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Décès du cardiologue soûlard

9 août 2013, 01:18

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Décès du cardiologue soûlard

Progressif et mortel. Ces quelques mots résument la souffrance, l’angoisse, le désespoir et le profond chagrin que vivent des milliers et des milliers de Mauriciens en ce moment en raison de l’alcoolo-dépendance développée par leurs proches.

 

Il est aujourd’hui courant d’entendre parler de l’hospitalisation, de l’internement obligatoire à l’hôpital psychiatrique ou du décès d’un proche, d’un ami ou d’un collègue ou des voisins qui n’ont pas pu maîtriser leur consommation d’alcool.

 

Les volontaires qui tendent la main à ces êtres humains rejetés, humiliés et méprisés vous diront que la situation a empiré ces derniers temps. Ils se retrouvent avec de plus en plus de jeunes et de femmes alcooliques. Les rechutes touchent aujourd’hui environ 50 % de ces êtres fragilisés que des volontaires réhabilitent avec patience et abnégation.

 

Ainsi, les récentes statistiques sur la baisse de la consommation d’alcool à Maurice, et que les propagandistes du pouvoir à la télévision d’Etat (MBC) ont vite reprises, sont trompeuses et insuffisamment claires. Cette baisse n’est-elle pas imputable à la baisse de la consommation dans nos hôtels et restaurants par la clientèle étrangère frappée par la récession ? On ne le saura jamais.

 

Mais ce que l’on sait, ce que les volontaires des ONG sur le terrain savent, fait peur. La situation a empiré avec de plus en plus de décès d’alcooliques qui n’ont pas su freiner la progression de leur consommation excessive d’alcool.

 

Le gouvernement, il est vrai, a fait énormément en termes de législation sur la vente de l’alcool, de la publicité et du sponsorship par les producteurs ou importateurs de boissons alcoolisées.

 

Mais l’Etat n’a jusqu’ici rien fait pour une prise en charge psychologique de ces innombrables Mauriciens, jeunes ou vieux, riches ou pauvres, chômeurs ou médecins qui peuvent plus maîtriser leur consommation d’alcool, principalement ce rhum bon marché qui tue lentement, mais surement.

 

Il est vrai que chaque hôpital du pays dispose aujourd’hui d’une unité pour les alcooliques. Il est vrai que plus de la moitié des malades traités en ce moment à Brown Séquard sont des alcooliques.

 

Mais il est aussi vrai que les cures de désintoxication seules n’ont jamais vraiment donné des résultats sans un long suivi et accompagnement psychologiques de ces êtres qui ont perdu tout repère, toute capacité à gérer seuls leur stress, leur angoisse, leur désarroi, leur culpabilité, leur désespoir.

 

Ceux qui arrivent à s’en sortir, qui sont sobres depuis des années, comme Hansha, du centre des Alcooliques Anonymes de Curepipe, vous diront qu’ils ne peuvent pas regarder les bouteilles d’alcool. Qu’ils ne peuvent pas sentir les effluves d’alcool. Qu’ils ne peuvent pas aller à une fête, une célébration ou un mariage où l’on sert de l’alcool. Car dans de telles circonstances, l’irrépressible envie d’en consommer s’empare de leur âme et ils rechutent.

 

Pas étonnant donc de constater que plus de la moitié de ceux qui ont été «guéris» retombent, certains après plusieurs années, dans les affres de l’alcool.

 

Ce qui nous amène au cardiologue français Olivier Ameisen, auteur de livre «Le dernier verre» et qui est mort le mois dernier à Paris d’une crise cardiaque.

 

Tombé dans l’alcoolisme, il dit avoir été guéri de l’envie irrépressible envie de boire en s’auto-administrant des doses élevées de baclofène, un relaxant musculaire commercialisé depuis 1974.

 

Cet alcoolique affirmait, avant sa mort, que sa forte consommation de baclofène lui a permis de devenir indifférent à l’alcool au point où il se rendait régulièrement dans des bars pour ne consommer que de l’eau aux côtés des grands buveurs. Il a mené une longue croisade pour l’utilisation du baclofène par les alcooliques.

 

Quelques semaines avant sa mort, l’agence du médicament (ANSM) de France a accordé au baclofène une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) pour le traitement de l’alcoolo-dépendance.

 

L’année dernière, la revue Alcohol and Alcoholism d’Oxford Journals (http://alcalc.oxfordjournals.org/) évoquait un taux de succès de 58 % - arrêt complet de la consommation d’alcool – chez les alcoolo-dépendants traités avec du baclofène.

 

Reste à savoir si le ministère de la Santé acceptera d’emboîter le pas à la France en ce qui concerne l’utilisation du baclofène, considérée comme "une avancée thérapeutique majeure" avec des résultats observés sur le terrain et qualifiés de "totalement enthousiasmants".

 

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