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Chota Bhai

12 février 2012, 04:22

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Il ne serait pas permis d’en douter. Le Grand frère adore son Chota Bhai (petit frère). Cette semaine, l’Inde l’a prouvé une nouvelle fois en accueillant avec faste le Premier ministre de Maurice. Autoroutes dégagées, scènes de liesse populaire dans des villages, parades  militaires, signatures d’accords, banquets d’Etat ainsi qu’une très généreuse couverture médiatique. Le sentiment de fraternité rebattu entre les deux pays suffi t-il toutefois à expliquer pourquoi l’Inde accorde une telle importance à son minuscule voisin ?

Si par la lorgnette locale, les échanges commerciaux Inde/Maurice paraissent énormes, ils méritent néanmoins d’être relativisés. La facture de nos importations de l’Inde s’est élevée à presque Rs 25,5 milliards durant les neuf premiers mois de 2011. Faisant du pays de  Manmohan Singh le premier fournisseur de Maurice, loin devant la Chine. Sur chaque Rs 100 d’importations mauriciennes, l’Inde s’est ainsi taillé une part de Rs 24. Mais cela demeure quantité négligeable. Le marché mauricien ne consomme qu’environ 0,01 % des exportations indiennes.

L’analyse inverse révèle une réalité tout aussi cruelle. Maurice a exporté l’équivalent de Rs 40,7 milliards durant les trois premiers trimestres de 2011. Or, seul 0,4 % (soit Rs 166 millions) de la production Made In Mauritius a trouvé son chemin vers l’Inde durant cette période. On est loin du potentiel d’exportation de Rs 1 milliard. C’est ce qui avait été promis, il y a un peu plus de cinq ans, lors de la conclusion d’un Comprehensive Economic Cooperation and Partnership Agreement permettant à Maurice d’exporter, hors taxes, jusqu’à un million de pièces de textile – habillement, 50 000 litres de rhum et 15 000 tonnes de sucres spéciaux vers l’Inde.

Qu’importe. Il reste les flux financiers! Une analyse sommaire des chiffres de  l’investissement direct étranger entre les deux pays démontre encore une fois, un déséquilibre criant. En dehors de milliards transitant par nos offshore management companies, seuls quelques petits millions font directement le va-et-vient entre les deux pays. Selon la Banque de Maurice, des entreprises locales ont injecté Rs 465 millions en Inde en 2011. Tandis que les Indiens, eux, n’ont directement investi que … Rs 99 millions sur le sol mauricien !

On s’interroge donc. Peut-on vraiment dire que le partenariat économique Inde/Maurice se déroule selon une formule « win-win » ? Peut-être pas. La chaleur de l’Inde à l’égard de Maurice n’est-elle fi nalement pas motivée par le fait que nous ne serions qu’un Chota Bhai ? Cela se pourrait. C’est ce qui expliquerait d’ailleurs pourquoi l’Inde rechigne à modifier drastiquement le traité de non double imposition liant les deux pays malgré de forts lobbies indiens et singapouriens. Mais pourquoi l’Inde, superpuissance économique en devenir, doit-elle ménager son petit frère ?


D’abord pour le pied-à-terre que nous lui offrons. L’Inde accuse un retard considérable dans sa stratégie d’implantation en Afrique. Pendant que la Chine multiplie les zones économiques sur le continent et prépare l’invasion du Made in China sur ce marché insuffisamment exploité, l’Inde piétine. Durant ce temps, Maurice continue à offrir à son voisin la possibilité d’exploiter conjointement les centaines de milliers d’hectares de concessions qu’elle a obtenues au Mozambique depuis plus d’une décennie. Tout comme nous continuons à permettre à notre partenaire d’utiliser les accords commerciaux et douaniers dont Maurice dispose à travers la Comesa et la SADC pour transformer l’île en base avancée de la production indienne à destination de l’Afrique.


Ensuite, Maurice offre à l’Inde une position stratégique inégalée. Les eaux territoriales nationales autour de Maurice, Rodrigues, Saint-Brandon et Agalega constituent un énorme terrain d’action à une marine indienne en mal de point d’ancrage dans l’océan Indien. En effet, la Chine a désormais son pied-à-terre seychellois, la France compte sur La Réunion, tandis que le couple américano-britannique dispose de Diego Garcia comme point de rayonnement. Ce qui ne laisse à l’Inde que très peu de possibilités pour assurer une présence dissuasive autour de sa marine marchande. Et conduire tous les relevés  bathymétriques nécessaires aux manoeuvres de ses sous-marins nucléaires Arihant dans la zone.


Le Chota Bhai de l’Inde n’en est finalement pas un. Il convient désormais de s’en souvenir dans nos relations avec les Indiens. Un mot doit suffire à les qualifier à l’avenir : décomplexées.