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En attendant le pic épidémique

20 novembre 2021, 08:38

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Faut-il nous inquiéter des 85 morts recensés cette semaine, ou nous fautil, de manière cynique, dépassionnée, comparer ce nombre par rapport aux personnes guéries du Covid-19 ? Quel regard poser et comment rationaliser les chiffres et éviter de céder à la panique ou la peur quand des amis, des proches, des collègues, qui souffrent à cause du virus invisible, confèrent aux statistiques mortifères un visage profondément humain et, souvent, bouleversant ? En ces temps où la mort rôde, et que les variants circulent, à bord des autobus ou pas, avons-nous prioritairement besoin de condoléances gouvernementales, de mise en contexte statisticienne ou politicienne, ou simplement de bons vaccins et d’un service et d’un personnel de santé publique étoffés, équipés, sur le pied de guerre, et non pas un personnel rappelé de force, alors qu’il est déjà en voie de «burn-out» ? 

Ce sont des questions, parmi d’autres bien entendu, qui traversent le peuple, alors que nous subissons, depuis quelques semaines, une sérieuse reprise épidémique. Beaucoup sont dans le doute. C’est mieux de toutes façons que d’être résolus face au nouveau virus qui n’arrête pas de se métamorphoser. 

Pas tous les chiffres ont été compilés, nous répond-on trop souvent. Comment savoir alors si nous disposons de suffisamment d’oxygène et de personnel qualifié et motivé pour affronter le pic à venir de la pandémie ? Allons-nous pouvoir protéger nos touristes qui visitent le pays, marchent dans nos rues, même s’ils ne peuvent plus piqueniquer sur nos belles plages alors que Madagascar a déjà décidé de fermer le couloir Plaisance-Ivato ? 

Pour faire reculer la peur et redonner le sourire, il faut des mesures fortes. Pas vraiment les mesurettes annoncées par le PM, à son retour de Glasgow, qui nous semblent inaptes à freiner la contagion qui gagne du terrain, au fur et à mesure que le nombre de victimes grimpe, et que nos morgues s’emplissent. 

Les tergiversations et communications d’hier soir qui tablaient sur une reprise touristique tous azimuts, en dépit de nos faiblesses structurelles et institutionnelles, ne sont plus à l’ordre du jour. Hier, avant la 4e PNQ sur le Covid-19, le ministre de la Santé reconnaissait que la situation à travers le pays s’avère «critique». Il l’a confirmé dans l’après-midi quand il a défendu, à la place du Premier ministre et président du High-Level Committee, le bilan du gouvernement depuis les premiers cas de mars 2020. Alors que sa tête est réclamée, le ministre Kailesh Jagutpal estime que le gouvernement mérite des applaudissements. À se demander si ce n’est pas une forme de schizophrénie qui se développe sous nos yeux ? 

Malgré les discours du gouvernement, les questions pleuvent, dans la rue comme au Parlement. Puisque refermer le pays ou restaurer un lockdown ne sont plus possibles politiquement, à moins d’un revirement spectaculaire de la situation, il faut se préparer à une fin d’année 2021 difficile, avec un pic de contaminations et de morts qui n’est pas encore visible, à ce stade. 

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Le gouvernement est conscient que la manipulation des chiffres a ses limites et qu’il ne pourra pas taire le nombre grandissant de victimes. Car la souche Delta met à mal les stratégies vaccinales, surtout dans les pays, comme Maurice, qui ont utilisé toutes sortes de vaccins, dont celui de Sinopharm, gracieusement offert, en partie, par les Chinois. 

Alors que l’OMS recommande la prudence par rapport au vaccin Sinopharm sur les plus de 60 ans, à Maurice, aucune restriction n’était de vigueur quand on l’a utilisé sur les Mauriciens. Combien de nos compatriotes ont été vaccinés au Sinopharm ? Combien d’entre eux sont décédés et combien étaient des senior ? Le manque d’informations face à la note de l’OMS, réactualisée en octobre 2021, donne à réfléchir : «A relatively small number of participants in the phase 3 clinical trial were aged 60 years and older, and there were no cases of Covid-19 in either the vaccine or the placebo group in this age category; thus, vaccine efficacy could not be estimated from randomized controlled trials, and safety data from these clinical trials are limited.» Qu’en pensent nos membres du Vaccination Committee ? Dans les pays qui connaissent un cercle vicieux de gouvernance inefficace, les dirigeants politiques n’ont, semble-t-il, pas compris qu’il n’y a pas de solution facile aux challenges de la pandémie.  

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Les débats sur le Cybersecurity and Cybercrime Bill, cette semaine, ont permis de faire tomber bien des masques. Surtout ceux qui entendent défendre la liberté d’expression et celle de la presse. Les avocats d’hier sont devenus les nouveaux censeurs et les anciens censeurs sont devenus des activistes de la démocratie participative. Depuis presque deux ans que le télétravail s’impose comme la norme pour la plupart des salariés, nous, nous sommes devenus une cible de choix pour les cybercriminels. C’est un fait. Nos textes de loi doivent être revus et modernisés à l’aune des dernières révolutions des géants de la Silicon Valley (tout en veillant à la non-émergence des phénomènes Dark Net/Deep Web). Mais ce travail de choisir entre le bien et le mal ne peut PAS être laissé entre les mains d’un gouvernement qui a montré, trop souvent, ses dérives autocratiques, et qui contrôle déjà plusieurs institutions. Rien ne doit être absolu. La liberté doit avoir des limites, le pouvoir aussi.