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Zemmour, un Trump français et intellectuel

20 octobre 2021, 14:09

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Eric Zemmour. Vous avez dû l’entendre polémiquer sur les plateaux télé des médias français. Baptisé le «Trump français», il est devenu, sans même avoir annoncé sa candidature à la présidentielle 2022, un phénomène politique et médiatique. Polémiste se classant résolument à l’extrême droite, Zemmour se comporte comme un agitateur intellectuel, qui se voit créditer de 13 % à 17 % d’intentions de vote dans les sondages, devançant des politiciens traditionnels comme Xavier Bertrand, 14 %, et Marine Le Pen, 16 %. Ce qui provoque à la fois admiration, interrogation, stupéfaction et fascination.

À six mois de la présidentielle française, nombre de journalistes s’interrogent sur les raisons de la montée en flèche de cette météorite politico-médiatique, par ailleurs auteur de La France n’a pas dit son dernier mot, un livre-manifeste qui dénonce «un processus de destruction» entrepris par les élites.

Contrairement à Marine Le Pen du Rassemblement national qui a compris qu’il lui faut diluer le vin trop corsé du Front national pour se tailler un profil présidentiel, Eric Zemmour, qui cite davantage Antonio Gramsci que Machiavel, emprunte le chemin inverse. Il cherche à radicaliser et provoquer le débat, en se mesurant aux fortes têtes de la politique. Ainsi, dans un duel très suivi et digne d’une guerre de coqs, sur les ondes de BFMTV, jeudi dernier, Zemmour n’a pas fléchi sous les attaques de l’insoumis en chef, Jean-Luc Mélenchon, réputé pour ses coups de gueule et ses menaces physiques. «Vous êtes un danger à mes yeux, vous êtes un danger pour notre pays, vous êtes un raciste», a assené Mélenchon à Zemmour, qui a alors répliqué : «Dans votre camp depuis deux siècles, on ne débat pas, on guillotine, on n’invective pas, on ostracise»…

Derrière le phénomène Zemmour, l’on retient la maîtrise d’un discours puisant à la fois dans le registre intellectuel que dans un populisme opportuniste, qui caresse dans le sens du poil les bourgeois ultra-catholiques ainsi que l’électorat de la classe ouvrière, deux catégories d’électeurs qui ne veulent pas que «des immigrés envahissants viennent polluer la culture nationaliste française».

Zemmour, porte-parole autoproclamé d’une génération de Français qui souffriraient en silence, ne ménage pas ses adversaires. Face à Mélenchon, il a lancé directement dans les yeux des téléspectateurs-électeurs : «Ce sont les gens comme M. Mélenchon et les élites françaises qui, depuis 40 ans, ont fait la folie criminelle de faire venir des millions et des millions d’immigrés d’une civilisation arabo-musulmane, hostile à la civilisation chrétienne.»

À l’instar de Trump, qui avait déjoué les pronostics en 2016, il ne faut pas prendre à la légère le phénomène Zemmour. Surtout que le personnage excelle dans la communication et sait mobiliser les soutiens. Est-ce une surprise si, au lieu de confirmer son entrée dans l’arène politique face à Macron et Le Pen, Zemmour choisit de se faire porter par une cinquantaine d’enseignants sur le long chemin qui mène à l’élection présidentielle 2022 ?

Car il serait leur sauveur. «Nous appelons l’ensemble de nos collègues, et plus largement encore tous ceux qui n’ont pas renoncé à la grandeur intellectuelle de la France et de ses élites, au prestige de ses métiers, et à l’école républicaine qui en est la matrice, à s’investir dans la campagne pour une candidature d’Éric Zemmour, et à porter celui-ci jusqu’à la victoire…»

Que ce soit avec Le Pen, Mélenchon ou Zemmour, la France, qui aurait dû être en marche avec Macron, semble avoir déjà embrayé sur la vitesse arrière. Avec de tels acteurs, outrances et frasques vont immanquablement ponctuer les actualités politiques en France et au-delà.

Ce sont autant de signes d’un monde de plus en plus contesté, avec des sociétés de plus en plus fragmentées, et où la confiance entre gouvernants et gouvernés se fragilise davantage avec les bouleversements socioéconomiques post-Covid-19. C’est sur ce terreau-là que tous ces nombreux variants d’un nationalisme pur viennent s’enraciner envers et contre tous. Et ce, alors même que l’humanité sera continuellement confrontée à des défis majeurs comme le changement climatique, les enjeux de la connectivité, de la biotechnologie et de l’intelligence artificielle…