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La dictature des faits

20 janvier 2013, 08:14

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Si la parole est d’argent, le silence est d’or, dit-on.

L’occasion de vérifier la pertinence de l’adage nous a été donnée durant la semaine écoulée.

En effet, celle-ci a été marquée par la rupture du mutisme de deux personnalités que l’on attendait au tournant. D’abord, Serge Petit, le patron d’Airports of Mauritius Ltd (AML), centre névralgique des activités commerciales de Nandanee Soornack. Ensuite, Navin Ramgoolam qui, contrairement à son habitude, s’était éloigné des micros et des caméras depuis des semaines.

Pendant ce temps, l’opposition, elle, n’a manqué aucune occasion de se taire. A tort ou à raison ?

Commençons par Petit. Son exercice de communication de jeudi, dont l’objectif était de « faire la lumière sur l’allocation des contrats aux commerces se trouvant à l’aéroport », a été une catastrophe (voir page 13). Digne de fi gurer dans les manuels de relations publiques au chapitre « A ne surtout pas faire ». Le patron d’AML ressort de l’exercice diminué. Car ceux qui l’ont écouté ou lu se posent désormais la question suivante : s’il ne savait pas que Nandanee Soornack est en affaire avec AML, qu’y a-t-il d’autre qu’il ignore sur l’institution dont il a la charge ?

Plus fondamentalement, Petit se retrouve dans une situation inextricable. Car une partie de l’opinion publique pense qu’il a sciemment omis de dire la vérité (sur ordre ?) afin de protéger les intérêts d’affaires de Soornack. Tandis que l’autre met désormais en doute la compétence du CEO d’AML ainsi que celle des personnes censées le conseiller. Car les éléments factuels que Petit a omis de reconnaître dans un premier temps avaient été publiés dans la presse – notamment dans l’express dimanche – depuis fi n décembre. Mesurant la gravité de la bourde, le CEO d’AML s’est dit prêt à assumer ses responsabilités tandis que le président de l’organisme, Pazhany Rengasamy, le désavouait publiquement à la radio.

Vraisemblablement, Navin Ramgoolam n’est pas sur la même longueur d’onde que Rengasamy sur la question. Car pour le Premier ministre, Petit « gayn drwa fer enn ti erer ». Doit-on donc conclure qu’il cautionne l’incompétence (petite ou grande) à la tête des institutions publiques ? Petit n’était toutefois qu’un obiter dictum dans la première prise de parole publique de Ramgoolam de 2013. L’essentiel de sa déclaration étant consacrée à son meilleur ennemi : la presse.

A bien y voir, il est inutile de s’offusquer du langage guerrier du Premier ministre envers la presse. Certes il a fait, ce vendredi, une petite variation sur le thème en expliquant qu’il s’apprête à livrer bataille contre la « dictature des médias qui cherchent à gouverner le pays » et faire plier la justice. Mais tout cela est anecdotique et relève d’une posture. Car Ramgoolam a choisi de ne pas répondre à la question de fond.

S’il ne l’a pas fait, c’est sans doute aussi parce que les journalistes présents à la sortie de la réunion de l’exécutif du Parti travailliste de vendredi ont évité le sujet qui fâche. Deux questions méritaient, en effet, d’être posées au Premier ministre. D’une part : « Quelle est la nature de vos relations avec l’agent travailliste Nandanee Soornack ? » et d’autre part : « Avez-vous personnellement, ou un membre de votre gouvernement a-t-il favorisé directement ou indirectement ses affaires depuis 2005 ? » Ces questions claires, posées sans détour, auraient eu le mérite de permettre au Premier ministre de répondre aux interrogations de nombreux citoyens sans recourir à un laïus sur une prétendue dictature des médias. Ces questions finiront par lui être posées.

L’express dimanche s’en chargera.

Ce dont nous nous chargerons également, c’est de ne pas sombrer dans la complaisance envers l’opposition.

Car même si elle veut en ce moment se draper d’un voile de probité, l’opposition n’a – dans certains domaines – aucune leçon à donner au gouvernement ou à son chef.

Ainsi, toute la lumière n’a pas encore été faite sur le dossier du bois de rose ou sur le rachat par l’Etat de la clinique Medpoint. De même, ceux qui pointent du, doigt la proximité de Rakesh Gooljaury avec le pouvoir omettent de dire que le même homme d’affaires les fréquentait assidûment dans le passé. Pis, quelques vertueux autoproclamés pointent un doigt accusateur quand ils n’ont, eux-mêmes, nullement rechigné à faire obtenir des avantages indus à des personnes proches de leur coeur alors qu’ils étaient au pouvoir.

Il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais de dictature des médias dans notre république. Il est toutefois souhaitable qu’on instaure une dictature des faits. Si ce régime est instauré, le bluff du gouvernement comme de l’opposition volera en éclat. Encore faut-il que les citoyens, tous les citoyens, soient favorables à la mise en place de ce régime.