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La chasse est infructueuse

29 septembre 2013, 05:17

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La lutte contre la corruption ne donne toujours aucun résultat tangible. Pour les corrupteurs et les corrompus, le risque demeure minime, à Maurice, qu’ils se retrouvent un jour derrière les barreaux. Cette situation peut être imputée aux défaillances des institutions concernées ou aux lacunes de la Prevention of Corruption Act (Poca).

 

Cette semaine, la justice a encore attiré l’attention des législateurs sur les faiblesses de la loi anti-corruption. Mais on n’a enregistré aucune réaction des élus nationaux jusqu’ici. Pourtant, la corruption, et la dilapidation des biens nationaux qu’elle entraîne, constituent des enjeux sérieux pour le pays.

 

Le jugement rendu par la Cour intermédiaire, mercredi, dans l’affaire Boskalis, mérite une lecture attentive. La compagnie néerlandaise, reconnue coupable de corruption, s’en sort avec deux amendes de Rs 10 000 chacune. La magistrate explique que la loi actuelle ne permet pas d’infliger une peine de prison à une compagnie. La servitude pénale n’est applicable qu’aux individus. «In view of the impossibility to apply the sentence provided by section 5 of the Poca to corporate bodies, the legislator may consider taking legislative action so that there is no more the perception that corrupt corporate bodies can get away scot-free in Mauritius », suggère la magistrate.

 

Voilà une affaire mise au jour par des journalistes d’investigation depuis 2006 et qui, grâce aux documents incriminants publiés dans la presse, a pu aboutir à un procès. Mais les résultats sont maigres. Les premières sanctions qui tombent sont décevantes. Même si on doit saluer la décision du directeur des poursuites publiques de contester le jugement. Le DPP et la justice ne peuvent, pour autant, arriver à des résultats concrets dans l’état actuel de nos lois. Le cadre législatif ne donne pas aux juges les moyens de sanctionner plus sévèrement le délit de corruption.

 

Le directeur général de l’Independent Commission against Corruption (Icac), Anil Kumar Ujoodha, reconnaît également les limites de la loi anti-corruption. On l’a entendu sur les ondes de Radio Plus réclamer une plus grande marge de manoeuvre pour combattre la corruption. Visiblement, il se sent bridé par la loi en vigueur. Par exemple, il n’a pas les moyens légaux d’agir contre des fonctionnaires véreux qui étalent de manière ostentatoire leurs biens mal acquis.

 

Un enrichissement qui ne peut être justifié par des revenus légitimes n’est pas constitutif d’un délit à Maurice. L’Icac ne peut pas initier une enquête sur un décisionnaire public qui mène un train de vie princier et qui possède des voitures prestigieuses et des villas luxueuses. Il faut absolument que la commission anti-corruption puisse établir que des potsde- vin ont été payés pour pouvoir obtenir une condamnation. Il est temps d’inverser la charge de la preuve. C’est au délinquant présumé d’expliquer la provenance de ses revenus et non aux enquêteurs de prouver l’acte de corruption. La loi est du mauvais côté.

 

Les législateurs ont parfois de bonnes intentions, sans plus. Il n’y a pas longtemps, ils évoquaient la possibilité d’amender la loi pour imposer à l’ensemble des hauts fonctionnaires la déclaration de leurs avoirs. On attend toujours la suite. Le problème, c’est que les gouvernants sont un peu lents à passer aux actes.