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Un îlot de réussite dans un marécage de fiascos

3 janvier 2021, 07:23

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Un îlot de réussite dans un marécage de fiascos

Dans un pays où l’on peut zapper un conseil d’administration tout entier, au seul motif que celui-ci avait insisté pour le respect du règlement existant qui disqualifiait Madame Boygah comme CEO du Mauritius Standards Bureau, parce qu’elle n’avait pas les qualifications requises ; on peut penser au pire. 

Dans une île où un bateau de 300 mètres de long, jaugeant 203 000 tonnes, peut, une fois arrivé dans notre Zone économique exclusive, continuer à dériver de sa ligne d’approche «prudente» pendant plus de deux jours sans que l’on ne fasse RIEN pour l’arrêter ou le réorienter, on peut avoir le sentiment que tout est possible. 

Dans ce même pays où ce bateau de 300 mètres s’échoue finalement sur nos récifs à Pointe-d’Esny et où on n’essaie pas de pomper l’huile lourde dès le premier jour, ni n’essaie-t-on, non plus, de contacter les pays amis dans l’urgence et où l’on est plutôt ‘relax’ ; le premier bateau des Coast Guards se pointant quatre jours plus tard et le premier remorqueur, le Stanford Hawk… six jours plus tard, on peut conclure à un pays mal préparé et peu réactif. D’ailleurs, on attend toujours le rapport de la “Court of Investigation” établie le 18 septembre 2020. 

Dans une patrie où le certificat d’urgence engendré par le Covid-19 peut convertir des quincailliers, des restaurateurs, des bijoutiers et des publicitaires en fournisseurs d’équipement médical spécialisé et de PPEs, à des prix parfois surprenants, le sentiment de stupeur peut grandir anormalement. Quand on y greffe un fournisseur espagnol, sans agent local apparent, qui s’approvisionne chez des Turcs pour fournir des respirateurs qui ne marchent toujours pas, n’est-on pas, passablement interloqué, en droit de demander QUI a enlevé le «dilwil dan les zoreys» de Pack n Blister et de demander des comptes sur le demi-milliard d’argent public ainsi mal engagé ? Puis, de se boucher le nez ? 

Dans une république démocratique où l’on aura tenté d’imposer un “Prosecution Commission Bill” pour essayer de mettre sous bol, une des rares institutions encore indépendantes du pays, càd le DPP, la nation aura pris note des «valeurs» profondes de nos gouvernants. 

Dans un pays où le commissaire de police qui vient de prendre sa retraite pour devenir l’actuel commissaire des prisons, se fait arrêter pour «using his public office for gratification» (même si on est resté anormalement discret sur ce qui constitue le «gratification» dans ce cas), on peut conclure que ce pays est plutôt capable de polis…sonnerie. 

Sur cette terre où le premier des ministres ne parvient toujours pas à se dépêtrer des incohérences particulières des achats de terrain à Angus Road et qui fait même, personnellement, l’objet de plusieurs enquêtes de l’ICAC (dont certaines sont, certes, discontinuées, mais sans avoir été référées – comme il se devait – au DPP), on se dit que l’exemple ne viendra pas d’en haut et qu’il ne faut donc s’attendre à rien de bon. 

Dans un pays où certains policiers (il ne faut PAS parler de toute la police – chacun devant choisir son camp et assumer ses responsabilités), sont prompts à proposer le «suicide» comme explication de diverses mortalités, négligeant les indices, dédaignant d’enregistrer des témoignages, faisant fi des protocoles établis dans des situations cataloguées «highly sensitive» *, comment s’attendre à des dénouements d’enquête tant heureux que professionnels et à de la confiance ? 

Dans une île où l’on peut fermer les frontières en deux temps afin de permettre à certaines familles de rentrer juste avant le lock down et ainsi d’échapper à une douloureuse quarantaine loin du prince, on transpire à l’idée du privilège irresponsable et l’on se dit qu’ils sont capables de tout. 

Dans un pays où le leadership politique aura nommé ses hommes (ses femmes !) à l’“Electoral Supervisory Commission”, créant au minimum la perception d’une politisation de ce que nous avions de plus cher et de plus respecté, càd des élections libres, s’étonne-t-on que les dernières élections soient à ce point contestées et de l’image infectée que cela a rendu possible ? 

