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Boodhoo: le phénix ou le cygne?

28 avril 2009, 16:57

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L’homme de Belle-Terre joue une délicate partie de poker. Ou de roulette russe. Au bout de son opération, soit il renaît de ses cendres comme le phénix. Soit ce sera son chant du cygne. Après son passage en cour le lundi 27 avril, c’est un peu le phénix qui l’emporte sur le cygne.

Dans les deux cas, à valeur du jour, le moins qu’on puisse dire, c’est que Harish Boodhoo aura réussi un come-back fracassant sous les projecteurs de l’avant-scène politique. Et ce, selon un scénario savamment écrit en trois actes dramatiques ‘packed with emotions and suspense’ comme dirait l’Anglais.

Une dramaturgie en trois actes

Tout d’abord, il a repris le flambeau de l’Association des victimes de la vente à la barre pour redevenir le porte-parole de ces victimes. Ensuite, il a mené une action de désobéissance civile (manifestation illégale devant la Cour Suprême) pour provoquer volontairement son arrestation. Et enfin, il a entamé une grève de la faim en prison au risque d’une sérieuse dégradation de son état de santé, après avoir refusé de payer ou de se laisser payer sa caution. Ce qui est une manière de prolonger la lutte alors que la cause est déjà entendue et que les grévistes– sauf un– sont rentrés chez eux.

A ce stade, l’on n’est plus dans le domaine de la revendication, mais dans celui de l’action politique.

L’on ne peut nier à l’homme de Belle-Terre le souci de reprendre la lutte pour les victimes de Sale by Levy. Encore moins peut-on contester la sincérité de sa démarche. Plusieurs ont été dépouillés de leurs biens par une mafia que l’on voudrait voir sanctionnée par la justice. Plusieurs ont cru, à tort, que les cents millions budgétés allaient éponger leurs dettes. Ils se trouvent ainsi totalement largués aujourd’hui et laissés pour compte sans aucun espoir de s’en sortir. Et ils ont trouvé en Harish Boodhoo un homme providentiel. Comme celui-ci a trouvé une cause pour revenir après une longue hibernation.

Comme l’on ne peut nier aussi à Bhye Harish quelques arrière-pensées. C’est le regretté sir Harold Walter qui disait souvent ‘Old soldiers never die’. Sir Gaëtan Duval disait, lui, qu’on n’enterre jamais un politicien. Harish Boodhoo est une combinaison des deux: un soldat et un politicien. Une double raison pour ne pas l’éliminer de la scène politique.

Donc le revoilà de nouveau, à l’avant-scène, pour ravir l’actualité en éclipsant en moins d’une semaine les grands ténors, avec sa photo en ‘une’ de tous les journaux et se retrouvant rapidement au cœur même du jeu politique.

Dr. Jekyll et Mr. Hyde

Pour n’importe quelle retraite politique– même affligé d’un problème cardiaque– la tentation est grande de profiter de la situation. D’autant que l’itinéraire de Harish Bodhoo a été jusqu’ici en dents de scie. Parce qu’il y a en cet homme du Jekyll et du Hyde.

Ses détracteurs– et ils sont nombreux– évoquent, alors qu’il était vice-Premier ministre, ses prétendues activités de jardinage comme un ‘arracheur de mauvaises herbes’, (pour éliminer ses adversaires politiques), de sa passion pour ‘la protection de sa montagne’, (pour favoriser ses partisans), de sa proximité avec quelques trafiquants notoires de drogue (i.e. la commission Rault) et partant, son goût pour le briani, sa prétendue ‘mentalite zougadere’, ses qualités de déstabilisateur (le Parti Travailliste en 79 avec son bâton de pèlerin, l’alliance MMM/PSM, le MSM etc..) et ‘sa propension pour les magouilles’…enfin tout ce qui fait de lui un ‘faux Mahatma’. Plus que tout autre, le Parti Travailliste lui en veut à mort parce qu’il a été le plus virulent critique de feu sir Seewoosagur Ramgoolam et dont les attaques ont été les plus mortelles pendant la campagne de 1982. Sans oublier, pour la douloureuse mémoire rouge, avec appétit vorace, il a dépecé deux ministres (Daby/Badry), les contraignant à la démission à la faveur d’une commission d’enquête présidée par sir Victor Glover à l’époque.

