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Air Dodo et pli tipti gato

27 janvier 2021, 07:08

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Air Mauritius est sous administration volontaire depuis avril 2020. En juin 2020, le premier budget gouvernemental du ministre Padayachy trouve approprié d’allouer Rs 9 milliards pour assurer la «survie» de notre ligne d’avion nationale. C’est la somme que l’administrateur Sattar Hajee Abdoula estimait alors nécessaire pour tenir jusqu’en mars 2021. Un communiqué des administrateurs en date du 18 novembre 2020 déclare, pour l’essentiel, renvoyer l’échéance du «watershed meeting» au 30 juin 2021 en vue du manque de visibilité sur l’avenir. D’autre part et depuis, des informations moins officielles parlent de licenciements, de révision drastique des coûts d’opération, d’abandon éventuel de lignes non rentables, de vente de vieux avions et de contrats de leasing révisés à la baisse avec, apparemment, l’étonnante amélioration que le ‘lease’ ne sera payable qu’en fonction de l’utilisation (et non plus la seule possession) des avions. Si c’était vraiment le cas et que cette révision était au même tarif de base qu’originellement, il faudra alors célébrer et peut-être, en parallèle, se faire du souci pour la compagnie de leasing plutôt ? 

Cependant, globalement, ça reste la bouteille à encre. 

Par exemple, personne ne connaît les conditions de rémunération de l’administrateur à ce stade. Il est improbable que cette rémunération soit basée sur une grille de «succès» à atteindre. Il n’est pas plus probable qu’elle soit sous la forme d’un cachet fixe. Adossé à ces hypothèses, plus ça dure, plus ça pourrait coûter cher évidemment. 

De plus, les derniers comptes publiés datent de décembre 2019. C’est dans ces comptes que l’on apprend pour la première fois qu’entre mars et décembre 2019, l’endettement d’Air Mauritius, qui comptabilise désormais ce qu’elle doit pour ses nouveaux «leases», est passé de 68 millions d’euros à 749 millions d’euros, alors que les fonds propres ne bougent que de 47 millions à 51 millions d’euros. Il est vrai qu’en parallèle, ce même bilan affiche maintenant la valeur des avions neufs, qui progresse donc de 700 millions d’euros, mais c’est l’endettement face aux fonds propres qui devient intenable ; un ‘gearing ‘simple de 1,44 à 1 passant d’un coup à 14,7 à 1 ! Ainsi le dégraissage massif qui devient prioritaire pour espérer en rajouter aux fonds propres… grâce à des profits ! 

Et encore, puisqu’une des autres conséquences de la pandémie de Covid-19 est l’effondrement de l’aviation mondiale et donc de la valeur marchande des avions plus récemment achetés euxmêmes, il faudra donc, (pas de chance !), provisionner la valeur des avions au bilan ! Restera-t-il alors des fonds propres ? Nous ne le saurons pas jusqu’en juin 2021, puisque les états financiers trimestriels de mars, juin, septembre, décembre 2020 n’ont pas été publiés. S’il ne peut publier ces comptes intérimaires, à cause de «principes comptables fondamentaux» (selon le communiqué du 18/11/2020), l’administrateur n’a-t-il pas quand même des devoirs de transparence minimum vis-à-vis des actionnaires, des employés qui restent, du gouvernement (et donc du Parlement et des contribuables), ce dernier garantissant apparemment certaines dettes (combien ?) et projetant, à nouveau, dit-on, d’injecter encore plus de nos précieux fonds publics ? 

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Ça y est ! Nous sommes bien officiellement entrés dans la spirale des attentes illusoires ! La semaine dernière, le ministre des Finances refusait d’augmenter les pensions de vieillesse du montant de la compensation salariale (Rs 375) au motif qu’il y avait d’autres priorités nationales, comme les vaccins. 

Fondamentalement, il a éminemment raison, d’autant que les pensions, dopées par la plus récente fringale électorale, venaient d’être augmentées par 45 % (Rs 2 790) en décembre 2019, après avoir progressé de 71 % entre 2014 et 2019 ! Les démagogues espèrent toujours, sans doute, que le PM sera tenté de céder à l’opportunité de jouer, à nouveau, au père Noël ; quitte à désavouer son ministre des Finances ! Mais, clairement, s’il faut choisir où dépenser son argent, (ce qui a toujours été le cas, malgré l’illusion des Rs 60 milliards du «one-off bonanza» de la BoM), c’est qu’on n’a pas les coudées franches et que le «Whatever it takes!» dépend crucialement, en fin de compte, du «Whatever it makes!» du pays. 

Or, le pays a des jambes qui tremblotent, de faiblesses diverses accumulées… certaines connues et certaines encore, au moins partiellement, invisibles. 

Par exemple, le Budget 2020/21 estil encore ‘on track’, malgré l’extension du WAS, la réouverture du ciel qui traîne bien au-delà des hypothèses faites en juillet 2020 et le «retour sur investissement» sans doute déplorable de Côte-d’Or, de Safe City ou du Metro Express ? 

En attendant le score budgétaire, n’est-il pas opportun de jouer la carte de la transparence (en espérant donc générer de la confiance) en situant l’impact des trois gros projets ci-dessus : coût final de l’investissement, coûts opérationnels – y compris le coût de la maintenance et les coûts financiers et les revenus estimés* en 2020, 2021 et 2022 ; ne serait-ce que pour situer leurs «contributions» respectives au plus «tipti gato» ? Car le risque, c’est qu’il faudra peut-être, en conséquence, voir certaines de nos aspirations les plus légitimes, comme de l’eau 24/7, une santé publique et un système éducatif de meilleure qualité et peut-être même des routes sans nids de poule, être transformées en des aspirations plus improbables… 

*Pour Safe City, le «revenu» espéré était une baisse de la criminalité. But atteint ?

 

L'édito paru cette semaine dans Business Magazine