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La lettre qui causa la volte-face du MMM sur le DPP

7 octobre 2013, 16:20

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L’Asset Recovery Act (ARA), une loi révolutionnaire, fut votée au Parlement qui permit, pour la première fois, au gouvernement de s’attaquer à la fortune que les marchands de la mort avaient amassée sur les centaines de cadavres d’enfants mauriciens. Proclamée en janvier 2012, cette loi permit aux autorités de saisir le bien des personnes jugées coupables de transactions illicites, de trafic de drogue et de blanchiment d’argent. Elle remplaçait l’ancienne Asset Recovery Commission qui, sous la Dangerous Drugs Act, ne réussit, en 10 ans, qu’à récolter le maigre magot de Rs 100 000 de drug money. Il fut agréé, en bonne entente politique au Parlement, que le bureau du Director of Public Prosecution (DPP) ferait office d’Enforcement Authority du nouveau cadre légal. Le DPP plaça son Senior Assistant, Me Rashid Ahmine, à la tête de l’Asset Recovery Unit, qui, à mars de cette année, se penchait sur 90 cas représentant plus de Rs 100 millions.



Pour permettre davantage de flexibilité au processus de saisie de biens des trafiquants de drogue, des amendements furent apportés à l’ARA à la fin de l’année dernière. Ils permirent à l’enforcement authority, sous l’égide du DPP :

 


1) de placer le ‘onus of proof’ sur le suspect qui doit désormais démontrer en cour que les biens saisis par les autorités compétentes n’ont pas été obtenus à travers des activités frauduleuses ou illégales.

 


2) d’avoir accès aux comptes des suspects au sein des institutions financières sans passer par un juge en chambre.

 


3) de confisquer ou de procéder à la saisie des biens mal acquis rétroactivement jusqu’à dix ans avant l’entrée en vigueur de la loi le 1er février 2012.

 


4) de récupérer ces biens même s’ils proviennent d’un cadre autre que la drogue, du moment que les biens ont été acquis par des infractions aux lois du pays ayant entraîné un terme d’emprisonnement dépassant 12 mois.

 


L’Attorney General avait expliqué que la rétroactivité de l’application de la loi était conforme à la convention des Nations unies contre la corruption et que des dispositions similaires existaient en Afrique du Sud, en Grande-Bretagne et en Nouvelle-Zélande. Il a aussi soutenu que «this does not, however, mean that the Enforcement Authority does not have to prove anything since it will still be for the Enforcement Authority to satisfy the court that a confiscation order is justified by a balance of probability». L’opposition resta solidaire du gouvernement pendant toute la démarche, Veda Baloomoody, Reza Uteem, Pravind Jugnauth et Nando Bodha ayant tous pris la parole et démontré leur soutien à l’ARA.

 


Le consensus entre le gouvernement et l’opposition sur cette législation n’a nullement surpris quand on se souvient du ravage de la drogue à Maurice. Ainsi, au Parlement, l’année dernière, le PM nous apprit que 5 400 personnes avaient été enregistrées dans le programme d’échange de seringues et qu’environ 2 000 personnes avaient été arrêtées en 2010 et 2011. De plus, des dizaines de nos compatriotes infectés du SIDA décèdent chaque année d’une mort atroce directement liée à la drogue. Dans un tel environnement, il n’est pas étonnant que les responsables politiques de tout bord ont laissé de côté leur chicane puérile pour s’unir, dans un élan patriotique, autour du même combat contre la drogue, thème fédérateur s’il en existe.

 


Paul Bérenger a rompu ce consensus il y a quelques jours. Il lui a pris deux ans pour réaliser que «le DPP est une institution clé qui doit être au-dessus de tout, ne pas être mêlé à aucune polémique ….Il ne lui revient pas de jouer l’Asset Recovery Commissioner, de récupérer l’argent des trafiquants. Il y aura inévitablement toute sorte de polémique et de conflits d’intérêts et par conséquent, des PQ et des PNQ. Le DPP pourrait se retrouver mêlé à des questions politiques…le rattachement de cette unité au DPP équivaut à l’institution d’une ICAC bis sans aucun contrôle et avec des pouvoirs illimités en ce qui concerne les enquêtes. Il suffirait qu’il y ait un doute pour qu’une enquête soit ouverte.» Conscient du zigzag, le leader mauve fit son mea culpa pour ne s’être pas rendu compte plus tôt du grand tort ainsi commis aux fonctions du DPP. Il se réserve maintenant le droit de porter cette loi qu’il soutenait hier encore jusqu’au Privy Council. Les références au PQ et PNQ n’auront pas échappé au lecteur qui y reconnaîtra les menaces très claires qui y sont enchevêtrées.

