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L’éloge de la folie

22 janvier 2012, 05:56

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Didier Chabaud ne doit pas seulement dire qu’il a « honte » et qu’il présente ses « plus plates excuses » après son coup de folie de mardi dernier. Il doit aussi dire merci de s’en être sorti sans côtes ni bras cassés… voire pire.

Nous connaissons tous la propension des Mauriciens à « l’action » dans certaines circonstances. Quelques-uns s’improvisent, par exemple, sapeurs-pompiers en extirpant les accidentés de la route des voitures dont ils sont prisonniers en dépit de toutes les règles de sécurité du secourisme. D’autres préfèrent s’improviser juges, jury et bourreaux en bordure de route.

Qui ne connaît pas, en effet, l’interjection très couleur locale « batt sofer la » ? Que l’on entend presque invariablement à chaque fois qu’un conducteur commet l’erreur de percuter un piéton. Le fait que ce dernier soit en tort ne change d’habitude rien à la suite des événements. Dépendant de la vitesse d’intervention des policiers et de la présence ou pas sur les lieux de l’accident de quelques pacificateurs… le conducteur se fait peu ou prou lyncher avant d’être conduit au poste de police.

Or, ce mardi, à la suite de ses 800 mètres de slalom sur la plage de Mon Choisy au volant de sa décapotable, Didier Chabaud ne s’en est sorti qu’avec quelques ecchymoses, des centaines de «zoure mama » hurlées à son oreille, ainsi qu’une voiture nécessitant sans doute une petite centaine de milliers de roupies de réparation de carrosserie. Ce n’est pas cher payé. Infiniment moins cher, en tout cas, que la vie de l’enfant dont le conducteur ivre s’est proposé d’estimer le prix.

Chabaud doit aussi dire merci à la police. Nos forces de l’ordre ont en effet parfois le don d’agir avec une célérité admirable. Cela a d’ailleurs été le cas, ce mardi après-midi.  Intervention éclair. Prévention du lynchage du chauffard par une foule remontée. Remorquage express de la décapotable par les bons soins de la police. Les forces de l’ordre ont réussi à  compléter toutes ces étapes avec une totale maestria. Elles ont été tellement efficaces qu’elles ont même laissé Chabaud repartir tranquillement chez lui à la suite d’un court passage au poste de police de Pointe-aux-Canonniers.

L’incompréhension autour de la manière de procéder de la police a été tellement grande que le Directeur des poursuites publiques, lui-même, a jugé utile de réclamer des comptes à celle-ci. L’enquête que Satyajit Boolell demande aux policiers devra déterminer les circonstances exactes de la présence de la voiture de Chabaud sur la plage publique et permettre de conclure si l’accusation de conduite en état d’ivresse n’aurait pas dû être complétée par une charge de conduite dangereuse et de mise en danger de la vie d’autrui.

En attendant la conclusion de l’enquête, chacun se fait sa petite idée sur ce qui a pu amener les policiers à offrir un traitement aussi conciliant au propriétaire des maisons de jeux Ti- Vegas. Ainsi, d’aucuns ne manquent pas de remarquer que la police peut parfois faire preuve d’une étonnante capacité de révérence envers ceux qui manifestent d’évidents signes de richesse ou de puissance. Il y a par exemple, fort à parier qu’en demandant autour de vous, vous tomberez sur le  témoignage de quelqu’un qui vous racontera qu’il a déjà vu un policier en faction ne pas dresser un procès verbal à un conducteur. Dont la grosse berline allemande était pourtant garée à quelques mètres de lui sur une double ligne jaune. D’autres, nous en connaissons, vous raconteront la fois où ils ont été pris en excès de vitesse quelque part sur l’autoroute. Tout en s’empressant de vous préciser qu’ils étaient précédés sur la voie rapide par une grosse berline roulant plus vite, mais dont le conducteur, lui, n’a pas été le  moindrement inquiété.

Oui, Didier Chabaud a raison de l’aimer, son île d’adoption…