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Halte à l’ingérence

12 avril 2009, 16:16

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Dans le litige opposant « Mauritius Telecom » (MT) et ses deux employés licenciés, perce l’espoir d’une nouvelle culture. Voilà un incident qui nous autorise à espérer que nos compagnies nationales peuvent être purgées de ce mal qui les a trop longtemps rongées : l’ingérence ministérielle abusive dans la gestion du personnel. Voilà un « board » d’une compagnie à actionnariat d’Etat qui, jaloux de ses prérogatives, fait comprendre au gouvernement que celui-ci ne peut pas orienter ses choix managériaux. On a rarement vu telle audace.

Il n’est pas question ici de chercher à savoir qui des licenciés ou de MT a raison dans le conflit. Nous ne sommes pas en mesure de juger si le licenciement est juste ou pas. MT estime qu’un employé qui s’appuie sur un tract dont il ne connaît ni la provenance, ni le bien-fondé pour décrier publiquement la gestion de la compagnie, ne peut être animé que par des sentiments nuisibles à celle-ci. Elle estime que la continuation du travail de cet employé risque d’avoir des dommages pour la compagnie. Elle n’a pas tort. L’employé, lui, estime que la loi lui reconnaît le droit d’entrer une action contre son employeur s’il le soupçonne d’irrégularités. Il n’a pas tort non plus. Mais quel rôle doit avoir, dans ce conflit, le gouvernement ?

Le gouvernement a un rôle bien précis au sein des compagnies dites d’Etat. Il influence les « policy decisions », en tenant compte des intérêts plus larges de l’Etat; il oriente les stratégies. Il ne se mêle pas de questions proprement opérationnelles. L’incident qui occupe depuis huit mois l’attention publique et qui est devenu affaire d’Etat, en est une. Face aux litiges de ce type, le devoir du gouvernement devrait être uniquement de s’assurer que les institutions créées pour les arbitrer soient actionnées. Il l’a fait, par l’intermédiaire du ministre Chaumière. Jusqu’à ce que le cabinet cède à la tentation de se substituer à ces institutions.

Les cadres pour régler ces conflits, nous avons la chance d’en avoir d’efficaces. Selon la loi, si l’employé juge la mesure injuste, il a recours au ministère du Travail qui nomme une commission de réconciliation, laquelle émet des « proposals for settlement ». Le propre de la « proposition » étant de laisser une marge de liberté de choix aux parties concernées, si une entente n’est pas trouvée, l’employé peut, avec l’accord de l’employeur avoir recours à un tribunal d’arbitrage qui a force légale. Le processus est clair. Mais le cabinet l’a brouillé en s’interposant après la commission de réconciliation et en imposant à MT de « réintégrer sans conditions » ces employés.

 Dans le malaise du ministre et ses déclarations contradictoires, on a bien senti que ce n’était pas là la bonne méthode. Il a semblé partagé entre ce qu’il sait devoir être fait et une pression qu’il subissait certainement de la part de ses collègues. Il affirmait tantôt au Parlement que sa responsabilité se limitait à mettre en place la commission de conciliation et qu’il ne pouvait « impose on the board ». Tantôt, il annonçait des « directives » du cabinet à être transmises au « board » de MT. Ce n’est pas sain, pour la gestion de nos compagnies, de discréditer ainsi leur direction. Il est clair que l’affaire est assez complexe pour justifier un arbitrage légal. Et assez délicate pour ne pas laisser les intérêts politiques et sectaires qui animent les députés et ministres, sanctionner le conflit.

Le plus agaçant, c’est que c’est précisément cette ingérence qui a différé la solution au conflit. Depuis longtemps, le problème aurait été réglé si les licenciés avaient une certaine disposition à accepter une des options proposées. Elles ont été nombreuses. Mais les deux licenciés sont toujours restés dans l’expectative d’un rappel à l’ordre du « board » par le gouvernement. Ils ont toujours estimé que le gouvernement les sauverait et n’ont donc jamais vraiment analysé les choix qui leur étaient donnés. Que le gouvernement ait la possibilité de changer toute la donne a faussé le fonctionnement des institutions.

La rigueur de MT tout le long de ce conflit mérite d’être saluée, que sa décision de licencier ces employés ait été juste ou pas. Nous devons souhaiter qu’elle adopte cette fermeté envers des ingérences de tout autre type venant de l’Etat, mais aussi que cette attitude inspire les autres compagnies d’Etat en souffrance actuellement, notamment « Air Mauritius ». Bien sûr, un tel comportement ne suffira pas pour les redresser – chacun connaît la vraie raison de la forte profitabilité de MT, ce quasi monopole dans lequel elle opère et qui nous prive de tarifs de connexion raisonnables. Il reste qu’une condition certaine de bonne gestion, ce sont des professionnels qui ne se laissent pas dicter leurs actions.

Ariane Cavalot-De L''Estrac