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Démocraties à géométrie très variable

8 décembre 2021, 07:20

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Ces mots attribués à Winston Churchill, «Democracy is the worst government, except for all the others that have been tried»,vont encore résonner dans les esprits alors que s’ouvre, demain, le sommet – virtuel, Covid oblige – pour la démocratie, à l’initiative des États-Unis. Plus de 100 pays y participent, dont Maurice, alors que la Chine et la Russie ne sont pas invitées.Trois thématiques, on ne peut plus d’actualité, sont à l’agenda : 1) se prémunir contre l’autoritarisme, 2) s’attaquer à la corruption et 3) promouvoir le respect des droits humains.

Après quatre années de triste mémoire (sur le plan démocratique) de Donald Trump au pouvoir, Joe Biden avait promis de tout faire pourredorer le blason de la plus vieille démocratie au monde. L’idéal démocratique, à Washington, DC, ayant été malmenée, piétinée, comme jamais en raison de la volonté persistante de Trump de dénigrer le processus électoral, qui demeure un des credo du système démocratique. Le pire avait été atteint, en janvier 2021, quand l’ancien président des États-Unis avait encouragé ses partisans à marcher sur le Capitole – temple de la démocratie américaine, qui a été saccagé. Outre l’insurrection meurtrière au Capitole, les grandes manifestations de Black Lives Matter et le retrait la-queue-entre-les-jambes d’Afghanistan sont venus assombrir «le phare de la démocratie» qu’étaient les États-Unis.

Pratiquement un an plus tard, malgré l’élection de Joe Biden, la démocratie US vacille toujours. Dans une rare lettre conjointe, envoyée à l’express, et publiée le 2 décembre dernier, les ambassadeurs de la Chine et de la Russie font une sortie contre l’initiative américaine :«C’est un produit évident de la mentalité de guerre froide, cela attisera la confrontation idéologique et une fracture dans le monde, créant de nouvelles lignes de division.»

Ceux qui n’ont pas reçu leur bristol d’invitation ne comprennent pas, avec raison, pourquoi les États-Unis s’autorisent à définir «qui est un pays démocratique et qui n’est pas éligible à ce statut». Pour les Chinois,le modèle politique chinois est bien plus sensible aux souhaits du peuple, qu’il est«plus parfaitement démocratique que celui de l’Amérique». Ce qui, selon eux, remet en question la légitimité des États-Unis en tant qu’hôte d’un tel sommet.

Au fil des siècles, la démocratie, même à ses balbutiements en Grèce, a toujours pris des formes différentes, tantôt directes, tantôt indirectes et parfois mixtes. Elle a traversé le temps, les continents et les civilisations, jamais définitivement triomphante, jamais définitivement battue. Elle demeure un processus, qui des fois progresse et qui des fois régresse. À Maurice, 20 ans après la libéralisation des ondes, nous assistons, en 2021, à une régression de la liberté d’expression des citoyens sur les ondes radio, alors que les ondes télé demeurent prisonnières entre les mains d’un pouvoir, qui, de plus en plus, veut contrôler la presse, les réseaux sociaux, au nom d’une certaine logique qu’on peut facilement qualifier d’anti-démocratique, voire autocratique.

Ceux au pouvoir aujourd’hui ne réalisent pas qu’ils seront dans l’opposition demain, avec l’alternance imposée par les urnes. Il leur faut donc de l’humilité pour comprendre qu’un choix politique n’est pas une vérité absolue. Mais aussi et surtout il faut de la culture politique et du recul pour admettre que c’est l’électeur qui est au cœur de la vie politique et non pas l’élu. Celui-ci sert le peuple, et évite de se servir à nos dépens.

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Le monde devient plus autoritaire. C’est le dur constat du rapport 2021 de l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale (IDEA), basé àStockholm. L’institut estime que le nombre de pays qui s’autocratisents’avère trois fois supérieur au nombre de pays plus démocratiques.

Autre constat : les régimes hybrides (régimes qui combinent pratiques autori- taires du pouvoir et élections démocratiques, un peu comme chez nous actuellement) et les régimes autoritaires progressent. Pour 2021, le pointage provisoire d’IDEA recense 98 démocraties – un nombre au plus bas depuis plusieurs années – 20 régimes«hybrides», dont la Russie, le Maroc ou encore laTurquie ; et 47 régimes autoritaires, parmi lesquels laChine, l’Arabie saoudite, l’Éthiopieou encore l’Iran.Et en Afrique,l’IDEA observe une forte prédominance de régimes«autoritaires» avec l’exception de laTunisie,considérée comme une démocratie «intermédiaire»… Ici, les derniers changements législatifs et les récentes nominations au sein des institutions de l’État, en pleine pandémie, et dans l’opacité et l’urgence, ne pourront que nous faire perdre encore d’autres points sur notre sinistre route vers l’autocratisation.