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Affaire Medpoint: De l’utilité du Select Committee…

11 avril 2011, 00:00

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L’affaire Medpoint est très grave, peut-être la plus grave qui concerne directement les politiciens du gouvernement. Il y a eu et il y a d’autres affaires troublantes impliquant des politiciens de près ou de loin. Mais jamais une affaire n’a été aussi flagrante.

Il existe deux explications pourquoi les politiciens et/ou les fonctionnaires concernés ont eu le culot de le faire aussi ouvertement. Soit que l’on se rend compte que le peuple est tellement docile et malléable que l’on ait décidé qu’il ne servait à rien de lésiner sur les moyens. Soit que dans les hautes sphères du pouvoir, on ait encouragé subtilement ou directement les personnes concernées à aller de l’avant avec ce deal pour mieux piéger un partenaire politique. Ce qui pourrait se révéler être une alternative aux travaillistes dans le jeu communal dont les règles semblent être déjà établies et qui portent ses fruits. 

Dans la présente affaire, il y est question de l’achat par le gouvernement du bâtiment Medpoint pour Rs 144 millions alors que ce dernier ne vaudrait pas plus de Rs 75 millions. Plus grave: certains disent que ces infrastructures ne valent pas plus que le terrain sur lequel il est construit car les équipements sont bons pour aller à Samlo et le bâtiment bon à être rasé.

Kishore Deerpalsing l’évalue à Rs 16 millions. Il faut savoir que quand on l’évalue à Rs 75 millions (ou à Rs 125 m), on ne prend pas en considération le prix du marché, le fait que personne ne l’aurait acheté. Car en cette période d’excès de l’offre de l’immobilier, qui voudrait d’un bâtiment qu’il faudra raser, ne servant qu’à garder des malades ? Et comme il existe maintenant nombre d’autres cliniques, ce serait une veine incroyable de trouver un acheteur pour Medpoint pour y continuer ses activités. C’est probablement devant cette absence d’acheteur pour un bon prix suite aux mauvaises affaires de cette clinique que l’on aura pris la décision de la faire acheter par l’unique partie qui le voudra bien : le gouvernement, c’est-à-dire, le peuple.

Le 22.03.11, en réponse à une question du Leader de l’Opposition, N. Ramgoolam déclarait qu’il ne pensait pas qu’un Select Committee’ sur l’affaire Medpoint pourrait mener à des résultats concrets et que mieux vaut laisser faire l’ICAC qui pourrait, dit-il, conduire les responsables de cette affaire en prison. Il a même demandé aux députés si c’est cela qu’ils souhaitaient comme si la vérité va éclater avec l’ICAC et les coupables punis impitoyablement. Comme d’habitude, N. Ramgoolam a joué avec les mots à double sens et aurait ainsi fait croire à sa bonne foi.

Admettons pour un moment que l’ICAC se montrera compétent dans tous les sens du terme et ira jusqu’au bout. Que peut faire ce dernier justement?

Voyons sous quelle sous-section l’ICAC pourrait poursuivre les accusés. «Influencing Public Official» semble tout indiqué pour coincer le ou les politiciens responsables. Il y est stipulé que  «Any person who exercises any form of violence, or pressure by means of threat, upon a public official, with a view to the performance, by that public official, of any act in the execution of his functions or duties, or the non-performance, by that public official, of any such act, shall commit an offence…» Si jamais un fonctionnaire serait disposé à affirmer qu’il a subi des pressions d’un ou de plusieurs ministres- ce qui, reconnaissons-le, est très peu probable et ne s’est jamais produit- il faudrait que l’on prouve alors ces pressions. Si la Cour accepte avec ou sans preuve ce genre de témoignage, il faudrait encore prouver «any form of violence» ou «pressure by means of threat» dans l’exercice de cette pression.

Tout le monde sait que normalement un politicien n’est pas aussi bête pour s’adonner à des menaces ou de violence (même si c’est toujours possible) mais se contenterait de donner des instructions à des hauts fonctionnaires qui, à leur tour, les répèteraient aux officiers concernés par le dossier.  Outre la difficulté à se retrouver à travers une chaine de donneurs d’ordre et de receveurs d’ordre et de situer le donneur d’ordre original, on risque aussi de ne coincer que le lampiste, même s’il n’est pas si petit que ça, ce qui est déjà arrivé et arrive toujours.

Ce dernier pourrait alors préférer reconnaitre sa responsabilité et risquer tout simplement un blâme que de reconnaitre sa participation dans un complot de corruption ou de fraude ou d’enrichissement personnel et ainsi risquer d’aller en prison pour une longue période. D’ailleurs, on lui ferait bien comprendre ces enjeux : «Soit tu la boucles et rien de grave n’arrivera, soit tu l’ouvres et tu seras bouclé

Si le fonctionnaire veut quand même dénoncer les pressions, les hauts officiels ou ministres qui auront en premier émis les instructions nieront l’avoir fait et accompagnés de leurs ténors du barreau, tenteront de faire admettre à la cour et même au public leur absolue probité et leur innocence.

L’autre sous-section qui pourrait servir est «Conflict of interest». Son contenu: «Where a public body in which a public official is a member, director or employee proposes to deal with a company, partnership or other undertaking in which that public official or a relative or associate of him has a direct or indirect interest…» Il faudrait d’abord que la Cour accepte qu’un ministre soit qualifié de «member of a public body» sinon cette sous-section ne concernera que le ou les fonctionnaires. Dans l’affaire Medpoint, toutefois, on a de forts soupçons que les intérêts détenus directement ou indirectement à travers des «relatives» dans la compagnie privée concerne un ou plusieurs politiciens.

Tous les autres délits devront faire la preuve de bribery ou de gratification donnés ou reçus ou de corruption pratiquée. Ce qui dans l’affaire Medpoint n’est pas nécessairement le cas puisque la décision de faire l’acquisition de ce bâtiment aura sans doute été imposée ou proposée sans rien en retour sinon la promesse d’obtenir une promotion ou juste de la considération, ce qui n’entre pas dans les exigences du Prevention of Corruption Act.

Puisque l’enquête de l’ICAC n’atteindra pas vraiment le but recherché par le peuple et ne déboucherait que sur l’inculpation de fonctionnaires (ce qui vient d’ailleurs d’arriver), un Select Committee, même s’il n’est suivi d’aucune poursuite au pénal contre des politiciens, aura au moins le mérite de situer les responsabilités et les blâmes. Cela dépend bien sûr des députés qui y siègeront et de leur honnêteté. Ces derniers pourront en tout cas poser beaucoup plus de questions que l’ICAC. Et la vérité éclatera, tout au moins en partie.