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Vaccination : le «game changer»

14 avril 2021, 08:41

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Chacun pour soi et Dieu pour tous. Ce vieux dicton est révélateur de la course effrénée dans laquelle tous les pays se sont engagés pour vacciner leurs populations respectives. Face à cette débandade, on serait tenté de s’interroger sur la belle solidarité internationale qui a permis de bâtir le monde moderne.

Aujourd’hui, l’on se retrouve avec un goulot d’étranglement au niveau de l’approvisionnement des vaccins. Pour cause, ce sont les économies avancées qui dictent les règles du jeu. Dans son dernier World Economic Outlook, le Fonds monétaire international (FMI) indique que 16 % de la population mondiale a déjà précommandé 50 % des doses de vaccins. Clairement, l’Union européenne et les États-Unis sont déterminés à prioriser leurs intérêts, sachant fort bien que la vaccination sera un «game changer» dans cette guerre contre la pandémie. Mais cette situation est profondément injuste car le vaccin est considéré comme un bien commun pour l’humanité.

«Renganaden Padayachy aura la tâche peu enviable de présenter un Budget de relance ayant des allures d’un plan d’action»

Qu’en est-il des économies émergentes et des pays en développement ? Eh bien, ils n’auront qu’à manger les miettes qui tombent sous la table. Pour la plupart, ce n’est que fin 2022 qu’ils pourront compléter leur campagne vaccinale. La conséquence de cette course contre la montre pour l’obtention des vaccins est qu’on se retrouvera avec une reprise économique inégale ou à multiples vitesses. Alors qu’en Europe l’on a tergiversé sur la campagne de vaccination, aux États-Unis, l’administration Biden est confiante d’atteindre la barre des 200 millions de vaccinés fin avril, soit l’équivalent de 60 % de la population. Anticipant une reprise plus rapide de son économie, le gouvernement américain a récemment réajusté à la hausse les taux sur les obligations souveraines. De son côté, le FMI s’attend à une croissance de 6,4 % de l’économie américaine en 2021 contre une contraction de 3,5 % en 2020. Du coup, le PIB des États-Unis devrait dépasser son niveau pré-pandémique dès cette année. Ce qui est de bon augure pour Maurice, dont les exportations sur le marché américain totalisaient Rs 7,1 milliards en 2019.

À Maurice, la campagne de vaccination a connu un coup d’arrêt. Car les vaccins restants du Covishield et du Covaxin seront utilisés pour l’inoculation de la seconde dose. Si les autorités se veulent rassurantes en soutenant que l’objectif d’immunité collective sera bel et bien atteint dans les mois à venir et qu’on pourra envisager la réouverture de nos frontières vers le mois d’août, il n’empêche que la tension est palpable. Pourquoi n’avons-nous pas été prompts à agir comme les Maldives et les Seychelles, qui sont aujourd’hui des destinations Covid Safe et peuvent sereinement se préparer pour la reprise sur le marché du voyage ? Sans doute, il aurait fallu précommander les vaccins auprès des fabricants avant que cette guerre commerciale sur les vaccins qui était prévisible au vu de la demande mondiale n’éclate au grand jour. Au lieu de cela, on s’est laissé endormir en se complaisant du fait qu’on était Covid Safe avant que la seconde vague ne nous ramène à la dure réalité.

Mais la résilience et l’optimisme sont deux qualités qui sont propres aux Mauriciens. Il faut s’y accrocher et espérer que la première cargaison du Spoutnik V (on a commandé au total 1 250 000 doses) arrive comme prévu à la troisième semaine d’avril pour qu’on puisse faire repartir le programme de vaccination. À ce jour, 16 % de la population a déjà été vaccinée. On est encore loin du compte, mais l’objectif qu’on s’est fixé peut être atteint assez vite à condition que les vaccins soient disponibles.

Pour revenir au World Economic Outlook, les experts du FMI tablent sur une croissance de 6,6 % de l’économie mauricienne en 2021, puis de 5,2 % en 2022 et de 3,3 % en 2026. Une performance supérieure à celle de MCB Focus qui, en janvier, anticipait une croissance de 6,3 %. Ces estimations ne tiennent toutefois pas compte de l’effet du reconfinement qui pourrait nous coûter jusqu’à 2 points de croissance, selon AXYS. Il convient de faire ressortir que les conditions plus souples de ce reconfinement comparé au premier confinement, la rapidité à laquelle les Work Access Permits ont été délivrés et la capacité des entreprises à assurer la continuité de leurs activités sont des facteurs qui ont permis de limiter le manque à gagner par jour d’inactivité autour de Rs 300 millions à Rs 350 millions. Quoique le pays soit confiné, la confiance n’a pas totalement été entamée. Les opérateurs économiques se contentent de maintenir un taux d’activité décent en s’accrochant à l’espoir d’un déverrouillage au second semestre. Comme l’a souligné le Division Chef du Research Department du FMI, Malhar Nabar, l’impact de la crise dans la région de l’Afrique subsaharienne est plus conséquent pour les pays fortement dépendants du tourisme, comme Maurice. Et plus le tissu économique est altéré, plus il sera difficile de se relever du choc.

Par ailleurs, le prochain Budget est attendu avec impatience. Le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, aura la tâche peu enviable de présenter un Budget de relance ayant des allures d’un plan d’action avec une marge de manœuvre extrêmement réduite. Car les recettes fiscales risquent de chuter autour de Rs 80 milliards, estiment les analystes. Grâce au Solidarity levy, le Trésor public sera en mesure de grappiller quelques milliards de roupies supplémentaires. D’ores et déjà, Renganaden Padayachy a fait savoir qu’il ne se tournerait pas vers la Banque de Maurice. Dans ce cas, la solution la plus plausible serait d’emprunter auprès de pays amis et d’institutions multilatérales en vue de créer l’espace fiscal nécessaire pour financer le Budget. Ainsi, le prêt de Rs 11,3 milliards obtenu auprès du Japon en février dernier pourrait être mis à disposition. Tout en élaborant son plan d’action, le Grand argentier serait bien avisé d’affecter une enveloppe pour l’achat de vaccins lors de l’année financière 2021-22 puisque la vaccination sera un processus continu. Jusqu’à présent, on n’a pas de données scientifiques précises sur la durée de l’immunité induite par les vaccins. Valeur du jour, la prévention reste la meilleure arme contre la Covid-19.