Dans une nation où l’on peut être fiscalement irresponsable en promettant des générosités électoralement gagnantes, où l’on peut commanditer, puis négliger un rapport du FMI sur les plans de pension du pays et finalement proposer une CSG que l’on refuse de détailler, mais qui va certainement ruiner le pays un peu plus ; l’on se dit qu’ils sont capables du pire. 

Dans un État où le Parlement est largement engagé sur la piste du dysfonctionnel, avec des centaines de questions sans réponse, des séances de mardi rationnées pour éviter les PNQ, un loudspeaker généreux pour les «Ayes» et intolérant pour les «Noes», où l’on a même osé réécrire une PNQ et adultérer le Hansard, on pourrait penser que les carottes brûlent… et que nos repas démocratiques vont en souffrir. 

Dans un pays où il a suffi apparemment d’une phrase dans un rapport de la BAD pour que l’on demande au VPM Collendavelloo de démissionner, alors que d’autres, bénéficiaires d’enquêtes de haut niveau, méritent des déclarations publiques de confiance renouvelée, comme le chauffeur du ministre Ganoo ou le ministre Sawmynaden, on peut s’inquiéter des capacités de jugement… au plus haut niveau. 

Dans un pays où l’on découvre, un beau jour, qu’un cadavre partiellement carbonisé retrouvé dans un champ de cannes de Moka, appartenait à un agent MSM de la circonscription N° 8, qui, non content d’avoir été floué et «utilisé» lors d’appels d’offres publiques, menaçait de dévoiler tout le poutou mafieux, si on ne lui payait pas de quoi éteindre ses dettes personnelles ; on peut trembler à l’idée de ce qui pourrait suivre… 

Dans un territoire qui est au moins suffisamment malhabile et peut-être suffisamment malfamé pour se retrouver d’abord sur la liste grise de la FATF, ensuite sur la liste noire de l’Union européenne, on a peine à imaginer que l’on soit capable du meilleur… 
Et pourtant, c’est ce même pays qui ayant, en 2020, accumulé tant de bourdes, affiché tant de fiascos, consacré tant d’inquiétudes qui aura réussi (véritable triomphe !) à concrétiser un plan sanitaire qui a mobilisé suffisamment de talents, de discipline et de participation publique pour être un succès tonitruant ! Nous sommes Covid-safe depuis le 26 avril dernier ! Depuis le 1er juin nous menons des vies plus ou moins normales, nous allons à la mer, écoutons des concerts, manifestons à l’appel de M. Laurette, écumons des bars, fréquentons des restaurants, passons la Noël et l’année nouvelle en famille ou entre amis, presque sans restrictions. Cependant que l’Union européenne, pour des raisons qui nous dépassent, a actualisé sa liste de pays tiers dont les résidents sont acceptés librement aux frontières de la zone Schengen SIX fois depuis le 30 juin, sans jamais inclure notre pays comme étant «épidémiologiquement sans danger» ! * Pourquoi ? Comment fait le Rwanda ? Notre ministre des Affaires étrangères accepte-t-il cela ? 

Quoiqu’il en soit, ce triomphe précieux étant plutôt unique dans le bilan gouvernemental qu’il ne peut pas le lâcher ou le risquer ! Même au prix d’un aéroport en panne, d’un Air Mauritius au mouroir, de visiteurs qui ne visitent pas à cause de la quatorzaine imposée et d’une activité touristique en panne de… touristes, avec toutes les conséquences qui vont suivre économiquement. 

Et si vous avez souhaité la «bonne année», le 31 décembre 2020, espérons seulement, au vu du résultat de vos voeux du 31 décembre 2019, que ce sera quand même… mieux cette fois !? Mieux, si seulement le bouillonnement social actuel ne s’aggrave pas et ne déborde de la casserole !

*La dernière liste actualisée le 24/12 contient 8 pays : dont l’Australie (31 nouveaux cas le 30/12), le Japon (3 856 cas, 30/12), la Thaïlande (250 cas, 29/12), le Rwanda (122 cas, 30/12), la Corée du Sud (967 cas, 30/12), la Nouvelle-Zélande (0 nouveau cas ! Comme nous !), Singapour (27 cas, 30/12) et la Chine (23 cas, 19/12) 

*https://www.schengenvisainfo.com/eu-list-of-epidemiologically-safe-countries-amid-covid-19/