En revanche, ses panégyristes estiment qu’il est un homme d’exception au service du pays et du petit peuple, fuyant les ors et les lambris du pouvoir et de la gloire pour vivre modestement dans la maison inachevée de Belle-Terre dans le souvenir de sa mère qui l’a élevé seule depuis la mort prématurée son père alors qu’elle était enceinte. Belle-Terre ou, au bord de la rivière, il cultive des ‘bredes’ et où, quand même, Mme. Indira Gandhi lui avait rendu visite au temps de sa splendeur pour goûter à son thé au gingembre.

Ces mêmes font valoir qu’il n’avait pas hésité, après la grande crise de 82/82, de saborder son parti, le PSM (le Parti Socialiste Mauricien repris par Rohit Beedaysee aujourd’hui), dans un esprit de sacrifice, pour intégrer le MSM afin de se mettre au service de Anerood Jugnauth et devenant ainsi l’homme à abattre du MMM.

D’autres encore estiment que Harish Boodhoo, au contraire, a été constamment trahi par ceux qu’il a aidés à s’installer au pouvoir: SSR, SAJ, et Paul Bérenger, entre autres. Tout récemment, il regrettait l’absence de gratitude de celui-ci à son égard. Lui, qui avait initié l’alliance MSM/MMM en 2000 dans le salon de Pradeep Jeeah à Curepipe, mais à qui Paul Bérenger n’a même pas téléphoné après la victoire ! Un remake de la trahison mauve, selon lui, après avoir été une des deux cautions de Paul Bérenger en 1982!

Comme Rousseau

C’est amer qu’il s’est recroquevillé par la suite sur ses terres, un peu à la manière d’un Rousseau dépité, pour réfléchir et écrire afin de participer régulièrement, à travers la presse, aux grands débats nationaux. Et ce, loin de l’arène politique et des projecteurs médiatiques.

Ses combats, qu’on peut qualifier d’héroïques, ont été multiples et souvent hérissés de dangers. Il a été l’objet de nombreuses menaces de mort. Il a été incarcéré en de nombreuses occasions. Les causes qu’il défend sont celles des ‘ti-dimounes’. Il s’est attaqué à des bastilles, intouchables jusqu’ici (les associations socioculturelles) et à la mafia (hommes de loi/avoués/huissiers) qui a dépouillé de leurs biens d’innocentes victimes.
Bref, cet homme est toujours à la recherche d’un combat. Et quand il s’y engage, c’est un véritable prédateur. Celui qu’il mène en ce moment est désespéré mais ne manque pas de panache. Mais son entêtement et l’intransigeance du gouvernement jusqu’à sa comparution en cour avaient des allures d’une cause du désespoir. D’aucuns ont même évoqué un ‘suicide programmé’ pendant le dernier week-end. De la part de cet homme, rien n’était à exclure. Il aurait été capable de ce coup d’éclat, de cet acte héroïque pour servir sa cause et pour empoisonner la vie de ses adversaires politiques. Pour que la République puisse l’ajouter à la liste de ses martyrs.

Pour banaliser son combat, le Parti Travailliste lui prête même d’autres ambitions: celle de devenir le Premier ministre mauve! Si Harish Boodhoo n’a pas initié toutes ces turbulences, c’est vraiment un coup de chance et s’il les a programmées, c’est vraiment du grand art.

L’homme de Belle-Terre bien qu’affaibli va reprendre des forces maintenant pour passer à l’attaque. Il lui manquait cette dernière épreuve pour se refaire une virginité politique.