 


Paul Bérenger doit bien avoir réalisé les dommages collatéraux à sa crédibilité que lui ferait un virage à 180 degrés sur un sujet aussi important. Il n’aime pas beaucoup s’excuser non plus, et là il l’a fait. Qu’est-ce qui a pu le convaincre d’avaler une telle pilule ? Un indice et pas des moindres s’est faufilé à travers notre rédaction. Une lettre a atterri à l’express, la semaine dernière, qui donna lieu à un article publié dans nos colonnes sous le titre «Asset Recovery Act, une lettre au coeur de la volte-face du MMM», le 25 septembre. Cet article fut suivi, le lendemain, par une mise au point du DPP car, abusant de la confiance de notre journaliste, une source intéressée lui fit parvenir le fac-similé d’une lettre accompagnée de la grossière allégation que le DPP s’en était servi pour attaquer un homme d’affaires et sa famille qui auraient un litige au civil avec un client défendu par le cabinet d’avocat de l’épouse de Me Satyajit Boolell, le DPP. Le poison de l’informateur fut bien distillé car ses fausses et lâches accusations étaient enchevêtrées avec d’autres faits bien réels. Ainsi la lettre incriminée fut effectivement envoyée par l’Asset Recovery Unit du bureau du DPP à 96 institutions du pays sous la section 48 (Power to Require Customer Information) de l’ARA leur demandant de divulguer «all the assets of the persons and company» du suspect en question. Cette lettre a été disséminée parce que, comme le citait notre collègue, le DPP «has reasonable grounds for suspecting that any property in the possession, or under the control of the persons and company is proceeds, and that these persons have derived a benefit from an unlawful activity».
 


Ce qui frappe aussi dans le poison que cet imposteur distillait à notre journaliste c’est que, mélangées à ses canulars, plusieurs prises de position (parmi les moins farfelues) se retrouvaient simultanément aux lèvres du leader mauve. On pourrait en déduire qu’en sus de l’express, cet homme a dans le même temps induit le leader mauve en erreur. Ainsi, on a beaucoup entendu Paul Bérenger dire, ces derniers jours, que le DPP devient juge et partie ; que le terme «reasonable grounds for suspicion» peut vouloir tout dire ou ne rien dire du tout ;«qu’il y a possibilités de conflits d’intérêts» ; qu’il est dangereux de demander des informations financières confidentielles sans passer par un juge en chambre.

 



Or, au lieu du «fishing expedition » allégué par le dénonciateur du DPP, celui-ci a strictement utilisé les pouvoirs que l’ARA lui confère dans un cas où «time is of the essence». La dissémination de telles requêtes d’information est conforme à la loi. Le suspect en question avait été repéré par une institution responsable de rapporter des instances de blanchiment d’argent. L’institution en question aurait, selon la mise au point émise par l’ARA dans la presse, fait une risk factor analysis suite à laquelle, elle aurait décidé de passer l’information à l’ARA. Cette highly suspicious money laundering activity était caractérisée par un vaste mouvement de fonds de dimension internationale, certains fonds transitant par Maurice pour quelques heures seulement avant d’être acheminés vers les Seychelles.

 



Mais là où le bât blesse ceux qui osent encore parler de conflits d’intérêts du DPP, c’est que parmi ceux soupçonnés de money laundering activity est nul autre que l’éminence grise de la finance du MSM, l’homme qui est au saint des saints du Sun Trust. Un autre fait qui ne laissera pas le lecteur de marbre c’est qu’il compte parmi ses avocats, un certain Ivan Collendavelloo qui est connu pour détenir un pouvoir de persuasion non négligeable sur le leader mauve en matière légale. On préfère dès lors conclure que l’honorable Bérenger a été induit en erreur et manipulé par ceux qui ne méritaient pas sa confiance. Cela nous permettrait de garder l’espoir qu’il n’a pas agi consciemment ces derniers temps dans le seul but de protéger ses tristes alliés politiques.



jeanmeedesveaux.blogspot.com