimes ». Cela arrivera sans doute. Car après tout, une malédiction n’est jamais éternelle…