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Délits d’opinion

26 mai 2010, 07:55

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Navin Ramgoolam prend une direction néfaste et dangereuse pour le pays. Il veut restreindre la liberté d’expression, il cherche à imposer un délit d’opinion et veut faire taire toute critique contre son parti et son gouvernement.

La campagne que mène le leader du Parti travailliste contre les journaux du groupe La Sentinelle a été provoquée par la publication d’informations et de commentaires critiques de «l’express» sur sa gouvernance et sur des institutions parapubliques tombant sous son autorité. Elle n’est pas motivée par un soi-disant parti pris de «l’express» durant la récente campagne électorale. Elle a débuté il y a quatre ans ; elle est menée systématiquement ; elle vise à terme l’asphyxie des journaux du groupe.

La première attaque a été déclenchée en 2006 à travers «Mauritius Telecom». Mécontent d’une critique du journaliste Ryan Coopamah contre un nouveau service de cette compagnie, celle-ci décrète le boycott publicitaire de «l’express». Invitée à s’expliquer, elle a toujours fait savoir qu’elle avait reçu des ordres «d’en haut». D’autres articles sur les démêlés de la direction avec des syndicalistes ont enragé ces messieurs. «l’express» est toujours boycotté, cela n’a rien à voir avec les élections.

La deuxième attaque s’est manifestée également en 2006, à la suite d’une série d’articles sur les querelles à la direction d’«Air Mauritius». Ramgoolam ordonne un nouveau boycott de «l’express». Il fait interdire la lecture du journal aux passagers de la compagnie nationale d’aviation. Il se cache derrière le directeur général de la compagnie et fait porter le chapeau à Nirvan Veerasamy.Tous ceux, à «Air Mauritius», qui ont tenté de mettre fin à ce boycott ridicule ont dû céder devant l’intransigeance de Ramgoolam. Le boycott par «Air Mauritius», qui dure depuis quatre ans, n’a rien à voir non plus avec la politique partisane. Le MMM n’est en rien concerné. Ramgoolam veut faire taire toute critique, c’est tout. Et c’est très grave.

De même, ce sont des critiques de «l’express», les éditoriaux signés de Raj Meetarbhan, des informations embarrassantes pour le régime qui poussent Ramgoolam à ordonner un troisième boycott de «l’express» toujours en 2006. C’est lui, pris d’une violente colère, qui donne l’ordre personnellement aux «Government Information Services» de ne plus diriger la publicité gouvernementale vers les publications du groupe. Il croit sans doute pouvoir ainsi obtenir la tête de Meetarbhan qui est sa bête noire. Pendant des mois, Ramgoolam mène campagne contre le rédacteur en chef de «l’express» sur les estrades publiques. Mais pendant la campagne électorale, il change de cible et évite alors de faire d’un Meetarbhan l’allié de Bérenger. Brandir un tandem Bérenger-de l’Estrac est plus parlant à l’électorat travailliste.

Ces faits démontrent bien que la vindicte de Ramgoolam contre «l’express» est bien antérieure à la présente campagne électorale. La mesure dictatoriale à l’encontre des fonctionnaires, lecteurs de «l’express», n’est qu’une amplification de la répression qui sévit depuis quatre ans. Hier, les passagers d’«Air Mauritius» ; aujourd’hui les fonctionnaires ; et demain ? Lui pourtant, dimanche avant 10 heures, avait bien lu «l’express»…

Et quant à la campagne électorale elle-même, La Sentinelle ne peut que se féliciter du travail de ses journalistes. Les lecteurs ont été tenus au courant des activités de tous les partis, de toutes les phases de la campagne ; les journalistes, libres et indépendants, comme toujours, ont fait leur
boulot, recherchant l’information, l’analysant, assumant la responsabilité publique de leurs écrits, sous la houlette de rédacteurs en chef de qualité, les Raj Meetarbhan, Darlmah Naeck, Rabin Bhujun, Gilbert Ahnee, Touria Prayag ; ils méritent l’appréciation des lecteurs.

Ramgoolam - qui a eu la peur de sa vie - leur fait le grand reproche d’avoir dit que les résultats seraient «serrés». Mais les journalistes ont eu raison !L’Alliance de l’avenir a obtenu les suffrages de cinq électeurs sur dix, l’Alliance du coeur, de quatre. Les trois partis coalisés font 50 % des suffrages. Je ne vois pas en quoi Ramgoolam peut se glorifier d’une large victoire, en quoi les journalistes se sont trompés, ou pis encore ont «manipulé» l’information.

Mais tout ça est derrière nous. Pour les citoyens, une question se pose : allons-nous préserver l’une de nos plus belles conquêtes, la liberté d’expression, fondement de la démocratie ? J’affirme qu’elle est menacée.

Nous, nous allons nous battre. Tant qu’il y aura des juges. L’heure des braves a sonné, les autres peuvent se coucher.