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L’exception

23 janvier 2011, 04:16

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C''est le monde à l’envers. Un avocat qui dénonce celui qu’il défend. C’est ce qu’a choisi de faire un juriste quand son client lui a expliqué vouloir remettre, par son entremise, Rs 200 000 à des offi ciers de police. Afi• de se dépêtrer d’une affaire d’escroquerie dont il est l’unique suspect.

Le cas de fi gure est exceptionnel. Surtout quand on sait que certains hommes de loi traînent la réputation inverse. Ils passent, en effet, pour être des experts en combines diverses et variées – certaines louches, d’autres carrément illégales – afi• de sortir leur client d’affaire… ou de rendre leur séjour en prison plus agréable.

Cette semaine, toutefois, c’est un avocat très attaché à certains principes qui s’est illustré. Mais si l’on se réfère au code de déontologie des juristes de Maurice, la justesse de l’action du dénonciateur peut être remise en question. Le paragraphe du code consacré à la confi dentialité des échanges entre le client et son avocat semble clair : « It is of the essence of a barrister’s function that he should be told by his client things which the client would not tell to others, and that he shall be the recipient of other  information on a basis of confi dence.

Without the certainty of confi dentiality, there cannot be trust. Confidentiality is, therefore, a primary and fundamental right and duty of the barrister. » L’affaire se corse… D’autres avocats, c’est le cas de Kishore Pertab sur Radio One, vendredi matin, ont toutefois argué que le principe de confidentialité souffre de quelques exceptions. Notamment quand le respect de ce principe conduit celui qui le fait à se rendre complice, voire coupable, d’un délit. Il est évident qu’en acceptant les instructions de son client, cet avocat se serait rendu complice d’un délit de corruption. Ce dernier a du coup obéi à des considérations éthiques et légales dépassant les cadres stricts de sa déontologie professionnelle. On ne peut donc que l’en féliciter.

Mais d’autres questions liées directement ou indirectement à l’affaire s’imposent. Revenons donc aux Rs 200 000. Selon les dires de l’avocat, cet argent aurait été destiné à des policiers qui se seraient chargés d’amener le graphologue de la police à écrire un rapport favorable au présumé escroc. Pourquoi cette personne prendrait sur elle pour proposer cette importante somme d’argent ? Avait- elle donc des raisons de croire que les policiers chargés de l’enquête sont corruptibles ? Connaît- elle, par exemple, des personnes qui se sont tirées d’affaire en adoptant la même stratégie ? Plus prosaïquement, il nous faut revenir sur l’aspect exceptionnel de l’action de cet avocat.

Les chroniques judiciaires ont été marquées durant les dernières années par des juristes emprisonnés ou poursuivis pour fabrication de faux alibi, trafi c de drogue ou utilisation d’armes à feu, etc. La presse a également fait état de ces ripoux vendant l’honneur de leur uniforme pour Rs 200. On peut donc légitimement s’interroger sur cette affaire.

Est- elle exceptionnelle dans le sens où c’est l’une des rares fois où un prévenu a demandé à son avocat de soudoyer la police ? Ou alors, est- elle inhabituelle… parce que d’ordinaire, les avocats qui reçoivent ce genre d’instructions n’en disent rien ? Nous voudrions bien opter pour le bénéfi ce du doute. Mais nous ne le ferons pas. Parce qu’il y a décidemment trop d’enquêtes policières bâclées qui s’écroulent devant nos tribunaux.

A la suite d’un vice de procédure, comme savamment planté lors de l’enquête. Et il y a aussi ce constat d’un ténor du barreau à l’effet que « n’importe qui » devient homme de loi de nos jours. Que conclure donc ? Que la corruption n’est certes pas la règle parmi les juristes ! Mais que certains juristes gagneraient peut- être à suivre l’exemple de leur confrère qui s’est illustré cette semaine…

Rabin BHUJUN