Publicité

Global business : l’après-27 février

19 janvier 2022, 11:28

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

La sortie définitive de Maurice de la liste noire de l’Union européenne est quasiment acquise. Après la publication de l’ébauche du Règlement délégué 2016/1675 de la Commission européenne confirmant le delisting de Maurice aux côtés des Bahamas, du Ghana, de l’Irak et du Botswana, la prochaine étape est la ratification dudit Règlement délégué par le Parlement européen. Un item qui sera à l’agenda de la séance du 7 février, laquelle sera présidée par le successeur du regretté David Sassoli. De là, il faudra compter encore 20 jours avant que la nouvelle liste des pays tiers à haut risque n’entre en vigueur. Une disposition qui est soulignée noir sur blanc dans l’Article 4 de l’ébauche du Règlement délégué portant la signature de Mairead McGuinness, la Commissaire européenne aux Services financiers. Celle-ci se lit comme suit : «This Regulation shall enter into force on the twentieth day following that of its publication in the Official journal of the European Union». Donc, techniquement, sauf un retournement de situation plus qu’improbable, c’est le 27 février que Maurice sera totalement blanchi, qu’il aura ce satisfecit confirmant qu’il est une juridiction de substance ayant adopté un mécanisme de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme digne de ce nom.

Mais, d’ores et déjà, c’est en toute légitimité que les opérateurs crient victoire. Depuis l’inclusion du pays sur la liste noire de l’Union européenne, en octobre 2020, ils vivent dans un stress permanent. Certes, il n’y a pas eu d’hécatombe, mais les procédures de diligence accrue appliquées avec rigueur par les banques correspondantes pour les transactions en provenance de Maurice ont provoqué un ralentissement du business dans la zone de l’Union européenne et au Royaume-Uni, sachant que Maurice n’a été enlevé de la liste des pays tiers à haut risque britannique que le 5 novembre dernier suivant son retrait officiel de la liste grise du Groupe d’action financière (GAFI).

Toutes ces procédures auxquelles le pays est, dans une certaine mesure, toujours sujet ont fait perdre du temps et de l’argent et entraîné une perte de compétitivité pour le secteur du global business. Étant donné qu’il est devenu plus compliqué et plus cher de créer des holdings financières à Maurice, de nombreux investisseurs ont graduellement délaissé le centre financier mauricien pour s’installer dans des juridictions concurrentes comme Singapour et Dubaï pour leurs investissements internationaux.À partir du 27 février, la parenthèse de la liste noire se referme et un nouveau chapitre s’ouvre pour le secteur financier. Il faut dire que depuis sa création au début des années 90, l’offshore a connu maintes péripéties, dont la révision de la convention fiscale avec l’Inde en 2016 et l’introduction de l’impôt sur les plus-values pour la cession des actifs qui a coûté à Maurice sa première place comme principal pourvoyeur d’investissements directs étrangers en Inde au profit de Singapour. Un an plus tard, sous la pression de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Maurice a donné son assentiment à la Convention multilatérale dans le cadre de son adhésion au projet BEPS (Base erosion and profit shifting), dont la finalité est de dissuader les multinationales et les grosses fortunes à se tourner vers les juridictions offshore à des fins d’optimisation fiscale. Dans le même temps, Maurice s’est engagé dans une série de réformes réglementaires et fiscales ayant abouti notamment au remplacement du régime de GBL 2 (sociétés non résidentes) par l’Authorised Company. Une étape obligée dans notre volonté de corriger la perception d’opacité entourant la plateforme financière mauricienne, mais qui a donné lieu à un exode de ces investisseurs soucieux de rester dans l’ombre, lesquels ont préféré des destinations plus accueillantes et moins pointilleuses comme Ras el Khaïmah. Ainsi, les chiffres datant de fin juin 2021 montrent que l’on comptait alors 3 291 structures d’Authorised Companies, tandis qu’il y a encore quelques années, on dénombrait en moyenne environ 10 000 structures de GBL 2.

 «À partir du 27 février, la parenthèse de la liste noire se referme et un nouveau chapitre s’ouvre pour le secteur financier»

Ces six dernières années, les opérateurs ont plus d’une fois senti un frisson parcourir le long de leur échine. Plus d’une fois, l’on s’est dit que le secteur du global business allait s’effondrer et qu’il ne saurait être pérenne dans cet environnement mondial en pleine transformation. Mais c’était sans doute sous-estimer la résilience du secteur financier et sa capacité à s’adapter et se remettre en question. Car c’est cela dont il est question. Si l’épisode de la liste noire est l’épreuve la plus éprouvante que le global business aura connue, on ne peut s’empêcher de se dire qu’au bout du compte, c’est un mal pour un bien. Puisque, par la force des choses, le pays a été forcé de rentrer dans le rang et de se conformer aux réglementations rigoureuses du GAFI. Échaudés, les opérateurs savent qu’ils doivent exercer une vigilance de tous les instants, que les gendarmes financiers veillent au grain et que la moindre incartade ne saurait être permise.

L’avenir s’annonce prometteur pour le secteur financier. Pour survivre dans ce nouveau monde où les grandes puissances sont déterminées à restreindre les mouvements de capitaux hors de leurs territoires – en témoigne la vitesse à laquelle les États-Unis et l’OCDE se sont entendus sur l’impôt minimum mondial qui entrera en vigueur en 2023 –, il faudra qu’on préserve l’intégrité de notre centre financier et qu’on se concentre sur le développement de produits et services à valeur ajoutée. Il y a définitivement des opportunités dans la fintech, le capital-investissement et la gestion patrimoniale, des filières dans lesquelles nous possédons déjà une vraie expertise.