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Nos douleurs insulaires

13 mars 2021, 07:00

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Chaque homme est seul et tous se fichent de tous et nos douleurs sont une île déserte, écrivait Albert Cohen.

L’écrivaine Ananda Devi avait repris cette citation, le 10 avril 2020, dans Covid-19 et Couvre-feu : Maurice en pause, le hors-série de l’express sur la pandémie pour lancer son interrogation : «Cela signifie-t-il que nous sommes, comme l’écrit Cohen, si seuls que nos douleurs sont une île déserte? Le confinement est-il une sorte de désertification intérieure aussi bien qu’extérieure ?»

Au-delà de ses autres aspects, non moins importants, le moment d’arrêt imposé que nous traversons à nouveau demeure un moment intrinsèquement philosophique, il est en lui-même une expérience philosophique. Car les liens humains «se reconfigurent, se réinventent», alors que le numérique joue un rôle grandissant, avec davantage d’échanges via Internet des écrits, des photos, des conversations…

Le nouveau confinement et le Total Lockdown inédit aux circonscriptions 15, 16 et 17 – et leur impact encore méconnu sur l’économie déjà à l’agonie – prouvent, s’il le fallait, que nous sommes dans une situation dangereuse, qui pourrait vite dégénérer, en termes de victimes du Covid-19, si l’on ne redouble pas d’efforts et de sacrifices afin de freiner, collectivement, la propagation du virus. En l’absence d’une Whole-of-Society Approach coordonnée, non seulement le virus risque de tuer encore plus (d’autant que les respirateurs de Pack & Blister ne sont toujours pas en opération malgré les millions jetés par la fenêtre népotique), mais il peut potentiellement nous asphyxier aussi sur le plan économique et financier.

Si les modalités de sortie de crise ne sont pas encore fixées, le pays risque de devenir ingouvernable car les rumeurs circulent vite et les autorités donnent l’impression d’avoir été prises de court. L’annonce expéditive du nouveau confinement en moins de trois minutes par un Premier ministre au visage fermé a sans doute contribué à créer cette impression qu’on ne contrôle pas le virus; que c’est plutôt, lui, qui nous contrôle. Avec ses apparitions dans des foyers différents et ses variants, qui seraient plus malins que les vaccins…

Alors que le confinement redevient partie intégrante de notre quotidien, il importe de continuer notre réflexion collective sur notre capacité de résilience comme petit pays insulaire, qui importe pratiquement tout et la place que nous aspirons à occuper dans une économie mondialement intégrée, avec ses avantages, ses désavantages et/ou ses risques, comme cette pandémie évolutive.

Dans L’être, l’avoir et le pouvoir dans la crise, une analyse pointue publiée dans la revue Politique Internationale, Dominique Strauss-Kahn, reprend ceux qui tentaient de relativiser le coronavirus, il y a un an de cela, en comparant le nombre de morts du nouveau virus aux chiffres de la grippe saisonnière, aux épidémies de VIH et d’Ebola, voire à ceux qui seraient victimes de l’alcool et du tabac : «Ce type d’argument revient à faire fi du caractère global et absolu de cette pandémie. Global, dans la mesure où aucune aire géographique n’est plus épargnée et parce que la pandémie vient croiser une démographie mondiale qui est sans comparaison avec celle de 1919. Le simple nombre d’individus appelés à rester à domicile est aujourd’hui deux fois plus important que la population mondiale totale lors de l’épisode de la grippe espagnole. Absolu, car il est évident qu’aucun individu ne peut se considérer comme étant à l’abri du risque de contamination…»

Les mots qu’utilise Strauss-Kahn pour décrire les conséquences du coronavirus sont forts mais pas excessifs : «destruction de capital, évaporation des savoirs, éducation sacrifiée, coma organisé et délitement subi mais sans doute durable des chaînes d’approvisionnement». On est bien loin des discours rassurants d’un Padayachy face à la presse, parce que le pays compte, pour l’heure, plus de 12 mois d’importation comme réserves. Et quand ces réserves seront consumées, on fera quoi…

Mais l’heure n’est pas au règlement de comptes, mais à la stabilisation de la machine économique, qui a été mise en arrêt brutal. Même en temps de guerre, il y a une autre économie qui prend le relais, comme un respirateur artificiel.

Le Grand Commander of the Order of the Star and Key of the Indian Ocean à Sooroojdev Phokeer ressemble à un pied de nez aux Mauriciens qui l’ont baptisé «Loudspeaker». Le vaccin de rappel est douloureux : Nou ki gouvernman, nou kapav fer sa ki nou oulé, kontinié mars-marsé zot...