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De père en fils, démonstration du phénomène ‘Nou ki Mari’

30 avril 2022, 11:00

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On aura beau dénigrer Pravind Kumar Jugnauth (PKJ) et l’affubler de sobriquets des plus moqueurs mais deux événements marquants qui se sont produits durant cette semaine viennent démontrer qu’on ne badine pas avec ses pouvoirs de Premier ministre et son emprise sur toutes les institutions du pays.

Le mardi 26 avril, PKJ réalisait un coup à la sir Anerood Jugnauth quand la police ignora carrément une injonction signée par le juge Iqbal Maghooa qui interdisait l’expulsion immédiate du Slovaque Peter Uricek qui se trouvait sur le territoire mauricien alors qu’il faisait l’objet d’un mandat d’arrêt, son gouvernement le soupçonnant de trafic de drogue.

Une injonction émise par la Cour suprême devrait être respectée par l’institution sommée de ne pas exécuter la décision dont la justesse a été contestée devant le juge. En attendant que le juge écoute toutes les parties concernées et donne un jugement final. Le juge devait entendre l’affaire le jeud 28 avril. Or, la police mauricienne a fait fi, ce mardi 26 avril, de l’injonction du juge Maghooa et malgré les vives protestations de ses avocats, a procédé quand même manu militari à l’embarquement du Slovaque dans un véhicule de la police pour être conduit à l’aéroport où un avion spécial slovaque l’attendait.

Ce coup à l’Anerood Jugnauth de la part du fils PKJ nous ramène à un événement où il fut question de pouvoirs du judicaire et ceux du Premier ministre représentant l’exécutif. Cela se passa le 15 juillet 1993 alors que SAJ se croyait tout puissant après avoir remporté quatre élections générales coup sur coup. Alors qu’une ouvrière d’usine venue du Sri Lanka, Nilmini Medagama, cherchait à contester l’ordre de son expulsion devant le juge Robert Ahnee, elle fut tout bonnement expulsée du pays dans les heures précédant sa comparution en cour.

La Sri-Lankaise avait épousé un citoyen mauricien et elle était alors dans la dernière phase de sa grossesse. Cette expulsion avant qu’il n’entende l’affaire en Cour fut vivement dénoncée par le juge Ahnee qui vit dans la démarche du gouvernement une grave atteinte à l’indépendance du judiciaire. Le juge Ahnee, qui était pourtant bien positionné pour accéder éventuellement aux fonctions de chef juge, préféra démissionner que de continuer à siéger au sein d’une instance si humiliée par le pouvoir politique de sir Anerood.

Pour en revenir au fils PKJ, ce qui allait se passer le lendemain de l’expulsion du Slovaque allait affirmer de façon encore plus spectaculaire l’ascendant du pouvoir politique jugnauthiste sur les organisations privées les plus puissantes du pays let alone les institutions de l’Etat. Ainsi, ce mercredi 27 avril, on apprenait que la municipalité de Port-Louis, exploitant la vulnérabilité technique d’une filiale du Mauritius Turf Club (MTC), annulait tout simplement le bail de ce club hyperpuissant sur le Champ-de-Mars.

Le MTC organise des courses au Champ-de-Mars depuis 1812, soit depuis 210 années. Le MTC et le Champ-de-Mars ont été pendant plus de deux siècles les deux symboles frappants de la suprématie incontestable d’une composante de la population mauricienne. Laquelle suprématie avait, depuis 1810 déjà, amené les conquérants britanniques à trouver un terrain d’entente avec les puissants locaux. La décision de révoquer le bail sur le Champ-de-Mars équivaudrait, toutes proportions gardées, à une initiative du conseil de La City de Westminster à Londres de faire savoir à la Reine que la fameuse avenue bitumée rouge et connue comme The Mall allait être interdite aux parades royales avec des chevaux, spectacle grandiose qui attire tant de touristes du monde entier. La Reine apprendrait que The Mall serait dorénavant ouverte à la circulation routière 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

Personne, excepté les révolutionnaires du MMM durant les années de braise en 1969-1971, n’aurait pensé qu’un jour le MTC se retrouverait détrôné dans la société mauricienne. Il faudrait reconnaître que quand les jeunes iconoclastes du MMM qui, s’inspirant de Marx, Lénine, Mao Zedong, Ho Chi Minh et Fidel Castro, planifiaient l’île Maurice du futur, un agronome dans l’équipe avait préconisé la transformation du Champ-de-Mars en rizière. En effet, expliquait-il, le sol du Champ-de-Mars était idéal pour la culture du riz.

Pravind Jugnauth a réalisé deux coups majeurs – l’expulsion d’un étranger en défiant le judiciaire et l’humiliation suprême du MTC – qui le rapprochent de plus en plus de son père. Deux superbes coups réalisés dans chaque cas autour du slogan nou ki mari. Pour SAJ, ce fut surtout l’éjection du sol mauricien de la Sri-Lankaise Medagama tout en défiant la Cour suprême et la destruction du conglomérat de Dawood Rawat. Le fils redore son palmarès avec le pied de nez lancé au judiciaire avec l’injonction du juge Maghooa piétinée par des policiers dans le parking de Sterling House et le renversement du symbole de suprématie en terre coloniale que représente le MTC.