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La lutte des places au MMM

21 avril 2009, 09:54

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C’est la faute au mur de Berlin.

Sans céder à la nostalgie de la gloire qui fut celle du MMM, il faut concéder qu’en quarante ans d’existence, le parti a connu des mutations indépendantes de sa volonté et a surtout évolué en fonction des changements à Maurice et dans le monde. Ainsi les turbulences qui agitent le parti en ce moment étaient tout à fait inévitables, sinon prévisibles. Quand la lutte de classes cède le pas à la lutte des places, chacun se bouscule, avec les moyens qui lui sont propres pour arriver au sommet.

C’est sur cette toile de fond qu’il faudra analyser les nombreuses démissions qui affligent les mauves et la fronde Jeeah. Naguère, les fractures étaient idéologiques. En 1973, le premier schisme reposait sur la manière dont il fallait procéder pour arriver au pouvoir: le choix entre la voie électoraliste avec les concessions inévitables au ‘communalisme’ et l’insurrection populaire susceptible ‘comme une vague de tout balayer pour porter le MMM au pouvoir’. Dans les deux camps, des militants de toutes ethnies confondues.

L’idéologie alimentait encore une fois la grande crise de 1983. Bien qu’elle commençât à avoir une coloration ‘communaliste’. Quelles concessions faire au secteur privé surtout à l’industrie sucrière? C’était la grande question.

Paul Bérenger, alors ministre des Finances, sous le diktat de la Banque Mondiale et du Fond Monétaire International, avait inventé bien avant la lettre le ‘Stimulus Package’ en dopant ‘l’oligarchie sucrière’ d’une vulgaire enveloppe de Rs 57 millions!

En 1993, la rupture était d’ordre stratégique et l’hémorragie conséquente. Mais déjà, les mauves avaient perdu tous leurs repères. La chute du Mur de Berlin et la proclamation de la mort des idéologies par Francis Fukuyama privaient la gauche des références de son existence. Le MMM, comme les autres formations, se retrouva en plein désarroi et orphelin… tout en s’agrippant à quelques valeurs essentielles: l’unité nationale, la justice sociale, la méritocratie, entre autres.

Le MMM n’exigeait plus pour ses recrutements des diplômes de convictions idéologiques profondes. Il se contentait de quelques vagues attestations de gauche– ce qui ne le distinguait plus du Parti Travailliste et même du PMSD ! Avec lesquels, il avait contracté des alliances sur la base d’une représentation ethnique bien dosée avec des figures emblématiques.

L’objectivité contraint de préciser que le MMM n’a pas inventé le concept de ‘communalisme scientifique’. Le ‘Untold Stories’ de feu sir Satcam Boolell explique comment dès 1953, sir Seewoosagur Ramgoolam en fit un savant usage et ce, avec succès jusqu’en 76. En 1982, Paul Bérenger surpassa le maître en peaufinant cette arme redoutable selon le principe ‘diamonds cut diamonds’. Et depuis, le positionnement des candidats dans les vingt circonscriptions, la composition du Cabinet ministériel, les nominations ici et ailleurs n’ont fait qu’obéir à cette implacable logique et à cette subtile sociologie. C’est ce principe qui explique que Madun Dulloo a été accueilli à bras ouverts et que Raj Dayal, Dinesh Ramjuttun ont retrouvé grâce aux yeux de Paul Bérenger.

Des lors faut-il s’étonner que Pradeep Jeeah ait eu des ambitions premierministerielles ? Qu’il ait estimé que le ‘outsourcing’ n’avait pas sa raison d’être vu, qu’à l’interne, il possède ce qu’il faut pour nourrir cette ambition? Faut-il s’étonner de la démission de Leela Devi Alleear? Aussi bien de celles de Jayen Teeroovengadum et de Ravi Gunnoo?

C’est la lutte des places. Certains sont bien cotés, d’autres non et d’autres encore portent de lourds handicaps ou sont (ou seront) redondants en fonction de la représentativité au sein du MMM ou dans la perspectives d’éventuelles alliances.

C’est bien-sûr la faute au mur de Berlin. Comme la faute aux nombreuses alliances contractées (et à venir). Comme la faute aux nombreux échecs électoraux quand Paul Bérenger a été pressenti comme premierministrable avec l’exception de l’An 2000.

La disparition de l’idéologie a dilué celle du MMM dans le bourbier de l’ethnicité en faisant naître des vocations premierministerielles dans la caste qui fabrique de tels costumes.