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Kistnen: Puissant polar pour Netflix

5 décembre 2020, 07:45

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Kistnen: Puissant polar pour Netflix

L’affaire Kistnen donne froid dans le dos des plus blasés. Seuls les collègues-ministres de Yogida Sawmynaden trouvent que ce ne sont que des “palabres” ou “allégations” qui ne méritent même pas un débat au conseil des ministres — qui a fait abstraction de l’affaire hier.

Si, au fil des actualités et des années, on a fini par s’habituer aux scandales impliquant des membres du gouvernement (preuves étayées, s’il en fallait, qui démontrent que Maurice n’est pas un pays propre), l’on franchit, ces jours-ci, un cap avec la mort suspecte de l’activiste MSM, proche de Yogida Sawmynaden : Soopramanien Kistnen – qui fait l’objet d’une triple-enquête (judiciaire, policière et citoyenne). Tant l’intrigue, la trame, les acteurs interpellent.

Les terribles révélations qui remontent à la surface depuis le 18 ocotobre, quand Kistnen a été retrouvé mort calciné dans un champ de canne, les pieds nus, et sans son téléphone, viennent démonter et démontrer les liens mafieux qui existent entre le pouvoir et ceux qui gravitent autour du pouvoir et des institutions publiques. Elles jettent une lumière crue, en particulier, sur les relations entre ministres et leurs agents politiques, qui se croient souvent au-dessus des lois du commun des mortels.

Il y a, comme dans un shot condensé, un dangereux mélange de menaces, d’intimidations, de faux documents, d’appels d’offres pour des équipements médicaux durant le confinement, avec la complicité experte de plusieurs ministères et de la State Trading Corporation, des compagnies, contrats et emplois fictifs, du trafic d’influence, de la corruption (petite et grande), de l’enrichissement illicite. C’est pas fini : il y a aussi comme ingrédients le rôle ambigu de la police et l’état des caméras de Safe City, les agissements des gardes du corps, les dessous de table, les instructions criminelles qui viennent pratiquement, selon la formule consacrée, toujours d’en haut, les élections et les moeurs électorales, une justice à vitesses multiples.

Netflix aurait pu facilement tourner, dans les champs de cannes, dans les arcanes du pouvoir, dans les conseils de district, dans les corps parapublics, une série ininterrompue sur les dérives pouvoiristes de chez nous, avec un focus sur les liens entre les Kistnen et les Sawmynaden, qui sont devenus, d’office, les principaux acteurs de ce polar mauricien qui vient clôturer cette année pas comme les autres. Il ne manque plus que le généreux Alan Govinden pour financer ce projet cinématograhique, s’il lui reste des sous après son Prisoners in Paradise.

Mais pour que Govinden finance, il faudrait que le propriétaire des quatre arpents d’Angus Road lâche Yogida, qui, pour rappel, est sorti de l’anonymat, le 10 décembre 2012, quand il a photographié Nandanee Soornack dans la cour du collège Maurice Curé. Aujourd’hui, c’est lui qui se retrouve au centre d’une sale histoire, qui a déjà frappé l’imaginaire mauricien.

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Le fait que la quasi-totalité du conseil des ministres prenne une pause, mercredi, pour animer une conférence de presse de la victoire (par rapport à la présidence des conseils de district) au Sun Trust est-il en soi problématique ? Serait-ce aussi condamnable que lorsque les ministres étaient allés en Cour intermédiaire, le 30 juin 2015, pour soutenir Pravind Jugnauth après sa condamnation dans l’affaire MedPoint ?

Ces interrogations légitimes proviennent d’internautes qui observent que le chef du MSM ouvre la porte du Sun Trust à l’express quand il s’agit de faire la promotion de son parti, mais nous ferme la porte au nez quand il anime, au bâtiment du Trésor, un point de presse sur l’affaire Angus Road — tout en nous reprochant de ne pas couvrir sa version des faits. Ce qui nous paraît contradictoire, d’autant que notre liste de questions repose sur plusieurs bureaux du PMO, sans que l’on n’obtienne des réponses.

Au hit-parade des affaires, la gestion de l’opinion détermine souvent le classement. Le scénario selon lequel Pravind Jugnauth utilise les six conseils de district et l’affaire Kistnen pour faire oublier ses propres problèmes immobiliers/financiers/ fiscaux n’est pas à écarter. On verra bien si le Premier ministre accepte de protéger son colistier du numéro 8, ou s’il le sacrifie sur l’autel du cinéma politique.